Recul des libertés – Criminalisation des opinions

Terreur-1

   
Michel Garroté - Ci-dessous, je publie les extraits d'une analyse de Christian Vanneste qui décortique le recul des libertés et la criminalisation des opinions, l'historique de ce processus liberticide et le cas spécifique de l'islam. A lire et à diffuser sans modération.
-
Christian Vanneste  (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Le 4 Août 1789 est certainement une des dates les plus importantes de la révolution française. Elle se situe à un moment où tout est encore possible. Certes, des violences spectaculaires ont déjà ébranlé la monarchie. La prise de la Bastille et l’absence de réaction royale sont récentes. De nombreux désordres se déroulent en province qui remettent en cause le système féodal, sa hiérarchie organique héritée de la tradition et ses privilèges. Leur abolition sera décrétée par la Constituante cette fameuse nuit-là. En quelques mois, l’échafaudage complexe des ordres, des corporations, des communes et des provinces sera aboli au profit d’un système répondant aux principes de liberté et d’égalité.
-
Christian Vanneste : La révolution n’est pas un bloc, contrairement à ce qu’a dit Clémenceau, c’est une machine qui s’est emballée et a fini dans le ravin avec la terreur et la dictature. Le 4 Août, la philosophie libérale inspire les « constituants ». Elle aurait pu conduire à une monarchie constitutionnelle stable avec une alternance entre libéraux et conservateurs. Ils sont d’ailleurs présents dans cette première assemblée. Les premiers sont avec Barnave appelés à devenir les Jacobins, dont la pensée connaîtra une triste dérive, en s’éloignant du libéralisme, les seconds sont les « Monarchiens », animés par Mounier. C’est ce dernier qui le 4 Août lance l’idée d’une déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui servira de socle à la Constitution. Elle sera rédigée en 17 articles au cours du mois avant de laisser place à la rédaction de la constitution elle-même.
-
Christian Vanneste : Contrairement à ce qu’on dit souvent, ce n’est pas une invention française. Elle est clairement inspirée par les systèmes anglo-saxons, la déclaration des droits anglaise de 1689 et surtout les déclarations inscrites dans les constitutions des Etats américains, comme la Virginie (1776) qui viennent de gagner leur indépendance grâce à l’intervention de la flotte et de l’armée royales. Ils ont une grande influence sur les constituants par le biais de personnages comme Jefferson, qui est ambassadeur des Etats-Unis en France à ce moment,  et bien sûr La Fayette, l’homme fort de l’époque.
-
Christian Vanneste : La solennité et la prétention universelle de la déclaration française lui donnent un lustre particulier qui lui ont acquis le rôle de référence sacrée des discours républicains. Le « pays des droits de l’homme » est au rite républicain ce que le signe de croix est à la Messe, une ouverture obligée. Mais si la croix existe avec quelques variantes, la déclaration n’a pas cette simplicité. Pendant le dérapage révolutionnaire, elle connut des réécritures à chaque nouveau projet de constitution, en 1793, alors que la Terreur se développait et en 1795, où la réaction du bon sens l’équilibrait avec des « devoirs ». Depuis, le Conseil de l’Europe possède sa « convention des droits de l’homme » qui est le cadre des décisions de la CEDH depuis 1950 et l’ONU, sa « déclaration universelle » depuis 1948. La plupart des appels au respect des droits oublient cette pluralité qui entache quelque peu son caractère absolu.
-
Christian Vanneste : Les pays musulmans peu préoccupés par ces questions jusqu’à l’indépendance et à leur participation importante au concert des nations se sont interrogés sur la possibilité de faire la synthèse entre la loi islamique et la déclaration de l’ONU. Une déclaration islamique universelle a été rédigée dès 1981 sous les auspices de l’Unesco, une déclaration des droits de l’homme en islam a vu le jour en 1990 dans le cadre de l’Organisation de la Conférence Islamique. Elle a été ratifiée par 57 Etats. Enfin, une Charte arabe émane de la Ligue Arabe réunie à Tunis en 2004, approuvée par 7 pays dont la Libye. En général, elles proclament le droit à la vie, comme la Convention et la Déclaration Universelle, ce que ne fait nullement la déclaration française. Elles ont plus de difficulté avec l’égalité des sexes et des croyances. La religion continue d’inspirer le droit. Le décalage entre ces textes et la réalité des pays qui s’y réfèrent théoriquement prêterait à sourire si le contexte n’était pas aussi tragique.
-
Christian Vanneste : L’inflation de ces déclarations, l’emploi hyperbolique de l’expression, la dérive qui consiste à allonger la liste des droits en fonction des modes et de l’actualité ont ôté une grande part de sa force à l’idée des droits de l’Homme. Celle-ci vise d’abord à encadrer le droit positif issu d’un rapport de forces momentané dans une sorte de « droit naturel », c’est-à-dire rationnel qui protège les individus contre l’arbitraire. Le contexte historique met l’accent sur les « droits » les plus menacés, la propriété en 1789, au moment où l’on incendie les châteaux, la vie après 1945 et l’hécatombe totalitaire.
-
Christian Vanneste : Mais pour garder son efficacité et sa légitimité, ce sommet de la hiérarchie des normes doit rester concis et précis. L’ajout du préambule socialisant de 1946 et de la Charte de l’Environnement en 2004 sont d’autant plus regrettables que le Conseil Constitutionnel peut en fonction de sa majorité idéologique les utiliser pour interpréter les textes législatifs qui lui sont soumis. Ni l’égalité, ni la liberté ne règnent dans notre pays.
-
Les nombreux privilèges qui prospèrent sous les ors de la République, le recul de la liberté d’expression avec la criminalisation des opinions montrent que la France est loin d’être exemplaire. Reste une distinction essentielle que l’on a tendance à oublier : il y a les droits de l’homme qui protègent les individus et les droits du citoyen qui permettent aux membres de la Nation de participer à sa vie politique. Oublier ce point fondamental reviendrait à mettre fin à l’idée de souveraineté nationale sans laquelle il n’y a pas de démocratie, conclut Christian Vanneste (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
-
Introduction, adaptation et mise en page de Michel Garroté
-
http://www.christianvanneste.fr/2016/08/04/1789-les-droits-de-lhomme-et-du-citoyen/
-

Quand Saakachvili planifie une révolution pour la Géorgie

 

L'enregistrement d'une conversation téléphonique, dont l'authenticité a été confirmée par un participant, révèle le plan de l'ex-président du pays.

Mikhaïl Saakachvili (photo) a proposé au directeur général de la chaîne d'opposition géorgienne Rustavi-2 de mener une révolution lors d'une conversation téléphonique récemment rendue publique.

Suite

Merci à Pierre H.

Education: une révolution post moderne silencieuse en marche

L’acharnement des décideurs scolaires à défendre contre vents et marées les pédagogies constructivistes a de quoi laisser pantois. Disons carrément qu’elle ne s’explique pas tant qu’on reste dans une optique humaniste. Il n’est en effet pas possible de continuer à promouvoir rationnellement des méthodes d’enseignement et d’apprentissage dont les sciences de l’éducation ont définitivement prouvé l’inanité que cela soit par le biais des tests empiriques réalisés ou par les apports de la psychologie cognitive, voir même des neurosciences. Tout concorde à démonter que les approches constructivistes, qu’elles soient basées sur la découverte, le projet ou autre approche par compétence, ne valent pas grand chose en terme d’efficacité et que le fonctionnement du cerveau humain n’est guère adapté à ces manières de faire.

 Mais, peut-être n’est-ce pas là la bonne question. D’ailleurs, lorsqu’on leur fait remarquer à quel point leurs pratiques sont peu efficientes au regard des résultats de l’unanimité des innombrables études menées sur le terrain, les constructivistes rétorquent que les tests ne sont pas valides, qu’ils ne mesurent pas ce qu’eux veulent travailler réellement. Sans, bien entendu, jamais préciser exactement ce sur quoi portent leurs efforts. Et si cela était exact ? Si effectivement les intentions constructivistes ne portaient qu’accessoirement sur l’acquisition des savoirs scolaires ? Mon hypothèse est que, loin de chercher à offrir aux élèves le meilleur bagage pour se développer et s’insérer dans la société qui est la nôtre, le constructivisme éducatif est plutôt une tentative de changer la société, de fomenter une sorte de révolution silencieuse. Il ne s’agirait pas d’un précédent : nombreuses déjà furent les tentatives de faire évoluer la société dans le sens de l’idéologie par le biais de l’école. Qu’on pense au marxisme soviétique[1] ou même au fascisme mussolinien[2]. Se servir de l’école comme d’un levier pour activer une révolution n’a rien de bien original.

 La révolution amorcée en question est d’essence post-moderne. Elle se construit sur la base des écrits des penseurs de ce courant de pensée (qu’on appelle également occasionnellement constructivistes, étonnant non ?).

 Feyerabend et la destitution de la raison et du savoir scientifique

 Paul Feyerabend fut un des précurseurs de la post-modernité. Son travail a consisté, entre autre, à déconstruire et donc déconsidérer la science. Dans son optique, celle-ci n’est rien d’autre qu’une forme de superstition comme une autre. D’ailleurs, il préconise que les directions dans lesquelles doivent s’orienter les recherches scientifiques soient déterminées par des votations populaires. Plus encore, les conclusions de ces mêmes études doivent elles aussi être déterminées par les citoyens. Autrement dit, dans son optique, la science et la raison sont totalement déconsidérées et leur rationalité niée. Feyerabend va jusqu’à dire que personne ne doit être obligé de croire ce qu’elles nous disent.

 Il n’est pas difficile de faire le lien entre ce mode de pensée et le mode de fonctionnement de l’école constructiviste actuelle puisque celle-ci, sous prétexte de motiver les élèves, prône des approches où les élèves peuvent choisir eux-mêmes leur objet d’étude (le citoyen qui détermine l’orientation des recherches scientifiques). De plus, on se targue de faire travailler les élèves à la manière des experts (qu’on pense aux démarches historiennes par exemple). L’idée sous-jacente à ce fonctionnement est que tout le monde peut faire ce travail et que donc l’expertise n’est pas nécessaire pour produire de la connaissance. Autrement dit, la population devient celle qui fait œuvre de science et en valide les conclusions. Cette vision est également celle que défend, à sa manière, Derrida, autre penseur de la post-modernité selon qui le sens d’un texte est forcément relatif.

 Cette relativisation du savoir et du travail d’expert se retrouve également dans le développement de la transversalité, de l’interdisciplinarité et de l’entrée par le complexe à l’école: alors que toute la science moderne s’est développée sur l’idée du découpage du complexe en une somme de différentes parties plus simples à appréhender, l’école constructiviste, elle, en appelle à une approche globale qui croit possible de se mouvoir dans les ensembles complexes et transdisciplinaire sans dégâts. Ce que même des experts ne font qu’avec beaucoup de précaution et après avoir emmagasiné une quantité colossale de savoir, l’école constructiviste le donne à exécuter à des élèves !

 Irrationalité, émotivité et relativisme à gogo

 Conséquence directe de ce mode de fonctionnement, l’acquisition des connaissances développées par les experts n’a plus grande importance. De manière plus globale, il n’est plus question d’acquérir une culture générale afin de mieux pouvoir se mouvoir dans la société comme c’était le cas dans le cadre de la culture humaniste. Etre capable de comprendre le monde sur des bases rationnelles et scientifiques n’est plus à l’ordre du jour. On retrouve d’ailleurs cette même attaque frontale contre la raison dans les œuvres du sociologue Michel Maffesoli qui voit se développer une société irrationnelle et émotive plutôt que raisonnable.

 Outre ce premier assaut, on trouve également chez le sociologue français l’idée que la morale classique se délite et laisse place à un relativisme généralisé. A ce sujet, le constructivisme éducatif contribue lui aussi à saper l’existence de l’éthique et ce sous au moins deux aspects.

 Le premier, aisément identifiable, se loge, par exemple, dans les excès que certains tentent d’ajouter aux cours d’éducation sexuelle. Faire la promotion de la théorie du genre, user de sexes en peluche dans des cours destinés aux tout petits ou d’extraits de films pornos comme certains le préconisent s’inscrit totalement dans cette lignée de relativisme moral absolu. Fait remarquable, ces tentatives de passage en force ne proviennent pas d’acteurs étrangers à l’institution scolaires mais bien des centres en charge de la pédagogie et qui font la promotion la plus forcenée du constructivisme (pensons par exemple à la HEP lucernoise et à son centre de compétence pour l’éducation sexuelle fort heureusement fermé à ce jour).

 Le deuxième aspect, plus insidieux, ne se loge pas dans les contenus mais dans les manières de travailler en classe. Dès lors que les élèves construisent eux-mêmes leur propres connaissances, la porte est grande ouverte au relativisme. Puisque, comme on l’a déjà montré, il n’est plus question d’enseigner des connaissances scientifiques mais bien de faire travailler les élèves à la manière des experts, alors nécessairement de nombreuses conceptions différentes peuvent émerger. Puisque selon cette manière de voir les choses, elles se valent à peu près toutes, il n’y a aucune raison que cette relativisation du savoir ne déteigne pas dans d’autres domaines. Après tout, si la science n’est pas quelque chose à quoi on peut se fier et que chacun peut faire la sienne, il n’y a pas de raison qu’un sujet comme la morale y fasse exception. Ce d’autant plus que celle-ci découle notamment de la raison.

 Le retour au tribalisme pré-civilisationnel

 Un troisième élément clé de la pensée post-moderne trouve son expression dans la reconfiguration de la personnalité et des appartenances sociétales. Maffesoli voit l’établissement de nouvelles communautés, des tribus post modernes ayant chacune l’équivalent de leur totem en lieu et place des appartenances traditionnelles (pays, famille…) : certaines ne jurent que par telle marque (les conducteurs de coccinelle, les utilisateurs d’Apple …) alors que d’autres se rattachent à tel style musical (les gothiques, les rappeurs etc.), à certaines pratiques sportives (skateurs, snowboarders …) voir à tout autre type de totem (sexualité, gangs…). Cette évolution a pour conséquence, en plus de l’effondrement des loyautés traditionnelles, le déclin de l’individualité : la personne passant désormais au second plan et se dévouant corps et âme si j’ose dire au groupe.

 Là aussi, le lien avec les pratiques scolaires est flagrant : la déconsidération de la culture classique sur laquelle se fonde les appartenances traditionnelles (histoire, géographie etc.) sape les fondements organisationnels de la société. Ce d’autant plus vu le peu de considération apporté à l’efficacité avec laquelle les derniers vestiges de connaissances sont transmis. A côté de cela, la promotion acharnée de travaux de groupe (communauté) au détriment du groupe-classe (population totale) rend les jeunes ultra-dépendants les uns des autres. De plus, au sein de certains groupes s’exerce une division du travail : chacun n’en réalise qu’une partie et seul le groupe a une vision complète et globale, ce qui amène certain à parler du développement d’une intelligence collective. Tout cela, au final, ne peut que mener à l’effacement des individualités pour laisser émerger des entités collectives fortes, véritable tremplin pour une tribalisation de la société.

 Le contenant plutôt que le contenu

 La quatrième pierre posée à l’édifice de la post-modernité trouve son expression dans la pensée de Marshall McLuhan, celui-là même à qui on doit l’expression de « village global » ou de « village planétaire ». McLuhan est également très connu pour sa phrase « The medium is the message ». Autrement dit, il affirme la prééminence du contenant sur le contenu. Ici également, la pensée éducative constructiviste ne dit pas autre chose. Qu’on observe les plans d’étude plus prompts à imposer la manière de travailler plutôt que le contenu à enseigner, l’hystérie à vouloir utiliser les nouvelles technologies à toutes les sauces sans même réfléchir un instant à leur pertinence ou l’obstination à promouvoir des méthodes constructivistes inefficaces (contenant) au mépris de la médiocrité des résultats obtenus (contenu). Tout concourt à montrer que l’école constructiviste fait primer le medium sur le message.

 Une révolution volontaire ?

 Ces quelques éléments tendent, à mon sens, à appuyer l’hypothèse selon laquelle une révolution post moderne silencieuse est à l’œuvre dans les écoles. Bien sûr, la question mériterait d’être, affinée, traitée plus en profondeur. En attendant, elle colle assez bien à la réalité éducative telle que la prônent certains.

 Reste également à définir si cette orientation radicale de l’école est le fruit d’un travail mûrement réfléchi, d’une intention délibérée de faire glisser la société dans le paradigme post-moderne ou s’il s’agit simplement de la conséquence d’une intoxication idéologique post moderne généralisée de ceux qui donnent le la éducatif et qui ne verraient plus la différence entre le réel tel qu'il est et tel que leur idéologie le leur fait voir. La nuance est de taille, mais dans les deux cas, le constat est le même, l’école constructiviste n’est pas au service des individus qui la fréquentent mais bien plutôt à celui d’une dangereuse idéologie révolutionnaire dont pratiquement personne ne veut.

Stevan Miljevic, le 30 juillet 2015

NB: Les grandes lignes de la pensée post moderne décrite dans cette articles ont été tirées de l'ouvrage de Jean Staune "Les Clés du Futur, Réinventer ensemble la société, l'économie et la science", Plon, Paris, 2015 pp.322 à 336

[1] http://www.lesobservateurs.ch/2014/09/14/heures-gloire-du-constructivisme-educatif-lurss-annees-20/

[2] J’ai déjà écrit un texte à ce sujet qui n’est actuellement plus en ligne mais qui, au besoin, pourrait refaire surface