La destruction par le feu de Notre-Dame de Paris, le poumon culturel et historique qui subsistait au cœur de la capitale française, marque incontestablement la fin d'un cycle.
Depuis l'incendie, les hommages rendus par les politiciens semblent sincère - de la même façon qu'on ne réalise la valeur d'une chose qu'une fois qu'on l'a perdue. Mais le sont-ils vraiment? Et comment en est-on arrivé là?
Faillite de l'État Français
"Les millions affluent pour reconstruire la cathédrale, mais lorsqu'il s'agissait simplement de financer les travaux de réfection, il n'y avait personne", se plaignit sur les ondes un fonctionnaire français du Patrimoine. La remarque est typique de ce qui tient lieu de réflexion à tous les niveaux de la société française: avec plus d'argent, tout irait drôlement mieux.
Avec plus d'argent, Notre-Dame n'aurait pas pris feu? Curieuse défense pour un chantier de réfection transpirant l'incompétence dès le premier jour.
Pourquoi collecter des millions pour rebâtir la cathédrale alors que le versement de l'assurance aurait suffi? Mais pour toucher une assurance, il aurait fallu que le chantier soit assuré en premier lieu (des économies de bout de chandelle pour lesquelles nos Vaudois n'ont pas été meilleurs). Ne pas assurer un chantier revient à s'exposer à un risque inqualifiable.
Bien entendu, une compagnie d'assurance aurait pu refuser le mandat ou, plus probablement, poser des exigences aussi élevées que ses primes. Ce n'est que justice: une assurance n'est pas là pour éponger la bêtise et l'inconséquence, mais pour se prémunir contre un risque. Rétorquer que Notre-Dame était "inestimable" n'est pas un argument recevable. Tous les jours, des œuvres d'art tout aussi "inestimables" voyagent à travers le monde, parfaitement assurées. Et là encore, les assurances jouent parfaitement leur rôle de prévention: l'emballage, les vibrations et le taux d'humidité sont vérifiés en permanence pour les tableaux anciens, en plus d'une expertise scrupuleuse au départ et à l'arrivée.
Si l'État français n'avait pas failli dans sa mission de sauvegarde du patrimoine, il aurait assuré le chantier de réfection de la toiture de Notre-Dame. Il aurait signé un contrat d'assurance de chantier. Il se serait plié aux exigences du contrat, comme un stockage approprié des matériaux inflammables, un système de détection d'incendie digne de ce nom, une vérification du personnel et une certification des systèmes électriques des échafaudages, des rondes… Autant de choses qui auraient pu éloigner le risque d'un sinistre comme celui qui emporta la cathédrale cette semaine.
À la place, l'État français choisit de s'affranchir des règles de bonne gestion qu'il n'hésite pas à imposer au secteur privé. Des fonctionnaires - qui ne seront pas limogés - firent "des économies" de moyens et de contrôle des risques en renonçant à contracter une assurance. Ils mirent en place un ensemble de précautions de chantier qui n'étaient visiblement pas à la hauteur. Le résultat s'étale depuis plusieurs jours en une de tous les journaux du monde.
Il faut l'écrire: il n'y a aucune fatalité là-dedans. La destruction de Notre-Dame est la responsabilité de l'État français. La cathédrale était le monument le plus fréquenté d'Europe avec 13 millions de visiteurs l'an dernier. Sa toiture avait survécu à plus de 700 ans d'histoire et deux Guerres Mondiales. Il aura suffi de quelques années de social-démocratie française pour que tout parte en fumée.
Faillite du Vivre-ensemble
L'incendie de Notre-Dame est-il volontaire? Dans les médias, la question est taboue. Aucun article francophone sur le drame ne mentionne des mots comme "islam", "attentat" ou "terrorisme". Dès les premières minutes (!) de l'incendie la police présentait l'événement comme un "incendie accidentel". Établir les conclusions de l'enquête avant même qu'elle ne débute, voilà un bon moyen de gagner du temps.
D'une certaine façon, le porte-parole qui lança cet énorme bobard n'avait pas tort: l'incendie de Notre-Dame sera accidentel. Pour la simple et bonne raison que l'enquête lancée sur le sinistre, la vraie, a déjà limité son champ d'investigation aux "causes accidentelles", et nulle autre.
Les Internautes furent nombreux à mentionner l'incongruité d'un visiteur dans les tours le soir du sinistre - un ouvrier, explique-t-on. Le départ et la rapidité du feu suscitèrent l'incrédulité jusque chez l'ancien architecte en charge de l'édifice - en direct sur le plateau de France 2. De lourdes poutres de bois de chêne massif qui s'embrasent comme des allumettes? Le doute s'immisce malgré le bétonnage de la vérité officielle…
"On n’est pas responsable politique quand on se complaît dans le complotisme", rétorqua, avec la subtilité qui le caractérise, le nervis Christophe Castaner, dont on raconte qu'il serait ministre de l'Intérieur. En revanche, l'incompétence et l'hypocrisie se conjuguent parfaitement avec la charge politique. Car si on ne sait pas quelles sont les causes du sinistre de Notre-Dame, ce n'est que le brasier qui cache l'incendie de forêt. 875 églises ont été vandalisées en France, rien que l'an dernier.
La carte 2018 des attaques christianophobes (attaques d'églises et attaques dans des églises)
Les médias ne parlent du sujet que du bout des lèvres. Une tache aveugle tellement béante face à l'ampleur des faits qu'elle attire l'attention de médias étrangers, quelques jours avant l'incendie de Notre-Dame...
La célèbre cathédrale n'est pourtant même pas la seule église de Paris à brûler cette année. La deuxième plus grande église de Paris, l'église Saint-Sulpice, a fait l'objet d'un incendie volontaire le 17 mars, il y a tout juste un mois. En aviez-vous entendu parler?
Incendie criminel à Paris - mais à l’église Saint-Sulpice plutôt que Notre-Dame. Tout va bien.
Quant à Notre-Dame, le hasard est taquin: la cathédrale est en feu la semaine même le la condamnation d'une certaine Inès Madani… Pour avoir tenté de faire sauter Notre-Dame avec des bonbonnes de gaz en 2016.
Oui, les églises de France sont sous pression. Et la destruction de Notre-Dame fait des heureux - je vous laisse deviner qui. Des gens qui laissent éclater leur joie dans les rues et sur les réseaux sociaux.
Faillite des élites
Notre-Dame a brûlé. Vous savez, l'œuvre d'art. Le monument historique. Les réactions de certains hauts responsables démocrates américains ont un point en commun:
...Vous n'y trouverez ni le mot "église", ni le mot "catholique". Un problème de saisie au niveau du clavier, sans doute.
Notre-Dame était certes un joyau architectural de l'art gothique, une mémoire du passé, un symbole de Paris, une attraction touristique majeure, tout ce que vous voudrez, mais c'était aussi, et surtout, une église. Une véritable église, ouverte au public, à la prière et au culte. Pas une ex-église, une église reconvertie en musée ou quoi que ce soit d'autre. Une église catholique.
Et ça, il leur est impossible de l'écrire!
Le virus mental qui affecte la gauche américaine a traversé l'Atlantique depuis longtemps. La nouvelle polémique qui enfle désormais en France concerne la reconstruction de Notre-Dame. Rien n'oblige à reconstruire la toiture à l'identique, rappellent avec empressement les serviteurs de la France de Macron. État entendu que la réalité d'une "éventuelle contrainte" ne peut aller se chercher que dans l'examen de traités internationaux ; le peuple français n'a pas, et ne doit jamais, avoir son mot à dire!
Alors qu'Emmanuel Macron lance un programme "ambitieux" de reconstruction en cinq ans (rappelons que Notre-Dame fut construite entièrement en 60 ans, avec la technologie disponible au XIIIe siècle…) quelques personnes en viennent à se poser la question: si le but est de reconstruire ce qui a été détruit par le feu, pourquoi l'Elysée souhaite-t-il lancer un concours ouvert "aux plus grands architectes internationaux"? Mais s'inquiéter de cela, c'est probablement être "d'extrême-droite"…
Sur France-Info, un architecte interviewé se lâche: bien sûr qu'il faut profiter de l'occasion pour faire quelque chose de différent! Et utiliser les matériaux modernes d'aujourd'hui, l'acier, le béton! Tant pis si ça choque! Les générations futures pardonneront volontiers, comme elles pardonnent aujourd'hui des merveilles architecturales parisiennes comme le Palais Beaubourg, la Tour Montparnasse, les Colonnes de Buren ou l'Opéra Bastille…
Notre-Dame 2.0 va avoir de l'allure.
Par une inconséquence coupable, la toiture de Notre-Dame a été détruite sous l'égide du Président Macron. Tout porte à croire que l'homme-enfant parvenu, désespéré de laisser une trace dans l'histoire, trouvera dans la réfection de la toiture de la cathédrale le moyen d'en faire le symbole de son passage au pouvoir.
Avec une inauguration prévue en 2024, nous saurons assez vite ce qu'il en est. En attendant, beaucoup d'autres églises brûleront en France d'ici la fin de l'année et lors des suivantes, dans des incendies forcément accidentels et le plus grand silence médiatique.
Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 19 avril 2019