Après l'attentat de l'aéroport d'Istanbul, Fehim Tastekin, spécialiste de la guerre en Syrie, estime qu'Erdogan a « pakistanisé » la Turquie. Il répond aux questions de Burçin Gerçek pour le compte de 'Ouest-France' (voir lien vers source en bas de page).
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Q. L’attentat à l’aéroport d’Istanbul, 41 morts et 239 blessés, n’a pas été revendiqué, mais les pistes semblent indiquer Daech. Quelle est votre interprétation ?
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R. La Turquie a commencé depuis un moment à payer le prix de son implication dans la guerre en Syrie. Des attentats similaires ont coûté la vie à près de 200 personnes en un an. La Turquie a vu qu’elle ne pourrait plus continuer à offrir une protection de facto à Daech. Cet attentat peut être interprété comme ayant un lien avec le changement de politique de la Turquie à ce sujet. Il y a eu, par exemple, de nombreuses arrestations des membres des cellules de Daech.
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Les frontières sont beaucoup mieux surveillées pour éviter le passage des djihadistes. Ankara soutient aussi des groupes qui combattent Daech sur le front d’Azaz. Tout cela suffit pour que Daech cible la Turquie. Mais la Turquie poursuit toujours une politique hypocrite à ce sujet. Elle redevient tolérante envers Daech lorsqu’il se bat contre les Kurdes.
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Cette attitude va jusqu’à, pour la presse turque pro-gouvernementale, titrer « Mambidj est en danger » à propos des tentatives de libération de cette ville des mains de Daech par les Forces démocratiques syriennes, menées par les Kurdes du YPG. Daech devient une alliée pour la Turquie au moment où il attaque les Kurdes. Cette politique reste inchangée. De ce fait, même les opérations contre les cellules de Daech souffrent d’un manque de sérieux. Malgré ceci, Daech cible la Turquie, car il est impossible d’être en alliance avec lui. Il agit selon son propre agenda. La Turquie avait cru, par exemple, lors de la chute de Mossoul, que Daech ne toucherait pas son consulat. C’était une erreur.
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Q. Vous parliez souvent, dans vos articles, du risque de la « pakistanisation » de la Turquie à cause de cette « alliance » avec les groupes djihadistes. En sommes-nous là ?
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R. Nous ne savons pas combien de cellules de Daech existent en Turquie. Nous savons qu’il y a de nombreux Turcs qui combattent au sein de Daech et dans des organisations similaires. La priorité de ces structures est aujourd’hui la Syrie, mais demain ce sera la Turquie. Il existe aujourd’hui une zone de protection pour Daech le long de la frontière turque, car Ankara procède à des tirs d’obus lorsque les Kurdes du YPG s’approchent de cette région. Cette politique devient aujourd’hui intenable.
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L’opération en cours pour la libération de Mambidj le montre. La Turquie pourrait être obligée de renoncer à tirer sur le YPG avec la chute du Mambidj. Mais elle aura alors un autre souci : comme c’est arrivé à la suite de la prise de Tal Abyad, des djihadistes peuvent se réfugier en Turquie sous une apparence civile. C’est un vrai risque (voir lien vers source en bas de page).
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Mise en page de Michel Garroté
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http://www.ouest-france.fr/monde/attentat-distanbul-la-turquie-gangrenee-par-le-conflit-syrien-4336406
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