Rediffusion. La France, les Gilets jaunes et la démocratie directe !

Uli Windisch
Rédacteur en chef

Ndlr. Le référendum n’est pas qu’une technique électorale. C’est un phénomène social total, un état d’esprit politique participatif voulu par le Zeitgeist actuel. Cela est incompréhensible pour des “élites ” hors sol qui méconnaissent totalement et méprisent au plus haut point le peuple des ” sans-dents “, des “xénophobes “, “racistes”, et gens “d’extrême droite”, etc.
Rediffusion d’un article écrit en mai 2005, visiblement quelque peu prémonitoire, lors du rejet français par référendum de la Constitution européenne; rejet purement et simplement écarté. A la longue, un tel mépris semble subitement provoquer un effet boomerang. UW

Le Référendum plébiscitaire et le Référendum comme pratique politique quotidienne

A propos du NON français à la Constitution européenne du 29 mai 2005 

Par Uli Windisch,

 Article publié dans la revue Quaderni, No 60, printemps 2006

 

En tant que téléspectateur suisse, originaire de ce pays et habitué à un système politique éminemment participatif comme celui de la démocratie directe avec référendum, j'étais abasourdi en suivant la débat télévisé qui a précédé le vote de la France sur le référendum relatif à l'acceptation de la Constitution européenne du 29 mai 2005. Ce débat mettait donc en scène sur le plateau de TF1 le Président Jacques Chirac, quelques journalistes et plusieurs dizaines de jeunes. Ce n'est pas le fait que les journalistes et les jeunes aient été triés sur le volet qui m'a le plus frappé, même si cela est difficilement concevable dans un régime politique et le télévisuel comme celui de la Suisse, puisque la démocratie référendaire Suisse se situe à l'opposé du type de communication politique dont a fait l'objet le débat français susmentionné.

Première surprise : le fait que le Président Jacques Chirac puisse se retrouver seul responsable politique présent, et donc susceptible de répondre à toutes les questions sur tous les thèmes et questions des journalistes et d'une centaine de jeunes! Comment, de nos jours, avec la complexité de nos sociétés, imaginer un Surhomme ou un Superman, même Président d'une grande nation, en mesure d'assumer une telle fonction et de répondre à une aussi formidable attente. Cela me paraissait  tout à coup complètement surréaliste comme situation et comme conception du débat politique. N'était-ce pas là le signe d'un profond décalage entre le Pouvoir et les citoyens, une mise en évidence et en scène, du fameux "fossé" entre la base et le sommet, entre la classe politique et l'ensemble de l'électorat.

A plusieurs reprises d'ailleurs, le Président lui-même, réellement surpris, avouait ne "pas comprendre" certains jeunes, tous pourtant déjà triés sur le volet, afin d'éviter une confrontation chahutée et débridée. Autre aspect surprenant et peut-être inconscient, que révélait une telle conception du débat, de la délibération et de la communication publiques : apparaître ainsi comme seule et unique incarnation du pouvoir c'est aussi prendre le risque de se présenter comme cible idéale et unique sur laquelle tout le monde peut s'acharner et tirer à volonté, si je puis dire.

Dans le cas présent, la personne du Président incarne certes le pouvoir et le gouvernement, mais il devient aussi le responsable principal de toutes les insatisfactions, problèmes, difficultés et autres grondements populaires. Cela  d'autant plus que dans un tel système politique, un autre acteur, l'opposition, attend, guette et se réjouit de la moindre "erreur" de la majorité au pouvoir.

Le référendum étant rare, très rare, en France, il y avait aussi le risque que l'on ne se prononce pas sur le sujet soumis à ce référendum-là, mais que ce dernier devienne, à cette occasion rare, le catalyseur de toutes les frustrations de la nation, bien au-delà du seul thème agendé.

C'était offrir à tous les mécontents et mécontentements un bouc émissaire idéal.

Tout en se posant, le Président s'exposait à tous les dangers, prêt à être adulé mais aussi immolé. Le risque de suicide politico-symbolique est peut-être toujours présent dans un référendum de type plébiscitaire.

C'est bien là tout le problème d'un référendum qui n'en est pas réellement un et sans doute plus guère d'actualité ni en osmose avec le Zeitgeist éminemment participatif de notre époque. En France, le référendum dépend de la volonté du Prince ; c'est lui qui l'initie et qui décide quelle question il veut bien soumettre au peuple citoyen, avec le risque que ce dernier n'y voit qu'un piège, "référendum piège à c…",. Le peuple peut avoir l'impression que le Prince veut, en premier lieu, faire du référendum un plébiscite personnel, au-delà de l'objet du référendum, en ne choisissant  que des sujets qui seront à coup sûr acceptés et à son avantage.

Mais l'électorat peut devenir méfiant lorsqu'on ne lui propose jamais de se prononcer sur des thèmes jugés, par lui, fondamentaux et qui l'intéressent concrètement et quotidiennement.

Plus généralement, il faut prendre acte du fait que les formes de la participation et de la communication politiques ont profondément changé de nos jours et cela dans de très nombreux pays. Les sensibilités politiques ne sont plus les mêmes. Les exigences de participation des électeurs deviennent d'autant plus affirmées que ces derniers sont devenus plus informés et plus compétents, contrairement à ce que l'on pense dans une optique politique technocratique et énarchique.

Il est parfaitement possible de continuer à gouverner aujourd'hui mais à condition de consulter l'électorat et de le faire participer réellement. Les réflexes d'exclusivité de la part du pouvoir et sa rigidité intransigeante deviennent un véritable danger. Consulter, faire participer, communiquer et pas seulement informer à sens unique, deviennent des pratiques impératives en même temps qu'elles peuvent tenir lieu de sas de décompression politique. Aujourd'hui chacun veut avoir son mot à dire. Tout doit pouvoir être discuté par tous ; conception certes insupportable pour les tenants d'un régime politique qui ne cherchent que le plébiscite du peuple, mais c'est dans ce sens que les réalités sociales et politiques évoluent inexorablement. La politique a profondément changé de nature, plus vite que les politiciens eux-mêmes souvent. Ce n'est pas un référendum qu'il faut tous les cinq, six ou sept ans, c'est l'ensemble de la vie politique qui est en train de devenir référendaire, c.-à-d. basée sur la consultation, la délibération et la participation constantes de tous les acteurs d'une société donnée. Cela prend certes plus de temps mais évite nombre de crispations, de blocages et même certains mouvements  réactifs, qui peuvent devenir d'autant plus violents qu'ils ont longtemps été écartés de toute possibilité d'expression et de participation. Etre démocrate aujourd'hui c'est croire, malgré tout, en la capacité et en la force de la discussion et de l'argumentation généralisées pour répondre aux problèmes les plus brûlants et urgents de nos sociétés.

Dans l'optique de la vision technocratique, omniscience et pressée de la politique, on doit réaliser que le temps de la discussion n'est pas toujours du temps perdu. En effet, aujourd'hui, on ne se contente plus de déléguer, de demander à d'autres d'agir à notre place. La volonté de prendre part à la discussion politique des grands problèmes de société fait partie du nouvel es­prit du temps. Il ne s'agit pas d'un effet de mode passager mais bien d'une lame de fond. Le peuple n'est ni idiot ni passif ; il possède même les res­sources nécessaires pour se prononcer sur des problèmes complexes. Cela, dans la me­sure où les « spécialistes » et les au­torités savent traduire la techni­cité et la complexité de certains thèmes politiques en enjeux de société, savent montrer quelles seront les conséquences de tel ou tel choix sur l'orientation générale de la société. Le citoyen ordinaire sait quel type de société il veut ou ne veut pas. C'est sur ces enjeux que doit porter la discussion politique.

Le débat public et la communication politique donnent aux citoyens la possibilité de choisir entre diffé­rentes orientations possibles de la société, tout en participant au processus qui aboutit à la définition même de ses différentes options.

Si avec la multiplication des possibilités d'information et de discussion, la très grande majo­rité des citoyens sont plus infor­més et compétents que jamais, la méfiance envers le peuple reste pourtant grande ; il s'agit d'un véritable réflexe conditionné chez certaines élites.

Il faut savoir faire confiance, faire discuter les problèmes brûlants de notre époque et  faire participer le plus grand nombre aux choix de société. Les forces politiques qui réussis­sent à mettre en pratique cette triple exigence ont des chances d'être à la hauteur des défis de nos sociétés. La pratique référendaire peut y contribuer. Lors de nombreux exposés faits en France sur le fonction­nement et la pratique référen­daires en vigueur en Suisse et ailleurs, et notamment sur ses effets sur le climat politique général, j'ai pu faire un double constat : un intérêt très considérable de la « base » de la population et une certaine méfiance, parfois une franche hostilité, du côté d'une grande partie des politiques et des plus hauts magistrats, certains politiques estimant avoir été élus pour gouverner seuls jusqu'aux prochaines élections. Or, le fossé se creuse entre élus et électeurs et le risque de rejet du « monde politique » s'amplifie et l'infidélité partisane va croissant.

Ce qui compte, ce n'est pas tant le degré de démocratie participative , mais l'état d'esprit général qu'elle induit. C'est la discussion pu­blique généralisée (à la maison, au travail, au café, avec les amis, etc.) qu'entraîne un réfé­rendum sur un thème politique important qui importe ; soit une ambiance de partici­pation collective, de création de lien social et politique et même festif (la citoyenneté peut être à la fois civique et ludique). Bref, un climat autre que celui du senti­ment de mépris, d'impuissance et d'exclusion que ressent un nombre de plus en plus grand de citoyens de nos sociétés.

On ne rappelle sans doute pas assez qu'un climat politique malsain favorise tôt ou tard la nais­sance de mouvements réactifs et extrémistes plus ou moins massifs et violents. L'ouverture d'un système politique fa­vorise au contraire la discussion publique. Elle fait avancer, elle prépare des solu­tions. Par la délibération, le citoyen est aussi maintenu en activité ci­toyenne. La délibération publique gé­néralisée est en train de remplacer les Dogmes et les Evidences, que ces évidences soient politiques, idéologiques ou autres. Discuter plus, dénigrer et haïr moins. La pratique référendaire peut, elle aussi, y contribuer, dans la mesure où elle devient régulière et s'applique à des problèmes de société considé­rés comme primordiaux par les citoyens eux mêmes.

10 commentaires

  1. Posté par beluga le

    il faut que le mouvement des gilets jaunes s’attaque aux vraies cibles: les automobilistes et les magasins ne votent pas les lois et ne représentent pas le pouvoir. Des actions ciblées permettraient aux gilets jaunes d’obtenir gain de cause plus rapidement sans mettre en danger leurs vies.

  2. Posté par Citoyen Suisse le

    Les critiques de Richard Ferrand contre la Suisse sont à la hauteur de son ignorance. Il ne connaît pas notre système politique. Il oublie que les premiers Suisses ont établi la démocratie 5 siècles avant la France. De même il occulte le nombre de fois où la Suisse a porté secours à ses compatriotes lors des divers conflits qui ont secoué l’Europe depuis le XIXème siècle. En outre, la Suisse offre 173’175 postes de travail aux frontaliers français. A ce sujet, il est bon de rappeler que la France est en défaut de paiement depuis juin 2018, pour 320 millions de francs, représentant la rétrocession des impôts desdits frontaliers à la Suisse. Alors qu’il est sous enquête judiciaire à Lille et à la tête d’un Etat qui ne paie pas ses dettes, il ferait mieux de se taire, plutôt que de critiquer ses voisins.

  3. Posté par Claude le

    Si meme un changement de gouvernance conduisait a un systeme anarchique, la plupart des problemes societaux majeurs perdureraient. La raison en est que le gouvernement reel est, comme le mentionne tres bien Francois Hollande, celui que l’on ne voit pas: les acteurs du systeme financier mondial. Ce sont eux qui mettent en place les clowns “dirigeants” de pratiquement chaque pays. C’est ce gouvernement omnipresent que l’on doit combattre et eliminer si l’on veut apporter un brin d’amelioration et d’espoir au sein de la condition humaine .
    Pour cela il faudrait le substituer par un mode de fonctionnement societal cree de toute piece completement different, tant d’un point de vue philosophique que pratique, de ce que l’humanite a pu vivre et endurer jusqu’a present. Les systemes d’echanges, d’acces au territoires et aux resources equitables et viables sont les points cles du debat.
    Pour tout site internet tel que celui-ci, sence donner l’opportunite a tout lecteur de s’exprimer, il serait bon qu’il puisse le faire en toute liberte. Pour ce faire il suffirait que, par example, le censeur affiche les commentaires qu’il considere comme etant acceptables dans la colonne de gauche et les autres dans la colonne de droite. Cela demultiplierait la perception d’un site ouvert et respectueux des avis de chacun. Libre a chacun de lire la colonne qui lui convient sachant que la colonne de droite puisse etre abjecte…

  4. Posté par Roland le

    M. Son Forget insulte M. Trump
    M. Ferrand insulte la Suisse
    Le Père Noël ne leur apportera pas de gilet jaune s’ils continuent ainsi

  5. Posté par Myrisa Jones le

    Actuellement dans presque toutes les émissions radios ou télévision concernant le mouvement des gilets jaunes et leur demande du RIC, la démocratie suisse est citée. Résultat, les loups sortent du bois et nous voyons qui ils sont. Ces racailles en col blanc qui sont au gouvernement français s’en prennent désormais ouvertement à notre pays et à son système politique. Jusqu’à aujourd’hui ils agissaient par en-dessous, en utilisant entre autre l’UE et la bêtise sidérante de certains de nos politiciens, pour essayer de saper directement les fondements de notre démocratie. Le modèle suisse doit être éliminé, car il offre un mauvais exemple aux “gueux” des pays voisins.
    Que tous ceux qui veulent plus d’UE, c’est-à-dire plus de France dans nos affaires intérieures, réfléchissent aux conséquences. Le jaloux souhaite toujours la destruction de celui qu’il jalouse…
    La Suisse moquée par le président de l’Assemblée
    Le président de l’Assemblée nationale en France, Richard Ferrand, a tenu des propos offensants sur le système démocratique suisse.
    https://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/Le-president-de-l-Assemblee-offense-la-Suisse-29275812

  6. Posté par Sam de Sedan le

    Entre 2000 et 2005 Je travaillais comme agent de securité notamment derrière les caisses d magasin Auchan Dardilly (zone Gendarmerie) banlieue de Lyon et savez vous ce que s’amusait à faire les RG ,
    le PS qui fait la police à tourner en rond dans rues , dans le magasin et sur le parking ?
    Ils se sont amusé à m’envoyer un pauvre homme manchot et ils lui ont demandé de me demander de lui baisser la braguette pour qu’il puisse aller uriner dans les toilettes de la galerie marchande .
    Voilà ce que s’amuse à faire les RG , le PS qui tourne en rond dans les magasins et sur leur parking , à commettre je ne sais quelle provocation qui leur passe par la tête !
    (ils font la même chose avec les lascars qu’ils envoient voler dans les magasins , ils leur disent qu’ils sont de la police “Tais-toi t’es de la police” )
    C’est de la sécurité ça ?
    Le Parti Socialiste qui a réussi à rentrer au ministere de l’Intérieur et dans les gendarmeries ! et qui vient de démissionner (Octobre 2018) du Ministère de l’Intérieur .
    Qu’est-ce que le Parti Socialiste , le FBI en France fichait encore ! au Ministère de l’Intérieur en octobre 2018 alors que les journalistes nous ont dit que nous avons vécu l’alternance en 2017
    après le départ de Français Hollande ?
    RG=PS
    E=M à l’envers ?
    Cohen = & Co à l’envers ?
    Stirn = “front” en allemand .

  7. Posté par JeanDa le

    “Ce n’est pas le fait que les journalistes et les jeunes aient été triés sur le volet qui m’a le plus frappé, même si cela est difficilement concevable dans un régime politique et le télévisuel comme celui de la Suisse, puisque la démocratie référendaire Suisse se situe à l’opposé du type de communication politique dont a fait l’objet le débat français susmentionné.”

    Hé non ! Plus maintenant ! C’est la seule pratique que connaît la RTS lorsqu’elle organise une interview, un débat d’idées ou un commentaire par des tiers : On choisi scrupuleusement des gens qui diront bien sagement ce que l’on veut qu’ils disent !

  8. Posté par Vautrin le

    Parfaitement bien vu, Monsieur Windisch ! Je parle ici (http://www.subito-invenio.org/wordpress/?p=4622) de l’idée de nos Gilets Jaunes, qui est la preuve que le peuple veut se réapproprier son destin et fait preuve de maturité politique. Nous devrons limiter le champ d’action du Parlement qui, depuis des lustres, fait ce qu’il veut le temps d’une législature.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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