Michel Garroté - Il y a eu la Shoah. Il y a eu et il y aura encore des génocides. Il y a eu le génocide arménien. Il y a eu le génocide du Darfour. Sur une échelle plus grande et sur une période plus longue, il y a eu les 100 millions de victimes du communisme dans le monde entre 1917 et 1992. Cela dit, j'estime que le "record" en matière de génocide, revient aux nationaux-socialistes : six millions de juifs exterminés et 20 millions de morts au total entre 1939 et 1945, soit en six ans.
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Les communistes soviétiques ont, certes, fait 100 millions de victimes, mais, je l'écris encore une fois, sur une échelle plus grande (presque tous les continents de la planète) et sur une période beaucoup plus longue (de 1917 à 1992, soit en 75 ans ; et non pas en six ans, comme l'a fait le national-socialisme). Ce qui est regrettable -- nous y voilà : c'est le thème du présent article -- c'est qu'il n'y a pas eu, c'est qu'il n'y a toujours pas, c'est qu'il n'y aura peut-être jamais, de "procès de Nuremberg du communisme". De plus, et ceci explique cela, l'Union Européenne est devenue une Union Soviétique Européenne (pour fuir cette Europe-là, nous finirons par migrer vers certains pays d'Europe Centrale et Orientale, par exemple, la Hongrie...).
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A ce propos, Anne Dolhein, sur reinformation.tv, écrit notamment (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a déclaré lors de la journée de commémoration des victimes du communisme qu’ils sont nombreux, ceux qui en Occident « trouvent encore des excuses aux crimes du communisme ». « L’Union européenne elle-même hésite à les condamner sans équivoque ».
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« Tout cela s’explique par le fait qu’alors qu’un tribunal militaire international a jugé les crimes du nazisme, les représentants du monde libre ne sont pas parvenus à un verdict aussi sévère après l’effondrement du communisme, en réponse à ses crimes ».
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« Les Hongrois ont compris qu’ils ne peuvent être libres que s’ils ne renoncent plus jamais à la souveraineté : nous n’aurons d’avenir que s’il est à la fois libre et hongrois, seul un pays de Hongrois libres a un avenir. Pour cette raison, nous devons toujours et tout de suite écraser les œufs de vipère du communisme et du fascisme », ajoute Viktor Orban, cité par Anne Dolhein, sur reinformation.tv (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Introduction & Adaptation de Michel Garroté pour https://lesobservateurs.ch/
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http://www.kormany.hu/en/the-prime-minister/news/many-in-the-west-today-are-still-making-excuses-for-the-crimes-of-communism
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http://reinformation.tv/victor-orban-ue-excuses-crimes-communisme-dolhein-66757-2/
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L’UE c’est l’URSS du temps présent
Vladimir Poutine reste "l'homme le plus puissant du monde", devant Donald Trump et Angela Merkel, selon le classement 2016 du magazine 'Forbes', édition du mercredi 14 décembre 2016. A 64 ans, raconte 'Forbes', le président russe remporte le classement du magazine américain pour la quatrième année consécutive. 'Forbes' me laisse totalement indifférent.
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En revanche, je dirai que Poutine (avec Trump tout de même, mais ça c'est au-dessus des forces de 'Forbes'), est, non pas "l'homme le plus puissant du monde" (formule stupide qui ne veut rien dire), mais l'un des chefs d'Etat du monde le plus intelligent : c'est lui qui a considérablement affaibli l'EI en Syrie, et, soit dit en passant, il n'est pas responsable des massacres à Alep, contrairement aux allégations mensongères de nos médias.
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De nos médias qui semblent soutenir, avec un plaisir jouissif, les terroristes musulmans de tous poils qui sévissent - ont sévi et séviront encore - à Alep et ailleurs. Je reviendrai, pour Les Observateurs, une fois encore, et, tout prochainement, sur ce qui se passe réellement à Alep, preuves et sources à l'appui.
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Par ailleurs, je note avec plaisir que lors d’une conférence de presse à Belgrade, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov (qui lui aussi, à l'égal de Poutine, est un homme intelligent), a comparé l’UE à l’URSS : « L'Union européenne délivre des instructions par écrit à ses différents Etats membres, associés ou candidats, indiquant l'attitude à adopter et les déclarations à faire concernant la Russie. Il est exigé à chacun de ces pays de condamner 'l'annexion de la Crimée' ou 'l'occupation de l'Est ukrainien' ».
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C’est une « approche absurde » des relations internationales. Si le rapprochement de l’UE avec la Serbie ou le Monténégro ne sont motivés que par la volonté de s'opposer à la Russie, « c'est une impasse, une voie sans issue ». « Cette manière de privilégier les intérêts idéologiques sur les intérêts économiques ou essentiels des pays membres fait penser à l'Union soviétique », a ajouté Sergueï Lavrov.
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En résumé et en conclusion, je dirai que l'Union Européenne, c'est l'URSS du temps présent. Que Poutine et Lavrov sont des hommes intelligents. Et que nos gouvernants, ainsi que nos médias, sont, lamentablement, en-dessous de tout. Quelle triste année que l'année 2016... Vivement 2017 dont je souhaite qu'elle soit "l'année coup de balai"...
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Michel Garroté pour https://lesobservateurs.ch/
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Enseigner des compétences ou des connaissances?
Un peu partout dans les pays occidentaux, la vision traditionnelle de l’école qui transmet des connaissances a cédé le pas à une nouvelle forme d’apprentissage axé sur les compétences. Le maître qui enseignait des savoirs, c’est désormais terminé. Il doit maintenant céder sa place à un animateur supervisant la construction de compétences par de jeunes apprenants. L’école de grand papa tout juste bonne à remplir des têtes a donc vécu. Place à la formation du futur, celle qui préfère les têtes bien faites aux têtes bien pleines.
Cette (r)évolution est généralement présentée comme l’inéluctable conséquence de l’entrée dans le 21ème siècle, des avancées des sciences de l’éducation et de la psychologie cognitive comme de la démocratisation du savoir et du progrès technologique. Mais au delà des slogans, qu’en est-il réellement ? Les avancées scientifiques réalisées à ce jour et les changements sociétaux survenus justifient-ils vraiment ce renversement spectaculaire ?
Qu’est ce qu’une compétence ?
Un traitement sérieux de ces questions nécessite, en préalable, une définition claire de ce qu’est une compétence. Mais pour se faire, un premier détour du côté des connaissances est souhaitable. Il existe trois types de connaissances : les connaissances factuelles ou déclaratives (dates, définitions, faits, etc), les connaissances procédurales (manipulations mentales qui doivent être effectuées dans le but de résoudre un problème. Par exemple, la manière d’additionner deux fractions ou alors la série de questions sur l’auteur, la date et la nature du document que doit se poser un élève devant un document historique) et les connaissances contextuelles (celles permettant de savoir quand et pourquoi utiliser telle ou telle procédure en vue de résoudre un problème).
Quand un élève se trouve dans une situation qui demande de mobiliser et d’articuler plusieurs de ces connaissances et qu’il est capable de le faire, alors on dit de lui qu’il est compétent. On peut donc décrire la compétence comme la capacité à mobiliser et articuler diverses connaissances afin de résoudre un problème. Rien de bien nouveau, l’école construit des compétences depuis belle lurette. Dans l’optique traditionnelle, l’apprentissage des connaissances est le premier pas effectué dans le processus d’acquisition de compétences. A ce sujet, la seule question d’intérêt est de savoir à quel moment de la scolarité (obligatoire, secondaire ou tertiaire) doit apparaître telle compétence dans telle branche. Certaines branches activant, en effet, plus tôt que d’autres, la mise en branle d’une compétence dans son intégralité.
Ce qui pose problème aujourd’hui avec l’approche par compétences telle que préconisée est qu’elle découple en grande partie la compétence de l’acquisition des connaissances préalables nécessaires. Puisque les connaissances sont disponibles via la technologie, autant en faire l’impasse et cesser de réserver l’intégralité des compétences à des niveaux ultérieurs. Les compétences pour tous par la multiplication du nombre de situation où l’élève doit effectuer ce travail d’association des informations dès l’école obligatoire en somme. On se focalise uniquement sur la mise en synergie de diverses ressources dans des situations complexes. L’élève n’a plus besoin d’apprendre ces connaissances, il lui suffit d’aller les chercher pour effectuer son travail.
Le fonctionnement du cerveau
Afin de juger de la pertinence des approches, il faut aussi comprendre comment fonctionne le cerveau. Contrairement à certaines idées préconçues, la mémoire n’est pas simplement un espace de stockage. C’est également le lieu du raisonnement. On distingue deux sortes de mémoire : la mémoire à long terme (MLT) et la mémoire à court terme (MCT). La MLT est responsable du stockage des informations. Elles regroupent celles-ci en petites structures. Si vous y stockez des informations sur les « ours polaires », alors les notions « pelage blanc », « 4 pattes », « avec des griffes » etc. seront toutes groupées entre elles. Plus on connaît de choses sur un sujet particulier, plus le regroupement qui lui correspond est volumineux. [1]
De son côté, la MCT est le lieu où le cerveau traite les problèmes. Son rôle consiste à assembler les informations de manière à répondre aux diverses demandes. Une des particularités de la MCT est qu’elle ne peut mobiliser qu’un nombre réduit d’informations (4 à 7 selon les chercheurs) en simultané. Elle ne peut mobiliser qu’un nombre réduit de connaissances acquises et d’informations extérieures supplémentaires en parallèle. Dès qu’elle dépasse ce stade, l’élève est en surcharge cognitive et n’est plus capable de réaliser ce qu’on attend de lui.[2]
Implications du fonctionnement de la mémoire sur les contenus d’apprentissage
Cette présentation sommaire de la manière dont le cerveau opère permet d’apprécier l’importance d’une bonne culture générale. Lorsque la MCT exige de la MLT une restitution de connaissances pour comprendre un texte, traiter un problème ou autre, celles-ci apparaissent sous la forme des blocs dans lesquels elles ont été stockées.[3] Or, chaque regroupement ne compte que pour un élément dans le traitement par la MCT. Ainsi, pour reprendre l’exemple précédent, si l’ « ours polaire » est nécessaire, alors il entraine dans son sillage le « pelage blanc », les « 4 pattes » et les « griffes » sans que cela n’alourdisse la charge qui s’exerce sur la mémoire à court terme. Des informations non mémorisées, elles, compteraient chacune pour un élément distinct. Et donc, plus un élève connaît de choses, plus sa capacité de compréhension, d’analyse, d’évaluation ou autre synthèse est élevée. A l’inverse, plus il dépend d’aides extérieures, plus ses facultés d’effectuer les synergies nécessaires entre les informations se restreignent, comme sa capacité à réussir ce qu’il entreprend.
La capacité à assimiler de nouvelles choses est elle aussi mise à mal par le manque de culture générale : dès lors que quelqu’un peine à comprendre une nouveauté, il lui est beaucoup plus difficile de se l’approprier également. Connaître plus et mieux favorise donc l’apprendre à apprendre tant vanté dans le milieu éducatif.[4]
L’approche par compétences ne semble pas en mesure de combler ces lacunes. Si la répétition de situations dans lesquelles la MCT est impliquée à plein régime permettait d’élever le nombre d’informations traitables en simultané, alors une entrée par les compétences pourrait se justifier. Or il n’en est rien: la capacité de travail de la mémoire à court terme ne bouge pas d’un iota. On peut traiter autant de problèmes que l’on veut, la limite reste toujours située entre 4 et 7 éléments.
De plus, il convient également de signaler que le transfert d’une compétence comme d’une connaissance d’un domaine à un autre est loin d’être aisé.[5] Et que donc il n’est pas non plus certain que la multiplication de ce genre de tâches dans le cadre scolaire puisse être rentable dans d’autres situations de la vie courante.
Ce qu’en disent les études empiriques
On pourrait cependant imaginer que le travail par compétence peut s’avérer payant non pas dans l’augmentation des facultés de la MCT mais qualitativement, dans sa manière de réaliser les synergies nécessaires. La meilleure manière d’éprouver cette hypothèse est de consulter les études empiriques menées sur le terrain. L’étude PISA est à ce titre d’un intérêt certain, puisqu’elle se veut justement une étude mesurant des compétences et non des connaissances. Or les pays qui trustent les premières places (pays asiatiques) n’ont pas de plans d’étude axés compétences. D’ailleurs, à une exception près (qui s’explique par d’autres raisons), la majeure partie des pays où les approches par compétence ont été instaurées n’obtiennent pas des résultats faramineux. L’exemple le plus parlant est vraisemblablement les Etats-Unis dont les écoles forment massivement à cette approche et dont les résultats sont faibles.
Plus encore, partout où les approches par compétence ont été introduites, Tous les tests empiriques effectués constatent une baisse des résultats. De la Genève de la fin du 20ème siècle au Québec de ces dernières années[6] en passant par les comparaisons inter-écoles américaines[7], tous sont unanimes. Non seulement les curriculums orientés connaissances sont plus précis et donc plus efficaces[8], mais même dans ceux prônant des approches compétences, un travail explicite remplaçant l’apprentissage implicite d’une compétence par la transmission d’une connaissance procédurale est supérieur : au lieu de laisser l’élève se dépatouiller seul, on peut en effet travailler la synergie des informations nécessaire dans une tâche complexe sous la forme d’une connaissance procédurale à acquérir. Il peut, par exemple, s’agir d’enseigner à l’élève les questions à se poser pour résoudre son problème.[9] En bref, dans tous les cas, les connaissances l’emportent sur les compétences.
Le progrès a-t-il quelque chose à voir là dedans ?
En faisant exception de ce qui a été dit jusque là, affirmer qu’une approche par compétences est inéluctable au 21ème siècle exige trois postulats de base : 1) Les gens ont accès à une multitude de sources d’information. Il est indiscutable. 2) Non seulement les individus possèdent cette multitude de choix, mais ils en font usage. A ce niveau ça se gâte : le 20ème siècle nous a déjà prouvé au travers de la pluralité des journaux existants ou des chaines de télévision que cela n’était pas le cas, que nombreux sont ceux qui utilisent cette pluralité pour se divertir, mais que la grande majorité ne s’en sert pas pour faire travailler les hautes fonctions cognitives du cerveau. Le raisonnement le plus courant consiste à se simplifier la vie. D’ailleurs, les cognitivistes sont d’accord sur le fait que notre cerveau n’est pas conçu pour réfléchir mais pour éviter de le faire.[10] 3) La complexité va être de plus en plus incontournable pour tout un chacun. Rien, à part la science fiction, ne permet d’étayer cette affirmation. Surtout si on peut transformer ces compétences sous forme de procédures, alors la technologie pourrait elle-même, à la longue, les réaliser. Mais nous n’en sommes pas là. Et, comme vu précédemment, la meilleure manière d’y répondre n’est en tout cas pas celle prônée actuellement.
Une approche réellement novatrice ?
Il convient enfin de battre en brèche un dernier argument, celui de la nouveauté. En fait, les approches par compétences ont déjà été tentées aux USA dans les années 20 et les années 50[11] avant de réapparaître dans les 90’s. L’URSS également a testé cette approche aux alentours de 1920[12]. Et, à ma connaissance, il est fort probable que déjà durant la période de la révolution industrielle, ce genre d’expériences a été tenté en Allemagne[13]. Etonnamment, ces manières de faire l’école ont toutes été abandonnées. Il serait peut-être temps de se demander sérieusement pourquoi. Et d’arrêter d’invoquer la science et le progrès pour justifier tout et n’importe quoi !
Stevan Miljevic, le 12 novembre 2015 pour lesObservateurs.ch et Les Cahiers de l'Indépendance N.14 (à paraître)
[1] Mario Richard et Steve Bissonnette « Les sciences cognitives et l’enseignement » in Gauthier, Tardiff, « La pédagogie, théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours », 3ème édition, Gaëtan Morin, 2012, pp.240-241
[2] Hattie et Yates « Visible Learning and the science of how we learn », Routledge, NY, 2013, p.146-151
[3] Mario Richard et Steve Bissonnette « Les sciences cognitives et l’enseignement » in Gauthier, Tardiff, « La pédagogie, théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours », 3ème édition, Gaëtan Morin, 2012, pp.241
[4] Daniel Willingham « Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école », la Librairie des Ecoles, Paris, 2009, p.42-47
[5] Ibid p.97 à 102
[6] http://www.actualites.uqam.ca/2014/reforme-scolaire-plus-de-lacunes-en-maths
ou http://www.libreexpressionquebec.qc.ca/Societe/ReformeEducative-ULConteste.htm
[7] Voir par exemple Christopher Jencks « What’s Behind the Drop in Test Scores ? », Working Papers for a New Society 6 (juillet-août 1978) p29-41 cité par E.D.Hirsch Jr, « The Making of Americans , Democracy and our schools », Yale University Press, New Haven and London, 2009, p.28-29. L’œuvre entière de Hirsch va dans ce sens.
[8] Bissonnette, Richard, Gauthier « Comment enseigne-t-on dans les écoles efficaces ? », PUL, Laval, 2006, p.93-95
[9] Voir dans le classement établi par John Hattie, la supériorité nette du Problem solving teaching sur le Problem based learning http://visible-learning.org/hattie-ranking-influences-effect-sizes-learning-achievement/ ainsi que Hattie and Yates, Visible Learning and the Science of How we learn », Routledge, London and New York, 2014, p.72-79 ou https://drive.google.com/file/d/0B9acqT9DN0pjMzdmODRhMzQtY2Q4My00ZWY3LTg0YjAtNTExMTFmNTA2MTNm/view
[10] Daniel Willingham « Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école », la Librairie des Ecoles, Paris, 2009, p.4
[11] http://lexiconic.net/pedagogy/diane.pdf
[12] http://www.lesobservateurs.ch/2014/09/14/heures-gloire-du-constructivisme-educatif-lurss-annees-20/
[13] Voir dans Theo Dietrich, "La pédagogie socialiste, fondements et conceptions", François Maspero, 1973 la partie concernant le pédagogue Kerschensteiner et https://fr.wikipedia.org/wiki/Georg_Kerschensteiner
Heures de gloire du constructivisme éducatif: l’URSS des années 20
Une éducation vraiment nouvelle ou un vieux disque rayé qui tourne en boucle?
Rousseau et les premiers dinosaures
L'éducation "progressiste" n'a en fait pas grand chose à voir avec un véritable progrès. Il n'est pas ici question de progrès dans le sens d'amélioration mais dans celui d'innovation. Des cargaisons d'études démontrent que d'amélioration des apprentissages avec le constructivisme il n'y en a pas, reste maintenant à se pencher sur l'élément novateur. Ce d'autant plus que régulièrement, les tenants du constructivisme (et de toutes ses avatars) nous expliquent que le monde évolue et que par conséquent l'école doit elle aussi évoluer.
Tout commence avec l'Emile (1762) de Jean-Jacques Rousseau. Dans ce livre, le philosophe genevois imagine un système éducatif basé sur la découverte. Pour être précis, il s'agit là d'un système dans lequel un adulte a la charge d'un seul enfant et ce 24h sur 24. Mais il est incontestable qu'on trouve là les prémices du constructivisme en éducation. C'est donc dans l'oeuvre d'un homme dont la seule expérience éducative concrète a consisté à abandonner ses propres enfants que le constructivisme plonge ses racines.
A la suite du citoyen de Genève, la période modèle en terme du respect de la dignité des hommes que fut la révolution industrielle amena de nombreuses personnes à émettre l'idée qu'il fallait éduquer les enfants sur le modèle du travail à l'usine. Selon eux, le modèle éducatif humaniste basé sur la transmission d'un maximum de connaissances allait devoir céder sa place à des travaux, certes encore un peu grossiers, que ne pourraient véritablement renier les tenants de la pédagogie de projet ou d'une quelconque approche par compétences.
Karl Marx ou l'aveu d'une méthode plus politique que pédagogique
Parmi ces gens on trouve Karl Marx. Celui-ci n'a certes que très peu écrit sur le sujet de l'éducation; mais ces quelques lignes griffonnées ont posé les fondations de la future éducation marxiste. Il y exprime la conviction que "le véritable secret de l’apparition de travailleurs zélés réside dans la réunion du travail à l’enseignement et ce, depuis l’enfance (1)." Pour saisir la pensée marxiste, il faut s'arrêter un instant sur la manière dont Marx voit l'être humain. Selon lui, l'être humain est bon (c'est à dire communiste) de nature. La société capitaliste qui, par son clivage en classes sociales le corrompt. L'état étant au service de la classe dominante, l'école étatique est vue comme un instrument de perpétuation d'un ordre social injuste. Il s'agit donc d'ôter à l'école ce rôle de transmission de connaissances insérant l'enfant dans le système capitaliste bourgeois et de la réorienter vers quelque chose de différent. Comme l'enfant est bon-communiste par nature, il va falloir laisser éclore sa nature profonde. Pour se faire, Marx et Engels pensent que le travail social est la meilleure manière de ré-humaniser l’homme déshumanisé (2) par la société capitaliste.
Dès lors, pour ses successeurs, la réunion de l'éducation et de la production matérielle vont devenir la clé de voûte de l'éducation (3). Une action en profondeur va donc être menée sur les contenus scolaires qui devront être nettoyés de toute influence bourgeoise et chrétienne. Mais surtout, les méthodes d'enseignement/apprentissage vont devoir radicalement changer puisque, selon la doctrine marxiste, « dans l’activité, tous les individus se transforment eux-mêmes en transformant les rapports de production et les rapports sociaux » (4). En clair, le rapport social existant entre le maître et l'enfant doit changer: le premier doit devenir le camarade du second et tirer à la même corde que lui. Ce d'autant plus que le professeur dans son enseignement et l’élève dans son étude progressent de la même façon que la production industrielle, le produit de l’apprentissage découlant nécessairement de la mise en œuvre de moyens de production et des « forces productives (5).» Ce déplacement de l'apprentissage vers un travail productif apte à faire surgir le naturel communiste existant en chacun des êtres humains doit ainsi permettre de briser la domination bourgeoise. L'école devient alors, dans cette optique, un instrument de libération vis à vis de la classe dominante.
Dewey confirme l'orientation idéologique du constructivisme
Les marxistes ne sont toutefois pas seuls à contribuer à l'émergence des pédagogies qualifiées de centrées sur l'élève. On trouve, entre la fin du XIXème et la première moitié du XXème siècle, toute une série d'auteurs (Montessori, Claparède...) dont les initiatives diverses mais apparentées par l'esprit, ont contribué à l'émergence de ce mouvement (6). Un des plus importants d'entre eux est vraisemblablement le philosophe américain John Dewey.
Si Dewey a quelques idées en commun avec Marx, il n'en est pas pour autant marxiste et se classe plutôt à la gauche du social-libéralisme. Il partage avec Marx l'idée que l'enfant est naturellement bon, même si sa notion de la bonté diverge quelque peu de celle de Marx. Chez Dewey, en effet, l'enfant a un désir inné "de donner, de faire, c'est à dire de servir. Il a des pulsions, elles aussi innées, qui l'amènent à communiquer, construire, chercher à savoir et affiner son expression (7).
Dewey pense que les enfants, comme les adultes, sont des êtres actifs qui apprennent en affrontant les problèmes qu'ils rencontrent au cours d'activités mobilisant leur intérêt. Dès lors, son travail éducatif va s'orienter essentiellement sur les moyens de relier les intérêts et les activités des enfants aux sujets d'étude. Il s'agit de mettre l'enfant dans des situations de vie dans lesquelles il doit reconnaître l'utilité d'un savoir pour résoudre le problème qui se pose à lui (8). En clair, l'enseignant ne transmet plus rien, il organise un cadre dans lequel les élèves vont devoir se livrer à des travaux assez similaires à ceux de leur vie sociale et qui demandent, pour être accomplis, des savoirs précis que les élèves vont devoir découvrir.
Dewey estime, en outre, que l'école doit également former les élèves à la pratique de la démocratie telle qu'il la conçoit. Chez lui, cela passe nécessairement par la coopération et donc l'école doit s'organiser en communauté coopérative. De plus, il pense que l'individu doit avoir nécessairement son mot à dire dans la détermination des conditions et buts de son travail (9). Ce qui revient à dire que l'élève semble invité à participer activement à la fixation des buts d'apprentissages ainsi qu'à la manière dont vont s'organiser les activités. De ces différents aspects, on retient que pour Dewey comme pour Marx d'ailleurs, la finalité de l'école ne consiste pas uniquement à permettre aux jeunes de mieux s'intégrer dans la société de leur temps. Bien plus, l'école est vue comme un instrument au service d'une révolution plus ou moins radicale.
Cette première partie illustre donc bien que cette pédagogie qualifiée de "nouvelle" ne l'est plus depuis belle lurette puisqu'elle existe depuis plus de 200 ans. Ceux qui pensent que le monde a changé ces dernières années et que, par conséquent, l'école doit évoluer, ne peuvent en aucun cas revendiquer l'application du constructivisme ou d'un quelconque de ses avatars puisque ce sont justement des idées qui ont été émises dans un autre temps. Un temps où la science n'était que balbutiements et où les élèves se comportaient différemment. En définitive, le constructivisme et ses multiples déclinaisons sont donc à la pédagogie ce que le géocentrisme ou la phrénologie sont à la science. Des lubies d'un autre temps et, surtout, des lubies dont l'inanité est avérée puisque, comme on va le voir, il a pu être appliqué et donc jugé à large échelle, notamment en URSS dans les années 20.
L'épopée soviétique
Dewey a beau être américain, il va servir de modèle aux révolutionnaires rouges de l'école de la jeune Union Soviétique des années 20. L'expérience pédagogique soviétique ne s'arrête en effet pas, contrairement à ce que d'aucuns pourraient croire à l'ère Makarenko. Elle avait déjà débuté auparavant sous la houlette de personnalités comme Lounacharski, Blonski ou autre Krupskaia, la compagne personnelle de Lénine.
Une école constructiviste à plein pot
Lounacharski, commissaire du peuple à l’Education de 1917 à 1929, donne le ton: « (…) il est indispensable de placer les enfants, dès leur plus jeune âge, dans des conditions telles qu’elles accélèrent le processus d’organisation communiste de la vie intérieure des individus de la société humaine (10).» Comme les enfants sont bons, c'est à dire communistes par nature, le processus social d’apprentissage et de formation doit reposer sur ces dispositions naturelles et s’adapter aux intérêts des enfants et des adolescents. Les adultes ne doivent en aucun cas greffer leur mode de pensée et d’action sur les plus jeunes. Blonski condamne vertement l’école qui impose aux enfants un ordre déterminé puisque cette école est considérée comme bourgeoise. L'école doit devenir un lieu de société sans classe, une sorte de mini-société communiste où l'homme nouveau s'épanouit librement. Dans une telle école, il faut laisser la personnalité de l'enfant naturellement bon s'épanouir librement. On y prône des méthodes dites actives s'opposant à la supposée passivité des élèves de l'école traditionnelle. Le savoir, les connaissances et l’ordonnance de la vie collective doivent donc être trouvés par l’enfant au cours d’une recherche créatrice et active : il doit construire lui-même son monde (11).
Ainsi, selon les auteurs des plans d'étude de 1920-1921, les manuels de grammaire doivent être supprimés, car à l'école, « il faut étudier la langue vivante et non un manuel de grammaire.» L’idée générale est de cesser la diffusion de « connaissances mortes » étrangères à la « vie réelle » (12).
Le travail ne devrait pas s'y faire individuellement: Blonski argumente que le travailleur isolé ne peut fabriquer qu’une partie du tout ; mais que les différentes parties doivent être réunies. C’est pourquoi, dans une société développée, il ne peut jamais y avoir de travail individuel isolé. Comme l’école doit être un reflet fidèle de l’organisation industrielle du travail, elle doit donc l'exécuter sur la base d’une division du travail (13). Un labeur qui se doit d'être «joyeux, créatif et libre des procédés de contrainte sur la personnalité de l’élève (14).»
Dès lors, les punitions sont abolies, il n'y a plus de devoirs ni de notes. Celles-ci sont remplacées par des auto-évaluations, des « carnets » individuels ou collectifs où les maîtres inscrivent des appréciations (15).
En parallèle est installé dans chaque école un soviet dans lequel siègent des enseignants, des délégués du pouvoir communiste mais également des élèves à qui on demande leur avis sur le fonctionnement de l'établissement.
Dès 1923-1924, l'école soviétique fait entrer en vigueur le Plan Dalton : il s'agit de la première méthode de pédagogie différenciée élaborée dans le Massachussets par Helen Parkhurst: les élèves travaillent alors à leur rythme, en autonomie et se répartissent les tâches comme ils l'entendent à partir de "contrats" passés dans chaque discipline (16). Dans ce dispositif, l'enseignant devient un consultant ou un moniteur et ne transmet plus rien du tout.
Décloisonnement des disciplines scolaires
Loin de s'arrêter en si bon chemin, l'enseignement soviétique se dote d'une méthode dite des complexes inspirée par les travaux de Dewey. La division traditionnelle en matières scolaires est alors abolie et les programmes scolaires sont organisés autour de thèmes choisis, à partir desquels les élèves font un peu de tout. Pour l’enseignant, il ne saurait être question d’exposer à priori un savoir systématisé selon une progression établie, mais bien de faciliter les recherches, les expérimentations et les observations des élèves engagés dans des projets de recherche au sujet de ces thèmes. Par exemple, on prend pour thème "le bateau comme moyen de transport". Dès lors, on organise une excursion, on fait rédiger des récits, des dessins, des modèles réduits, on étudie l'équilibre des corps, la vapeur, le mouvement et la vitesse, on organise des conversations sur le thème de la division du travail sur un navire, on évoque la situation des travailleurs de la marine marchande etc. (17)
Dans le programme de 1926-1927, une nouvelle discipline scolaire apparaît, les "sciences sociales" qui regroupe en un tout des éléments d'histoire, de géographie, d'instruction civique et d'économie (18).
L'idée reste globalement toujours la même. La méthode s'appuie sur le principe d'activité: l'enseignant ne transmet pas et le collectif doit produire un travail productif actif.
Entre 1928 et 1931 va également être implantée à large échelle une pédagogie de projet. Des groupes d'élèves, voir même l'établissement entier, doivent s'impliquer dans une activité (par exemple planter un jardin public) qui leur sert également de centre d'intérêt pour les études (19).
Les résultats
La réformite aigüe qui s'est emparée de l'école soviétique n'est pas restée sans conséquence sur le niveau des jeunes à la sortie de leurs études. Alors que lors des dernières années du tsarisme, un colossal effort d'alphabétisation avait été accompli, les conséquences de l'implantation des idées constructivistes furent catastrophiques. Tous les témoignages dont nous disposons sur l’époque des années 20 attestent une chute de la discipline, une remise en cause générale de l’autorité, fermentation qui est une des causes principales de la baisse du niveau scolaire (20). Les récriminations sont unanimes: les élèves qui sortent des écoles du 1er degré ne savent ni lire, ni écrire, ni compter correctement (21).
En conclusion
Ce qu'on nous fait passer pour de l'innovation pédagogique n'est donc en fait qu'une vieille chimère dont l'inefficacité a été à maintes reprises démontrée. En URSS, tout ou presque a déjà été testé: pédagogie de projet, différenciation, méthode d'enquête et de découverte, apologie des travaux de groupe etc. L'élève y a été mis au centre des préoccupations comme jamais auparavant. On lui a même permis de prendre à sa charge son évaluation et le fonctionnement de certaines parties de l'école. Tout ce qui était traditionnel a été démoli, la rigueur abandonnée, les disciplines décloisonnées, les notes abolies etc. Tout ce qui faisait la force de l'école a été littéralement rayé de la carte avec pour implacable conséquence une résurgence du fléau de l'analphabétisme.
Sans doute, les soviétiques ne s'attendaient-ils pas à un tel résultat. En revanche, ce qui est certain, c'est que des gens comme Blonski avaient pour finalité non pas la bonne intégration des élèves dans la société mais des considérations révolutionnaires. Si révolutionnaires d'ailleurs que l'objectif à long terme résidait dans la disparition pure et simple de l'institution école. C'est dans cette optique qu'ils ont travaillé d'arrache pied à essayer de mettre sur pied un système dans lequel les jeunes s'auto-formeraient et l'école s'effacerait progressivement. Avec quel résultat!
Après cette décennie catastrophique, le pouvoir soviétique a dû se résoudre, à contre-coeur, à abandonner le cap et revenir à quelque chose de plus traditionnel. Si cela n'avait pas été le cas, la Russie d'aujourd'hui serait probablement devenu un des pays les plus arriérés au monde.
Au vue de ces résultats, on ne peut que s'interroger en voyant que notre école, celle qu'on prétend du 21ème siècle, recommence à décloisonner massivement les branches, que les cours d'histoire-géographie-civisme sont à nouveau réunis sous la bannière des sciences humaines et sociales, qu'on y prône les méthodes actives etc. Notre société est-elle si malade qu'elle n'est plus capable de tirer les leçons du passé?
Stevan Miljevic, le 13 septembre 2014
Publication commune Lesobservateurs.ch et Sur le net
(1) Marx, Le capital, Editions sociales, t.1, p.508
(2) Theo Dietrich, "La pédagogie socialiste, fondements et conceptions", François Maspero, 1973, p.15
(3) Ibid p.29
(4) Michel Violet, « l’Enseignement en URSS dans les années 20 » http://www.lecture.org/revues_livres/actes_lectures/AL/AL111/AL111_p014.pdf
(5)Theo Dietrich, "La pédagogie socialiste, fondements et conceptions", François Maspero, 1973, p.75
(6) Clermont Gauthier et Maurice Tardiff, "La pédagogie, théories et pratiques de l'Antiquité à nos jours", 3ème édition, Gaëtan Morin, Chenelière Education, 2012, p.99
(7) Ibid. p.110-112
(8)Ibid. p.114
(9) Ibid. p.115
(10) Wladimir Berelowitch "La soviétisation de l'école russe, 1917-1931", l'Age d'Homme, 1990, p.12-13
(11)Theo Dietrich, "La pédagogie socialiste, fondements et conceptions", François Maspero, 1973, p.168
(12)Wladimir Berelowitch "La soviétisation de l'école russe, 1917-1931", l'Age d'Homme, 1990, p.23
(13) Theo Dietrich, "La pédagogie socialiste, fondements et conceptions", François Maspero, 1973, p.145-146
(14) Wladimir Berelowitch "La soviétisation de l'école russe, 1917-1931", l'Age d'Homme, 1990, p.25
(15) Ibid p.23-24
(16) http://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_Dalton
(17)Wladimir Berelowitch "La soviétisation de l'école russe, 1917-1931", l'Age d'Homme, 1990, p.28
(18) Ibid p.39
(19) Ibid. p.29
(20) Ibid. p95
(21) Michel Violet, « l’Enseignement en URSS dans les années 20 » http://www.lecture.org/revues_livres/actes_lectures/AL/AL111/AL111_p014.pdf