Autodétermination: prise de conscience à gauche

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

Alors que les sondages prévoient un échec de l'initiative pour l'autodétermination, pourquoi les adversaires du texte sont-ils empreints d'une telle nervosité?

La réponse se trouve peut-être à gauche.

Une prise de conscience semble prendre forme dans l'opinion sur ce flanc de l'échiquier politique. De nombreux indices montrent que gens qui méprisent habituellement l'UDC par pur réflexe sont tout de même gênés aux entournures par ce que le rejet de ce texte entraînerait. J'ai moi-même reçu plusieurs échos de Lausannois encartés à gauche et qui soutiendraient cette initiative, contre l'avis des caciques de leur parti.

Cette fronde est bien compréhensible. L'abandon de l'autodétermination touche tout le monde. La campagne d'affichage a vu juste avec ses affiches aux tons neutres: la question dépasse largement le clivage droite-gauche traditionnel.

Mettons-nous un instant dans la peau d'un camarade confronté à cet épineux problème. Le Droit international empêche la mise en œuvre de l'initiative contre l'immigration de masse? Génial! Contre le renvoi des criminels étrangers? Formidable! Contre l'initiative des Alpes et le transit poids-lourds? Hum, c'est moins bien, en effet. Contre la libéralisation des services? Euh... Contre la dérégulation du Marché du travail? Contre toute entrave au libre-échange? Contre la sous-enchère salariale? Contre la concurrence fiscale?

Voilà qui est un peu plus embêtant.

Peu importe au final ce que pensent les citoyens sur ces sujets - le 26 novembre, si l'initiative sur l'autodétermination est balayée, grâce la magie du "droit international", ils ne seront plus décidés par la voie de la Démocratie directe. Qu'ils dorment tranquille, les politiciens décideront sans eux.

Certains pourraient essayer de se rassurer en se disant que ce n'est pas si mal. Après tout, pensent-ils, le Parlement aura encore son mot à dire. Je renvoie ces esprits optimistes à la future libéralisation du marché de l'électricité. Se rappellent-ils la La loi sur le marché de l'électricité (LME) face à laquelle la gauche imposa un référendum, remporté le 22 septembre 2002? Voilà.

C'est à peu près la même chose que la France qui chassa par la porte du référendum le Traité de Lisbonne en 2005, lequel revint par la fenêtre de la "voie parlementaire" quelques années plus tard, avec un joli bras d'honneur au peuple prétendument souverain.

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L'ancienne Conseillère fédérale socialiste fit grand bruit bien malgré elle en se faisant citer dans un matériel électoral pro-initiative. Que dit-elle exactement?

"Si la Suisse reprenait les conditions de travail et de salaire de l'UE par le biais d'un accord-cadre, ce serait dangereux pour la protection de nos salariés. Le droit suisse protège mieux que le droit européen. Je suis absolument opposée à ce que le droit européen règle toutes les relations entre la Suisse et l'UE."

Micheline Calmy-Rey, ancienne conseillère fédérale, le 12 août 2018 dans le magazine SonntagsBlick.

Il n'en fallait pas davantage pour que les responsables politiques actionnent leurs relais et insufflent leur réaction dans les médias. Les cris d'orfraies furent nombreux pour s'indigner de l'utilisation de cette citation, mais quel est le problème? "On a repris cette situation dans son intégralité, où ça veut clairement dire que le droit suisse protège mieux que le droit européen. Elle est ancienne conseillère fédérale, elle doit accepter que ses citations soient reprises dans le cadre de campagnes politiques", explique Michaël Buffat, vice-président du groupe UDC.

Il est clair que la parole d'un ancien conseiller fédéral garde un certain poids. C'est la raison pour laquelle Mme Calmy-Rey fut interviewée dans le journal zurichois, ou celle pour laquelle Pascal Couchepin le fut lui aussi dans Le Matin. Mais quand c'est pour dire du mal de l'initiative, aucun problème.

De fait, la citation n'est pas tronquée. Elle est récente, à propos, convenablement sourcée, et on se demande bien quel "contexte" en changerait miraculeusement le sens. Les propos furent tenus cet été en soutien aux syndicats qui s'opposaient à l'assouplissement des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, exigé par l'Union européenne... Difficile de voir une situation plus à-propos quant à la domination des "juges étrangers".

L'hypocrisie comme valeur fondamentale... Et ses conséquences

Pour l'ancienne ministre des Affaires étrangères, être utilisée en faveur d'une initiative alors qu'il est de notoriété publique qu'elle s'y oppose ne fait pas partie des mœurs politiques que l'on connaît en Suisse. "C'est des fake news, comme on dit", sourit-elle. Aucun journaliste pour lui demander pourquoi elle tint publiquement ces propos dans ce contexte, ni comment elle arrive à dire que des propos sortis de sa propre bouche sont du fake.

Mentait-elle à son public syndicaliste? Ou était-elle sincère et ment-elle maintenant face au grand public helvétique?

Que vaut un politicien qui dit blanc ou noir selon ce que souhaitent entendre son public du moment? Il a beaucoup de succès en Suisse (pensons à Pierre Maudet ou Christophe Darbellay, spécialistes de cette approche) mais il arrive un moment où les recoupements arrivent et où certains commencent à réaliser qu'ils se sont fait avoir.

Reste à savoir quand Mme Calmy-Rey était sincère. L'analyse n'engage que moi, mais je pense qu'elle l'était en affirmant qu'un accord-cadre serait dangereux pour la protection de nos salariés, parce qu'elle s'adressait à un public de connaisseurs. Des syndicalistes, donc des gens un peu plus pointus que la moyenne en termes de droit du travail. Le grand public et sa bienheureuse naïveté a droit à une autre soupe ; là, il s'agit de remporter une bataille importante contre l'UDC et tous les moyens sont bons.

Cette vision à court terme en vaut-elle la peine? L'autodétermination ne sert pas qu'à la droite, et le "droit international" s'impose aussi bien contre la droite que contre la gauche. Pour jouer un bon tour à l'UDC, les syndicalistes sont-ils prêts à se tirer une balle dans le pied? Les écologistes sont-ils prêts à laisser l'avenir nucléaire entre les mains de l'Agence Internationale pour l'Énergie Atomique? Nous le saurons dans moins de dix jours.

Une chose est certaine, ceux qui pensent que la domination du Parlement sans contestation possible dans les urnes est une bonne chose en seront rapidement pour leurs frais. Lorsque le vin est tiré, il faut le boire. Si désormais l'Assemblée fédérale a la haute main sur la Constitution à travers le Droit international, une situation voulue par le peuple le 25 novembre, alors il faudra faire avec. L'alliance entre le PLR et l'UDC sur les sujets économiques risque de faire des étincelles, et les hurlements de la gauche n'y pourront plus rien.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 16 novembre 2018

7 commentaires

  1. Posté par Michel Vasionchi le

    Il faut combattre sans répits les diverses tentatives de pénétration de l’état, par les réseaux visibles et invisibles de l’international socialiste ….

  2. Posté par Socrate@LasVegas le

    Eh bien moi je tiens le pari du OUI!

    Seuls les citoyens vont devoir sauver notre Pays cette fois-ci, lâchés par TOUTE LA CLASSE POLITIQUE qui devra en tirer les leçons au cas où, en dépit de tout, le Souverain arrive à garder le cap! Ces traîtres devront en tirer leçon:
    ils ne représenteront plus rien, plus qu’eux-mêmes, classe ultralibérale mondialiste anti-citoyenne et N’AURONT PLUS AUCUNE LEGITIMITE!

  3. Posté par aldo le

    Ne tardons pas comme les Anglais avec leur Brexit qui subissent une situation déjà explosive, https://lesobservateurs.ch/2018/11/17/titre-du-guardian-le-ministere-des-affaires-etrangeres-a-permis-a-la-mafia-pakistanaise-de-dicter-le-cas-dasia-bibi-en-matiere-dasile/#comment-280034
    ni comme nos proches voisins DONT LES TERRIFIANTES CATASTROPHES, PRÉLUDE A LA FIN DES VRAIS DROITS DE L’HOMME, SOUMIS DÉFINITIVEMENT AUX PRESSIONS BUDGÉTAIRES DE L’EUROPE, INCAPABLE DE SUPPORTER LES ÉCRASANTES FACTURES DES CRIMINELS DE L’IMMIGRATION DE MASSE COMME EN … ? Et voyez quelles situations extrêmes nous éviterons avec LES OUI MASSIFS à l’UDC Cliquez sur la flèche en bas à gauche pour avoir le plein écran. https://www.jigsawplanet.com/?rc=play&pid=01c8ea811852 A copier-coller l’adresse et diffuser partout !

  4. Posté par Populiste de gauche le

    Très intéressant vraiment, très, très intéressant.
    Mais comment se fait-il que cette analyse n’ait absolument pas été portée à la connaissance du grand public? Moi personnellement, c’est la premiere fois que j’en entends parler. C’est une chose qui aurait du être “thématisée” à fond, comme disent nos confédérés suisses allemands. Cela aurait même dû dominer les débats et faire les gros titres des journaux et de tous les médias, comme par exemple les déclarations de Paul Rechtsteiner sur les mesures d’accompagnement et la protection des salaires. Mais non, silence radio. Pourquoi?
    Je crains donc, hélas, que cette prise de conscience à gauche se fasse trop tard et qu’elle ne touche qu’un petit nombre de gens bien informés et non la masse.
    Il reste encore quelques jours, mais c’est bien tard et ce sera trop juste pour faire passer le message partout.

  5. Posté par Socrate@LasVegas le

    J’ai envoyé votre article à tout mon carnet d’adresse avec la vidéo https://youtu.be/0u-7osf2Cwk
    avec le texte suivant:

    “Bonjour,

    Si je me permets de vous contacter c’est qu’il y a urgence et gravité!
    Dans 8 jours un seul vote peut anéantir notre pays, sans bruit immédiat mais tout simplement et de l’intérieur…
    Alors pour que dans 1 mois certains ne se réveillent pas en prenant conscience des changements majeurs qui vont commencer à se dessiner, toujours plus précisément et sans retour en arrière possible!
    En se disant qu’ils auraient pu se renseigner un peu plus…
    En se disant qu’ils auraient du faire, cette fois au moins, l’effort de voter!

    De gauche ou de droite, je pense qui’il est de l’intérêt de chaque Suisse de défendre maintenant ce que l’on nous a transmis.
    Les conséquences d’un non à l’autodétermination seront tentaculaires, sournoises et presque imperceptibles au début mais se révèleront au final dramatiques!

    Comment (par exemple) ne pas s’interroger sur le fait qu’un Berset ou une Sommaruga, militent pour ratifier le “Pacte Mondial de Migration” de l’onu SANS CONSULTATION DU PEUPLE, soient également les adversaires de l’initiative pour l’autodétermination de la Suisse!?

    Bonne réflexion et surtout VOTEZ!”

  6. Posté par Bussy le

    C’est vrai que les ouvriers et employés suisses se prennent déjà un dumping salarial monstre, leurs salaires baissent à toute vitesse, l’intervention accrue de juges étrangers dans les lois suisses va peut-être conduire à faire goûter à ce dumping salarial des petits malins, bien-pensants et bobos, qui s’en étaient habilement mis à l’abri jusque-là…..

  7. Posté par Socrate@LasVegas le

    “J’ai moi-même reçu plusieurs échos de Lausannois encartés à gauche et qui soutiendraient cette initiative, contre l’avis des caciques de leur parti.”
    Une bonne nouvelle! Merci pour votre article.

    En effet qu’en auront de plus les gens qui votent par réflexe idiot contre l’UDC et sans se soucier du fond lorsque ils auront définitivement et volontairement saccagé leur avenir et celui du pays qu’une Constitution sensée et enviée protégeait de la médiocratie ue?

    OUI à l’autodétermination!!!

Et vous, qu'en pensez vous ?

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