Homophobie: de l’art d’apporter de mauvaises réponses

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

"Neuchâtel: deux amis roués de coups dénoncent une agression à caractère homophobe", annonce M. Rochebin sur les ondes de la RTS mardi soir. Le reportage de deux minutes raconte la façon dont deux homosexuels neuchâtelois se sont fait prendre à parti, puis rouer de coup par un groupe en raison de leur comportement homosexuel affiché en public. Deux minutes soigneusement montées pour provoquer un effet bien précis.

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(image: photo d'écran vidéo RTS)

"Sylvain et Matthis sont roués de coups par deux individus, parce qu'ils sont homosexuels.

Matthis: Moi ils m'ont couru après en me disant, "on va te faire courir sale pédé", voilà, donc c'était déjà pas mal...

Sylvain: Et lorsqu'un ami s'est interposé, ils lui ont dit "vous on va pas vous taper, c'est les pédés qu'on veut".

La journaliste explique encore: "l'agression aura duré cinq minutes dans l'ignorance générale (sic), la police arrivera peu après" (donc quelqu'un a bien dû l'appeler). Et le bilan: traumatisme crânien, perte de connaissance, dents cassées, contusions et bleus.

Les deux jeunes témoigneront de leur indignation sur Facebook, récoltant instantanément un vaste élan de sympathie, qui trouvera écho jusque dans le choix des sujets du journal du soir.

"Matthis: le but de notre intervention c'est pas d'attiser la haine contre ces gens... Moi c'est plutôt défendre la cause...

Sylvain: J'ai pas honte de mettre ça en mon nom, j'ai pas honte de mettre mon visage, de mettre le visage de Matthis... Je veux que ceux qui aient honte, c'est ceux qui tabassent, c'est ceux qui pensent que leurs poings valent mieux que des valeurs ou une liberté..."

Nouvelle mise en contexte avec des statistiques un peu étranges issues de LGBT+ Helpline: 2 agressions verbales ou physiques par semaine - comme si les deux étaient du même ordre de gravité - et 19% rapportées à la police.

On arrive au sujet réel du reportage - Michel Tschank, un responsable d'association interviewé, explique le message en direction des téléspectateurs. "La loi en tant que telle n'incrimine pas l'homophobie, elle incrimine soit la lésion corporelle ou l'insulte, mais l'acte homophobe, qui est pour moi un cas d'aggravation de lésion corporelle ou d'insulte, n'est pas incriminé par la loi, et c'est un problème."

CQFD.

Et puisqu'il reste dix secondes de "reportage", la journaliste en voix off explique qu'il y a justement, à Berne, une discussion en ce moment sur un projet de loi qui permettrait d'attaquer pénalement les infractions liées à l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Quel heureux hasard!

(Plus le temps de placer que l'initiative vient d'un socialiste, mais on s'en serait douté.)

On notera que si la RTS a du temps d'antenne pour dériver fort opportunément sur un projet de loi visant à sanctionner le crimepensée, elle n'en a pas pour parler de l'agression elle-même. Le reportage ne fait aucune mention des agresseurs. Ont-ils été arrêtés? Sont-ils Suisses, et sinon, d'où viennent-ils? Quelle est leur version des faits?

Ce sont des questions légitimes, basiques, qu'un journaliste vaguement conscient de son devoir d'informer devrait livrer au public. Comme la voix off n'évoque ni le contexte ni l'ethnie des agresseurs, on imagine que l'agression n'a pas eu lieu dans une assemblée des Jeunes UDC, auquel cas le traitement médiatique aurait été quelque peu différent.

Pourtant, l'agression est largement décrite sur Facebook: un ami des victimes révèle leur homosexualité à un groupe d'inconnus venus pour fêter un mariage. Deux frères jumeaux décident alors de les tabasser. Des catholiques intégristes? Des fêtards avinés? On n'en saura pas plus.

Dangereuse victimisation

Sans rien changer aux lois, le droit donne déjà aux juges la capacité de différencier la gravité d'une agression. Comme pour toute autre sanction, la peine est décrite sous forme d'intervalle de sentences, visant précisément à estimer, selon chaque cas, du caractère odieux ou anodin d'un coup porté. Les deux protagonistes était-ils engagés dans une dispute, l'agresseur se vengeait-il d'un grief passé, a-t-il agi accidentellement, les coups étaient-ils rendus de part et d'autre?

Cette possibilité est explicitement donnée au juge parce que les cas particuliers sont infinis. Ici, selon le témoignage des victimes, nous sommes clairement dans une agression motivée par l'homophobie. Certains trouveront cela ignoble, d'autres moins, et d'autres encore, plus rares, se poseront la question du contexte de l'homosexualité au milieu des myriades d'autres contextes possibles.

Frapper un homosexuel au motif de son homosexualité est-il plus ou moins grave que de frapper une femme enceinte au motif qu'elle porte un enfant, une personne âgée au motif qu'elle est vieille, un juif au motif qu'il est juif, un blanc au motif de sa couleur de peau?

Nous sommes tous des cas particuliers. Un législateur qui souhaiterait surprotéger une catégorie de la population - pour quelque motif que ce soit - avec des peines supérieures introduirait immanquablement une rupture de l'égalité devant la loi, certains devenant instantanément "plus égaux que d'autres".

Agissant au gré de faits divers montés en épingle, comme ce reportage à Neuchâtel, les politiciens aidés par les journalistes manipulant l'opinion publique auraient tôt fait de changer la loi au moindre fait divers odieux. Ne resteraient au bout du compte que les gens "normaux", banals, ceux qu'on peut finalement tabasser sans risquer grand-chose.

Ne serait-il pas plus simple, et plus sage, de condamner correctement les agressions physiques proprement dites? De punir réellement les coupables au lieu de les relâcher dans la nature avec quelques "jours-amende avec sursis"? De révoquer le cas échéant leur permis de séjour? Il y a déjà fort à faire avant de vouloir changer les lois, par exemple, appliquer celles que le peuple a voté.

Il existe bien un pays dans l'histoire qui a poussé à son paroxysme les peines différenciées selon des critères liés au hasard de la naissance - une minorité ethnique étant protégée des agissements de la majorité ethnique du pays. Peu importe l'origine de l'agresseur, tout crime contre cette minorité ethnique était puni bien plus sévèrement que des agissements équivalents commis à l'encontre d'un membre de la majorité.

Ce pays, c'était l'Afrique du Sud à l'époque de l’apartheid.

Le code pénal différenciait de façon limpide les peines encourues selon que la victime soit blanche ou noire, les crimes contre la minorité blanche étant systématiquement punis plus sévèrement que des crimes commis contre des membres de la majorité noire. Bizarrement, ce modèle de justice suscita peu d'enthousiasme dans les Chancelleries occidentales, qui mirent au point un régime de sanctions internationales visant à faire chuter le régime.

Qui aurait cru à l'époque que, quelques années plus tard, on verrait un peu partout en Europe des politiciens de gauche et leurs alliés dans les médias tenter de faire de même? Lutter pour inscrire dans la loi des Übermensch et des Untermensch légaux sur un principe identique, érigeant désormais la communauté LGBT comme peuple élu...

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 14 juin 2018

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