Les zones sans armes sont des appâts pour les tueurs

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Correspondant permanent aux Etats-Unis. – Depuis que Nicolas Cruz, 19 ans, a mitraillé le 14 février dernier, avec un fusil automatique, les élèves du lycée de Parkland, en Floride, faisant dix-sept morts et quinze blessés, le débat – un débat national – n’a jamais cessé. Durant six semaines, tous les corps constitués de la nation, du président au simple député, en passant par la police, la magistrature, les enseignants et, bien sûr, les victimes potentielles elles-mêmes, se sont à un moment ou à un autre posé la question : quel est le moyen qui permettrait de sécuriser lycéens et étudiants ? Comment interrompre l’interminable martyrologe provoqué par des psychopathes qui tirent dans le tas avec des fusils impressionnants de puissance et de rapidité ? A ces questions, les démocrates et les libéraux ont toujours répondu par un mot répété à tout propos : contrôle. Pour eux, la solution réside dans la vérification minutieuse des achats d’armes à feu et leur interdiction absolue dans la sphère publique.

En apparence, démocrates et libéraux ont raison. Pourquoi ne pas passer au crible tous les points de vente (armureries, foires, marchés) de façon à informatiser les acquéreurs avec leur pedigree ? Et pourquoi ne pas placer écoles, lycées et campus d’universités dans des immenses bulles protégées par l’interdiction absolue des armes à feu et la prolifération d’appareils à détecter le métal ? Poser ces deux questions, c’est y répondre. Et la réponse tombe sous le sens : parce que c’est irréalisable. La police a depuis longtemps fait comprendre aux politiciens qu’il est pratiquement impossible de suivre à la trace le cheminement d’un pistolet, d’un revolver ou d’un fusil à partir du moment où il est sorti de l’usine pour être mis en vente. Le détraqué mental obsédé par l’idée de tuer parviendra toujours à trouver une faille dans n’importe quel dispositif pour se procurer le moyen d’échapper à son obsession. Cette fameuse faille, qui existe dans n’importe quel scénario, est aussi valable pour les détecteurs de métal dont la fiabilité reste médiocre.

Ainsi, le choix d’une riposte aux carnages se rétrécit. D’autant que les fausses solutions proposées par les anti-flingues ont déjà été illustrées par des exemples que chacun a pu suivre dans les journaux. Des exemples qui accablent la gauche utopique et fière de l’être. Washington et Chicago. Deux métropoles denses, survoltées et truffées d’innombrables lois interdisant jusqu’à la plus petite pétoire aux allures de jouet. A Washington, on a relevé durant des années un mort par jour sur les trottoirs ; à Chicago, en 2016-2017, deux morts par jour. On a musclé les contrôles et les interdits. En vain. Il faut croire que la violence n’est pas soluble dans une législation. Alors, que reste-t-il pour protéger nos chères têtes blondes pendant qu’on fait semblant de les remplir ? La dissuasion. Phénomène psychologique beaucoup plus efficace qu’on ne le croit. La preuve : cinquante ans de guerre froide = cinquante ans de paix mondiale. Pourquoi ? L’apocalypse nucléaire.

Remplaçons les fusées intercontinentales par des calibres 38 ou, mieux, des 45. Les uns ou les autres représentent le pouvoir dissuasif dans un scénario qui a les allures d’une solution au problème. L’acteur principal de ce scénario, c’est le tueur. Il cherche à tuer. Il faut qu’il tue. Plus exactement, il souhaite faire le plus de victimes possible. Peu importe qu’il soit lui-même tué à la fin du carnage – il est de toute façon suicidaire – pourvu que le sang coule à flots. Que choisit-il comme champ de manœuvre ? Des établissements d’enseignement avec des centaines, des milliers de jeunes qui sont par définition des cibles faciles, sans risque – le tueur est en général un lâche – puisque personne n’y est armé, personne n’est capable de les défendre. Le tueur s’avance, libre de lâcher ses rafales, sûr de ses mouvements puisqu’il sait qu’aucune force ne s’opposera à lui. Il est seul à avoir une arme. Il est seul à tirer. On a calculé que ce genre de drame dure en moyenne trois minutes. C’est terriblement long, trois minutes.

L’objectif est de réduire ces trois minutes à deux, à une, à trente secondes dans le meilleur des cas. Autrement dit, l’objectif est d’abattre le tueur, au mieux avant qu’il n’appuie sur la gâchette, au pire après qu’il a lâché les premières balles. D’où viendrait la riposte ? De ceux qui, par définition, se trouvent déjà sur place : les professeurs. Recrutés par volontariat, triés sur le volet, munis de pistolets ultraperformants, ils sont en effet les seuls à pouvoir faire obstacle à un intrus sanguinaire. Car ils sont les seuls à vivre en permanence au milieu des victimes désignées. La police n’est jamais très loin des écoles, lycées et universités. Mais on a calculé qu’il lui faut en moyenne huit minutes avant d’arriver sur les lieux d’un drame de ce type. Huit minutes, c’est trop. Armer les professeurs signifie que les zones réputées sans armes deviendraient des zones armées. La dissuasion pourrait jouer à fond : écoles, lycées, universités ne seraient plus des champs de tir, comme à la foire, mais des terrains à risque inutile pour le tueur. Donald Trump est pour. La Floride, le Texas et le Colorado ont adopté ce système. A Washington, les élus qui souhaitent l’étendre à tout le pays viennent de présenter un projet de loi. Celui-ci permettrait au Congrès d’offrir des subventions aux Etats qui choisiraient, eux aussi, d’armer leurs profs.

 

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