France: L’ombre des Frères musulmans plane sur les principales écoles sous contrat avec l’État

Par le biais de leur branche française qu’est l’UOIF, l’emprise de l’organisation sur l’enseignement musulman est réelle.

Le lycée Averroès de Lille a longtemps été la vitrine de l’enseignement musulman en France: premier établissement musulman sous contrat avec l’État (depuis 2008), taux de réussite au bac frôlant les 100 %, anciens élèves devenus ingénieurs, médecins, notaires, professeurs… Mais il est aussi devenu la cible de critiques: emblème de la mainmise des Frères musulmans sur cet enseignement confessionnel, «double discours» affichant une adhésion aux valeurs républicaines mais défendant un islam fondamentaliste, financement opaque, en provenance des pays du Golfe. Un rapide retour historique, qui figure d’ailleurs sur le site du lycée, est instructif. Averroès fut fondé pour répondre à la «demande» créée par l’exclusion d’une vingtaine d’élèves voilées, en 1992, du lycée public Faidherbe à Lille. La Ligue islamique du Nord, branche locale de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), décida alors de scolariser officieusement ces jeunes filles à la mosquée et de lancer le projet d’un établissement confessionnel. En 2003, Averroès ouvrait ses premières classes, un an avant la loi interdisant le port de signes religieux ostentatoires à l’école.

«Le projet de l’UOIF, c’est la construction d’une communauté qui négocie son insertion dans la République» Gilles Kepel, islamologue

L’emprise des Frères musulmans, par le biais de leur branche française qu’est l’UOIF, sur l’enseignement musulman est réelle. L’UOIF contrôle les principales écoles sous contrat avec l’État mais aussi, plus ou moins directement, une quarantaine d’écoles hors contrat, le plus souvent dans le primaire. À Lille, les liens organiques sont transparents: Amar Lasfar, le président de l’association Averroès qui gère le lycée, est le président de l’UOIF. Makhlouf Mamèche, le directeur adjoint, est vice-président de l’UOIF et président de la Fédération nationale de l’Enseignement privé musulman (FNEM), créée en mars 2014. Au-delà des organigrammes, ce cordon ombilical nourrit des interrogations. Ce que l’islamologue Gilles Kepel résume ainsi: «Légalement, rien n’interdit évidemment la création d’écoles musulmanes, au même titre que les écoles juives ou catholiques. Mais, le projet de l’UOIF, c’est la construction d’une communauté qui négocie son insertion dans la République. La vraie question est: dans quelle mesure ce mouvement favorise une logique de rupture avec la communauté nationale?»

Officiellement, le lycée Averroès et ses émules ailleurs en France n’ont d’autre but que de former une élite musulmane, de futurs cadres de la société française, et de répondre aux demandes de familles pour un enseignement de qualité avec une forte dimension religieuse, tel que le présente Makhlouf Mamèche. «Rien d’autre, en apparence, que le modèle de l’enseignement catholique du XIXe siècle», rappelle Bernard Godard, longtemps conseiller pour les cultes au ministère de l’Intérieur. En février 2015, une mission d’inspection à Averroès, lancée par le rectorat a estimé que «les termes du contrat avec l’État (étaient) globalement respectés».

«Stratégie d’entrisme»

Mais «l’agenda caché» des Frères musulmans et de leurs antennes françaises serait plus trouble. Auteur de Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans (1), qui raconte ses quinze années de militantisme au sein de l’organisation, Mohamed Louizi décrypte ainsi sa politique à long terme: «L’objectif, c’est bien de créer une rupture entre la République “méchante” et la jeunesse musulmane afin que celle-ci ne croie plus au projet républicain.» Selon lui, cette rupture passe par des vecteurs idéologiques bien rodés: la victimisation de la jeunesse musulmane et l’instrumentalisation de la question palestinienne à des fins de «judéophobie». Et Mohamed Louizi de rappeler cette déclaration, en 2008, du président de Fédération des organisations islamiques en Europe – «On a un projet sur vingt ans» – illustrant parfaitement, selon lui, «la stratégie d’entrisme» des Frères musulmans.

La question du financement de ces écoles reste controversée. À écouter Makhlouf Mamèche, «90 à 95 %» du budget d’Averroès est «assuré par la communauté musulmane», via des souscriptions, des collectes dans les mosquées et les frais de scolarité. Le reste, il ne le nie pas, vient de financements étrangers: «Arabie Saoudite, Qatar, pays du Golfe en général». L’ancien membre des Frères musulmans, Mohamed Louizi, assure lui que la part des fonds étrangers est beaucoup plus massive. La Qatar Charity, dont le siège européen est à Londres, serait particulièrement présente, les autres argentiers du Golfe se manifestant moins ouvertement. La Qatar Charity a ainsi participé pour un million d’euros (sur 1,5 million) à l’achat de locaux pour le lycée lillois qui a déménagé en 2012. Lors d’une émission sur une chaîne de télévision de Doha, baptisée El Ghaït («la pluie»), le financement du lycée Averroès était mis en exergue. Un exemple de cette pluie qui arrose tout…

(1) Éditions Michalon, janvier 2016.

Source

Nos remerciements à Vivi

Un commentaire

  1. Posté par Chris le

    Laissez tout faire et vous verrez…

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