La grande garderie, de Lisa Kamen-Hirsig

Francis Richard
Resp. Ressources humaines

La grande garderie est paru à la rentrée scolaire en France. Son sous-titre est éloquent: Comment l'Éducation nationale sacrifie nos enfants. Prétendant éduquer, l'État monopoliste n'instruit même pas.

Lisa Kamen-Hirsig est maîtresse d'école - pardon, professeure des écoles - depuis vingt ans. Ce qu'elle dit de l'école en France est hallucinant pour qui, il y a quelques décennies, y a usé ses fonds de culotte.

Dans son avant-propos, elle rappelle ce qui est promis aux élèves - un mot proscrit aujourd'hui: ce sont des apprenants - quand ils entrent à l'école: Apprendre. Comprendre. Grandir. Devenir autonome.

Or ce sont des promesses non tenues aujourd'hui. Pourquoi? Parce que les hommes de l'État, omniscients, omnipotents, omniprésents, prétendent être les seuls à savoir ce qui est bon pour les petits Français.

L'État républicain ne veut pas que ces derniers connaissent leur histoire. Il préfère à la connaissance historique la frénésie commémorative, sélective puisque, par exemple, point de crimes de la Terreur:

Minimiser ou passer sous silence les crimes de la Terreur, ne parler que de droits de l'homme, d'égalité, de république et de tyrannicide, c'est normaliser le recours à la violence et au crime pour obtenir gain de cause.

L'État préfère au monde réel le monde virtuel, car il est plus facile alors de formater les esprits en leur faisant croire que, dans la vie, tout peut s'obtenir sans effort, en jouant, d'où le recours aux outils numériques.

Les enseignants et les élèves ne doivent plus employer d'autres méthodes que numériques, les autres méthodes sont considérées comme désuètes et inefficaces, alors qu'elles ont faire leur preuve naguère encore:

L'instituteur n'est pas un répétiteur, il enseigne aussi par son autonomie et par son désir.

Ces méthodes qui ont fait leur preuve? La progressivité, l'exercice, l'accumulation des savoirs, l'apprentissage par coeur de certaines connaissances utiles pour bâtir les suivantes et développer sa mémoire:

Les élèves viennent à l'école avec l'espoir d'apprendre, pas de "questionner". Si un enfant de sept ans pose des questions, ce sera après voir lu, vu, entendu quelque chose. Et il les posera à un adulte, pas au monde.

À l'école, l'État, au lieu d'instruire, impose son idéologie égalitariste, où les différences biologiques entre les sexes n'existent pas, où changer de sexe est une option: chacun peut décider d'être ce qu'il veut.

L'État ne veut pas que les élèves développent leur esprit critique. À la littérature classique il préfère donner à lire des textes accessibles et engagés: ne pas combattre l'ignorance, lutter contre les inégalités.

Il n'est donc pas surprenant qu'il encourage l'écriture dite inclusive, qui en réalité exclut les élèves en difficulté parce qu'elle est illisible et imprononçable: il faudrait au contraire leur enseigner l'étymologie.

Au lieu de quoi, l'État s'est donné pour mission de fabriquer un homme nouveau, passionné d'égalité et de pureté morale, ce qui a conduit jadis à la terreur révolutionnaire et au totalitarisme communiste.

L'État demande même aux enseignants de vérifier que leurs élèves propagent cette idéologie à leurs petits camarades et il n'est pas rare que d'aucuns tancent leurs chers parents de ne pas s'y conformer.

L'écologisme fait partie de l'idéologie officielle à transmettre, mis à toutes les sauces, y compris littéraires, et partout, de l'école primaire à l'université, grâce à de jeunes enseignants au cerveau bien lavé.

Bref l'État français fabrique bien un homme nouveau:

  • en infantilisant les élèves,
  • en leur demandant de se prononcer sur des sujets qu'ils ne maîtrisent pas,
  • en ne leur faisant pas respecter l'autorité qui repose sur l'intégrité et le savoir,
  • en leur inculquant de pseudo-sciences,
  • en ne laissant pas aux parents la liberté de choisir l'école pour leurs enfants,
  • en dévalorisant les garçons par rapport aux filles,
  • en décrétant que tous les élèves ont besoin de la même chose au même moment,
  • en privant de temps les élèves par des activités incessantes,
  • en faisant des enfants des gens lobotomisés devant des écrans, bien calmes, bien drogués, bien tranquilles,
  • en discréditant les métiers dits manuels,
  • en ne laissant pas les enfants prendre des risques,
  • en prônant le collectif contre l'individu,
  • en utilisant un jargon, précieux et ridicule, qui [falsifie] le réel en interdisant ses manifestations linguistiques,
  • en ne transmettant pas le savoir: le savoir est une violence de classe.

Le résultat est désastreux, calamiteux. Le système scolaire français ne remplit pas sa mission qui se résume aux quatre verbes évoqués plus haut: Apprendre. Comprendre. Grandir. Devenir autonome.

L'auteure cite Frédéric Bastiat:

Le plus pressé, ce n'est pas que l'État enseigne, mais qu'il laisse enseigner. Tous les monopoles sont détestables, mais le pire de tous, c'est le monopole de l'enseignement.

Et d'encourager l'ouverture d'écoles d'un nouveau type, indépendantes et exigeantes, acceptant d'être évaluées et comparées objectivement et n'attendant aucune aide de l'État.

 

Francis Richard

 

Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard

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