Le professeur François Chast, président de l'Académie nationale de pharmacie, répond.
Les polémiques et les controverses n'ont plus lieu d'être: non seulement le cannabis n'est pas un «traitement» en cas de troubles psychiatriques, mais c'est justement le cannabis qui, dans 15 à 20 % des cas, sur ces personnes vulnérables, agit comme facteur déclenchant.
Le cannabis est bien lié à un développement accru des psychoses, dont la schizophrénie. La première relation claire entre cannabis et schizophrénie a été mise en évidence en Suède en 1988.
Une enquête qui a duré quinze ans, portant sur une population de plus de 45 000 jeunes conscrits de moins de 20 ans, a démontré qu'il y avait bien un lien entre consommation de cannabis et développement de la schizophrénie. Le risque a même été quantifié: il est multiplié par 6.
Effets délétères sur la santé mentale
En 2002, cette hypothèse a été confirmée: le diagnostic de schizophrénie et d'autres psychoses a été quantitativement associé à la consommation de cannabis: 50 «joints» multiplient par 6,7 le risque psychiatrique et la démonstration devient flagrante au-delà de 10 joints consommés avant l'âge de 18 ans.
En 2007, la démonstration est définitivement apportée après comparaison et analyse des résultats issus de près de 5.000 études. Il apparaît alors que le nombre de psychoses est augmenté d'environ 40% chez les consommateurs de cannabis, et que, le lien dépendant de la dose, cette augmentation peut être beaucoup plus importante chez les consommateurs les plus assidus.
Dès 1845, le psychiatre français Jacques-Joseph Moreau de Tours avait décrit les effets délétères du cannabis sur la santé mentale. Mais cantonné, à cette époque, à la consommation marginale de quelques-uns, le cannabis ne posait pas, comme depuis quelques années, une véritable question de santé publique.
Selon les enquêtes épidémiologiques, le cannabis est bien lié à la survenue de symptômes psychiatriques: anxiété, dépression, troubles de la mémoire, perte d'intérêt pour l'environnement familial, scolaire, affectif, mais aussi schizophrénie.
Une affection à part, qui représente un trouble majeur de la personnalité, une maladie grave qui touche 1 Français sur 100 et dont le traitement reste imparfait. Les schizophrènes présentent des symptômes psychotiques qui se manifestent, entre autres, par des hallucinations, des délires et des troubles de la pensée ou du comportement pouvant s'accompagner d'angoisses massives avec des conséquences imprévisibles.
Le risque de développer des troubles schizophréniques s'élève proportionnellement avec l'intensité de la consommation et surtout avec l'âge de la première prise. Lorsque la consommation de cannabis débute à 15 ans, le risque est plus élevé que lorsque celle-ci débute à 18 ans.
Il augmente de 40% chez les jeunes fumeurs de joints, par rapport à ceux qui n'en ont jamais fumé. Or, le cannabis est la drogue illicite la plus consommée par les jeunes. Sur l'ensemble des consommateurs réguliers, 20% des jeunes filles et 30% des jeunes gens de 17 ans déclarent avoir consommé du cannabis au cours du dernier mois.
Et, même si la schizophrénie a, bien sûr, d'autres causes que le seul cannabis, ce dernier est probablement à l'origine de 15% des cas diagnostiqués en France.
Il agit comme facteur déclenchant chez des patients d'autant plus fragiles qu'ils sont jeunes et forts consommateurs. Mais le cannabis n'a pas que des conséquences psychiatriques, il est aussi à l'origine d'autres risques connus et non moins graves, depuis les cancers (poumon, ORL, vessie, prostate), les troubles vasculaires (artérites) et de la reproduction, tant chez les femmes que chez les hommes, la fréquence des accidents sur la route, à la maison, au travail.
source: https://sante.lefigaro.fr/actualite/2010/04/18/10177-cannabis-lorigine-schizophrenie