On ne s'en rend pas immédiatement compte mais les politiciens fédéraux sont des gens méritants. Ils mettent de façon plus ou moins désintéressée leurs immenses compétences au service de notre pays. Leur tâche est le plus souvent ingrate car ils ne disposent pas toujours de la latitude nécessaire pour donner le meilleur d'eux-mêmes, devant parfois tenir plus ou moins compte de l'avis du peuple. Et c'est fâcheux. Il arrive que la populace bornée, confrontée aux soucis du vulgaire, n'ait pas la vision globale des enjeux. Comme le dit Gabin dans le Président, on a une mauvaise vue d'ensemble quand on voit les choses de trop près. Là où le Conseil fédéral et le parlement voient Europe, le quidam voit dumping salarial, chômage, oukases liberticides, crime vagabond et asile à tout va. Comme le dit Gabin toujours : "Nous ne parlons forcément pas de la même Europe". Cette divergence de vue complique bien évidemment les rapports que la classe politique veut entretenir avec l'eurocratie, soucieuse qu'elle est de frétiller dans la cour des puissants. Nous avons pu le constater avec l'initiative du 14 février 2014 visant à lutter contre l'immigration de masse. Le citoyen a égoïstement pensé à lui et choisi de limiter l'accès à notre marché du travail. Horreur ! Comment expliquer cela à Bruxelles ? Comment faire comprendre à l'illustre aéropage que la démocratie directe présente un inconvénient majeur, à savoir permettre au peuple de s'intéresser à ce qui le concerne ? Après une visite à Bruxelles pour prendre leurs instructions, nos politiciens ont tout bonnement choisi d'ignorer la volonté populaire, félonie saluée par la Commission européenne fort satisfaite de voir que ses laquais étaient prêts à trahir pour complaire.
Cela ne suffisait pas. Le choix populaire du 14 février constituait un tel affront qu'il fallait faire plus pour s'excuser envers Jean-Claude Juncker et ses sbires. La majorité du Conseil fédéral a donc choisi de faire payer la population pour sa décision erronée. Il faut en effet punir ces hommes et ces femmes qui prétendent savoir ce qui est bon pour eux. Le gouvernement va donc nous faire les poches et y soutirer un milliard trois-cents millions de francs qui seront généreusement distribués au sein de l'Union européenne. Bien évidemment, il eût été vulgaire de négocier la moindre contrepartie, pareille largesse se doit d'être désintéressée. Un beau cadeau bien dans l'esprit gauchiste toujours généreux avec l'argent des autres. Le parti socialiste ne s'y trompe d'ailleurs pas, qui applaudit à tout rompre, soulignant la bonne affaire que fait la Suisse.
Au-delà du montant que le contribuable aura à régler, cette affaire met une nouvelle fois en lumière l'inféodation préoccupante de notre classe politique vis-à-vis de Bruxelles. Nos élus, dans leur immense majorité, ont clairement démontré qu'ils préfèrent les intérêts de l'Union européenne aux nôtres, qu'ils placent l'humeur des eurocrates au-dessus de la démocratie suisse. Les mamours entre Doris Leuthard et Jean-Claude Juncker constituent un magnifique bras d'honneur aux citoyens suisses à qui la présidente de la Confédération fait savoir qu'ils sont priés de fermer leur bouche et d'ouvrir leur porte-monnaie. C'est une leçon à un milliard trois-cents millions. C'est une leçon dont il faudra se souvenir en 2019, à l'occasion des élections fédérales.
Yvan Perrin, le 25 novembre 2017