Ce qui est insupportable au lendemain des scrutins à deux tours, c’est la mine déconfite d’un certain nombre de camarades lorsqu’on leur annone que le FN n’a conquis qu’une poignée de communes, zéro départements ou zéro régions. On en a même entendu certains, déclarer qu’ils envisageaient de s’installer dans un pays « européen » d’Amérique du sud pour y créer leur propre communauté tel un Little italy ou un China town. Il faut leur rappeler qu’en 1965 Tixier Vignancour n’avait obtenu « que » 5 % à l’élection présidentielle, ce qui était formidable à l’époque, et que le FN avait mis 12 ans pour atteindre en 1984 son premier résultat significatif aux élections européennes. On ne peut que répéter pour les naïfs que -sauf guerre ou révolution- la caractéristique du corps électoral est la stabilité avec une évolution sur le long terme de 0,5 à 1 % par an. Le meilleur exemple étant la lente dégringolade du parti Communiste français, qui aura mis 40 ans pour chuter de 20 points.
Le problème du Front national pour les élections à deux tours, c’est que ce parti n’a pas de réserve et qu’il ne veut pas -ou ne peut pas- conclure d’alliance; à titre d’exemple, 58% des électeurs du parti de Dupont-Aignan se sont reportés au second tour vers les « Républicains ». Il était dit ici, il y a une semaine, que ceci pouvait changer au-delà de 30 % des voix sur l’ensemble du territoire. Par contre, et à l’inverse de ce que prétendent les commentateurs officiels, la mobilisation de second tour bénéficie autant au Front national qu’à ses adversaires sauf situations particulières liées au charisme de chaque candidat (Marion par exemple). Le FN n’a engrangé aucune région, certes, mais il a recueilli pratiquement 7 millions de voix au soir du 13 décembre, score jamais atteint mais encore très éloigné des 18 millions de voix de François Hollande au second tour de la présidentielle de 2012… c’est loin d’être gagné.
Pour faire enrager nos amis du FN je leur fais remarquer que leur parti a tout de même conquis une région, si ce n’est sur le terrain électoral tout au moins sur celui des idées, c’est la Corse qui a élu des autonomistes sur un programme identitaire qui va même au-delà de celui du Front National : préférence régionale, statut de résident (5 ans d’ancienneté sur l’ile pour devenir propriétaire), protection du patrimoine, de la culture et de la langue… Les relations futures entre l’assemblée de Corse et le gouvernement français ne ressembleront pas à un long fleuve tranquille si l’on observe l’attitude anti-démocratique de Manuel Valls au soir du second tour qui a omis de féliciter Gilles Siméoni comme il l’a fait pour les 12 autres futurs présidents des régions françaises. Il est vrai que la proximité de l’électorat FN et autonomiste du point de vue sociologique est telle que la Corse est le département français où le FN réalise ses scores les plus faibles par un jeu de vases communicants. Bienvenue au nouveau patron de la Corse dans le club des intouchables…
Dans notre nouvelle grande région “Occitanie” on notera l’excellent score de Louis Aliot sur la partie Languedoc-Roussillon, ce qui lui aurait certainement permis d’être élu, si Hollande n’avait pas voulu entrer dans l’histoire par le biais de la réforme territoriale. Ce qui renforce ce que nous avons toujours dit à savoir que l’objectif réel de cette réforme était de favoriser l’élection des affidés du premier cercle du président de la République…
Terminons ce tour d’horizon par les Antilles où les régionalistes enlèvent la collectivité territoriale de la Martinique en battant le président sortant socialiste avec l’aide de la liste minoritaire des républicains ce qui constitue un revers cuisant pour la gauche. Silence-radio dans les médias…
Dès les résultats du second tour connus, les hommes politiques (Valls, Cambadélis, Raffarin, NKM, Juppé…) bousculés -pour une fois- par les journalistes, ressortaient leur éternel refrain « on a compris le message des français » pour retomber dès le lendemain dans leur cuisine immonde du « Pacte républicain », de la « majorité d’idées », de la « nouvelle majorité » autant de « concepts Théodule » -aurait dit De Gaulle- à base de vaseline… mais ce qu’ils n’ont pas entendu, c’est le message du peuple français -tous partis confondus- qui clament tout haut : « quand on sort dans la rue, on a l’impression de ne plus être chez nous, on ne reconnaît plus notre pays ! ».
Messieurs les politiques, il ne suffit plus d’entendre les français, il faut les écouter…
Rémy Lebard, 21/12/2015