Contre la démocratie directe, l’hystérie

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

Quelques jours nous séparent de la votation cruciale qui, si l'initiative sur l'autodétermination est rejetée, mettra un terme au régime de démocratie directe en vigueur en Suisse depuis 1848.

Les politiciens de Berne attendent la chose avec impatience. Comme l'explique Thomas Matter depuis le marais bernois, "en plaçant le droit international au-dessus de la Constitution fédérale, [Les Conseillers nationaux et aux États sont] munis d’une baguette magique leur permettant d’ignorer la volonté du peuple. Et c’est bien commode lorsque la volonté du peuple ne leur convient pas."

Les sondages commandés par les sources officielles sont édifiants ; l'initiative devrait être balayée. Mais la vérité se trouve au fond des urnes, non dans les enquêtes d'opinion.

Les partisans de l'initiative sont incontestablement plus motivés que leurs adversaires. Tout viendra donc de la participation. Si elle est faible, que les défenseurs de la démocratie directe se contentent de regarder passer le train depuis le quai, la démocratie directe partira à la poubelle dans l'apathie générale. Si la participation est forte, au contraire, une vague pourrait provoquer la surprise. Car si l'opinion des citoyens sur un texte est une chose, aucun sondage ne peut estimer correctement l'influence décisive d'un camp plus fortement mobilisé que l'autre. Voilà où réside l'unique chance de victoire des Suisses désireux de préserver leurs droits populaires - qu'ils soient de droite ou de gauche - face aux esprits ternes qui ont renoncé à penser.

Pour ceux qui luttent pour éteindre la démocratie directe sous l'étouffoir du "droit international", le risque est bien réel. Dans sa dernière ligne droite, la campagne du NON a donc viré à un extrémisme au premier degré.

L'hystérie placardée au format mondial

Il suffit de contempler l'affichage électoral dans les rues de nos villes romandes pour se demander si les partisans du NON disposent encore de toute leur raison au vu de la surenchère pratiquée. Voici quelques exemples.

votation du 25 novembre 2018,prise de position,initiative,démocratie,autodédermination
Les déchirures sont d'origine (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Passons brièvement sur le fadasse "N'isolons pas la Suisse" de la Fédération Genevoise des Entrepreneurs, qui a bien compris l'intérêt du travail frontalier, et son slogan "le droit international rend la Suisse plus forte", qu'on aurait aimé voir démontré plutôt que scandé.

Au centre, le PDC invoque les mânes des ancêtres ; mort neuf ans avant la naissance de la Société des Nations, Henri Dunant aurait voté contre l'autodétermination, bien sûr - et il ne sera pas là pour confirmer, c'est drôlement pratique. Malgré son inefficacité évidente, saluons la démarche didactique qui instruira peut-être le passant sur un personnage de l'histoire helvétique.

À droite, une palette de couleurs que l'on n'aurait pas forcément imaginée de la part des Jeunes Libéraux-Radicaux (oui, ce sont eux, vraiment!) et qui illustre leur socle idéologique: "Attention Jobkiller!" déclament-ils. Pour ceux qui ont connu le chômage, ou pour les maçons qui s'y préparent, ou pour Mme Calmy-Rey, c'est plutôt le droit international lui-même le Jobkiller du moment. Mais tout le monde n'a pas la chance d'avoir une place réservée dans le cabinet d'avocat paternel, je suppose.

En se hasardant auprès des affiches de la gamme verte, l'irrationnel passe au degré supérieur:

votation du 25 novembre 2018,prise de position,initiative,démocratie,autodédermination
Oui, ils l'ont fait (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Vraiment, ils le disent: voter pour la préservation de la primauté de la Constitution sur le serpent de mer du Droit international, c'est voter... Pour Trump. Les Verts libéraux osent tout, c'est à ça qu'on les reconnaît. Le populisme est un "dangereux délire" (à l'inverse du délire, probablement éthylique celui-ci, qui a mené au design de cette affiche) et voter pour préserver les droits populaires revient à "importer les erreurs des autres". Surfer sur la détestation anti-Trump lourdement martelée par les médias officiels n'avait rien d'idiot en soi, en marketing on appelle ça un renforcement, mais même tiré par les cheveux (blonds) du tribun d'outre-Atlantique, franchement, on ne voit pas le rapport.

Les Écologistes officiels laissent aussi libre cours à leurs divagations. C'est la totale: le logo "lever de soleil" de l'UDC est perverti pour figurer la tête de l'odieux Blocher, en même temps que des armes, des dollars et un baril de pétrole nucléaire (?) tandis qu'un parapluie bleu tenue par la justice protège la joie d'un couple racialement mixte (et/ou lesbien, difficile à déterminer), une grand-mère qui manifeste pour manifester, un type chauve qui lit un journal avec un ado coloré par-dessus son épaule, et un bobo urbain (lunettes, barbiche d'intello) qui vote. Génial. On notera l'obsession des Verts pour les questions raciales. Au vu de cette affiche, on aura compris qu'il faut lutter contre les méchants, évidemment, mais le reste n'a guère de sens.

Et ce sont ces gens qui clament régulièrement que les campagnes de l'UDC sont outrancières?

L'hyperbole

Mais "l’œuvre magistrale" de cette campagne nous viens tardivement du "Comité Romand pour le Non à l'initiative anti-droits humains", une association-prétexte montée sur le tard mais avec de gros moyens et une affiche que je ne résiste pas au plaisir de reproduire ci-dessous:

votation du 25 novembre 2018,prise de position,initiative,démocratie,autodédermination
Carton plein.

Examinons: le facho enragé (rouge de colère, avant-bras velus, crâne rasé, bottes à semelles épaisses) attaque au marteau-piqueur le socle de la pyramide des "droits humains". Au-dessus on trouve d'autres thèmes: la famille (?), l'éducation, le droit à la vie (on ne doit pas parler de l'avortement j'imagine), la sphère privée, la liberté d'expression (jamais menacée par la gauche), la liberté de conscience (la même qui fait que la CEDH veut préserver le délit de blasphème...)

Et au sommet, quelques silhouettes désincarnées, avec des banderoles, vulnérables face au monstre, brandissant la bannière "protégeons nos droits", alors que ceux-ci sont justement minés par le droit international... Les rôles sont distribués: les démocrates sont des fascistes et les anti-démocrates sont, en fait, les vrais défenseurs de la démocratie. Merveilleuse interversion des valeurs!

Comme le résume un internaute par ailleurs,

C'est juste ahurissant. Selon les adversaires de l'initiative, la Suisse serait un pays sans loi et la protection des citoyens ne repose que sur la CEDH. Selon eux, il n'y aurait plus de traités internationaux entre la Suisse et ses partenaires, mais ils n'expliquent pas pourquoi. Que je sache, le droit à l'auto-détermination ne signifie pas la mise à plat de tous ces traités...

Certes. On continue à mettre en garde le grand public contre l'effrayante "mise en danger de 600 traités" suite à l'autodétermination, mais on se demande comment les élus du pays en seraient venus à signer 600 traités contraires à la Constitution? Soit il y a de l'exagération dans l'air, soit la corruption à Berne est au-delà de tout ce que l'on peut imaginer.

Le dernier vote

La votation du 25 novembre sur l'autodétermination est l'objet le plus important porté au vote depuis la naissance de la Démocratie directe en 1848, puisque son rejet en marquera la fin.

Si les Suisses rejettent l'initiative pour l'autodétermination, ils renonceront collectivement à leur souveraineté. Il ne sera plus possible de mettre en œuvre la moindre initiative dont les autorités auront décidé qu'elle contrevient au "droit international" - selon leur interprétation souple de ces critères, cela va sans dire.

Rappelons-nous que rien que les deux initiatives agricoles proposées en septembre, "Pour des aliments équitables" et "Pour la souveraineté alimentaire", étaient déjà présentées comme violant le droit international. Ainsi, le 26 novembre au matin, les Suisses pourraient ne même plus avoir le droit de voter sur de tels textes. Et on attend avec impatience la fin du scrutin, que le Parlement puisse accepter le Pacte de l'ONU sur les migrations.

Je le sais bien, la Terre ne s'arrêtera pas de tourner quoi qu'il sorte des urnes dimanche - mais la Suisse pourrait devenir une particularité mondiale, la seule et unique nation volontairement subordonnée au droit international. Pour un pays qui avait longtemps voulu rester à l'écart des organisations supranationales au nom de sa neutralité, le revirement est total.

L'hystérie des adversaires du texte dans cette dernière ligne droite donne à réfléchir. Tous présentent la Démocratie comme quelque chose de néfaste et dangereux, qu'il faut absolument contrôler. Leur méfiance vis-à-vis du peuple helvétique est consternante, à la limite du mépris.

Tout le paradoxe est qu'ils ont besoin de ce peuple, une dernière fois, pour rejeter ce texte. Après, l'affaire sera réglée.

J'ose espérer que les citoyens se mobiliseront, ne serait-ce que pour s'exprimer. Ceux qui ne voteront même pas sur un sujet pareil, pour ou contre, ne méritent pas leurs droits démocratiques. Le 6 décembre 1992, lors du référendum sur l'adhésion à l'Espace Économique Européen, près de 80% des électeurs avaient voté. Combien seront-ils dimanche?

J'ose aussi espérer un réveil des consciences, une saine réaction de rejet contre les arguments employés pour s'opposer à l'initiative pour l'autodétermination. Car voter pour les arguments placardés sur ces affiches revient à céder à la peur, à l'hystérie et au mensonge, et à encourager plus de campagnes sur le même modèle. Ces manœuvres devraient susciter le dégoût et non l'adhésion.

Alors, je vous en conjure, ne laissez pas votre précieux bulletin de vote pourrir au milieu des enveloppes du courrier.

Votez, et faites voter!

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 21 novembre 2018

14 commentaires

  1. Posté par Yolande C.H. le

    La Suisse va vendre son âme (mise sous tutelle de sa constitution), comme Faust l’ a vendue au diable, et ceci pour conserver un accès au marché européen. C’est absolument infâme de la part de l’UE de mettre sur un même plan un droit souverain et des intérêts bassement commerciaux!

  2. Posté par Jerry Jack le

    Si cette initiative est rejetée, je ne voterai plus jamais. Je renverrai l’enveloppe à l’expéditeur.

  3. Posté par Pilule douce le

    @Peter Bishop : c’est exactement cela !
    Mais à noter que plus de la moitié des ancêtres des 4 millions de suisses de souche ont toujours voté en faveur de l’immigration massive qui a conduit à la mort du pays.
    Car dès lundi, la Suisse ne sera plus qu’une “zone administrative” des instances internationales, ou plus précisément de l’Empire. A terme, l’Empire va être muni d’un gouvernement mondial. Inutile de préciser que nous assistons à la mise sur pied du plus grand totalitarisme de tous les temps (prévu de longue date dans certains écrits).

  4. Posté par Yolande C.H. le

    https://lesobservateurs.ch/2018/11/22/zoom-eugene-berg-a-la-recherche-de-lordre-mondial/
    Vers 10’30: à propos de traités (de l’ordre international): devoir de les respecter, si on en sort, on sort du droit, de l’éthique!

    Comme si seul le droit international était légitime, au détriment de celui que se sont constitués les “états de droit”, dont se demande à quoi ils servent si leur droit (leur ordre) n’a plus lieu d’être ! Ils sont rétrogradés à la fonction de simples exécutants, avec mesures de rétorsion à la clef s’ils n’obtempèrent pas. On se demande d’ailleurs pourquoi le qualificatif d’international est encore utilisé, puisque le “droit international” se constitue comme suprématie absolue.

  5. Posté par P. le

    Si c’est NON dimanche, je ne voterai plus jamais vu que cela ne servira plus à rien.

  6. Posté par toyet le

    Comme en France le clivage entre le rat des champs et des villes s’agrandi, attention danger, d’un côté un monde d’assisté et de l’autre des pendulaires assénés de taxes.

  7. Posté par Peter Bishop le

    Je suis en mission temporaire à l’état de Genève et je peux vous dire qu’ici, 99% des fonctionnaires sont des gauchistes qui déteste Trump et vont voter contre cette initiative fasciste…
    99% des étrangers non-blancs votent à gauche et voteront contre cette initiative.
    Au moins la moitié des blancs vivant en campagne et au moins 80% des blancs vivant en ville sont des gauchistes et voteront contre cette initiative.
    En Suisse, le changement de peuple à déjà eu lieu. Sur 8.5 millions d’habitants, moins de 4 millions sont des Suisses de souches. La majorité des 4.5 millions de non-Suisses sont des citadins plus ou moins gauchistes. Il doit y avoir maximum 25% des votants (soit 1 millions) de personnes qui sont de la vrai droite anti-étatiste et libertaire (comme l’UDC plus ou moins).
    Cette initiative va être rejeté et additionnée aux rejets d’Ecopop, de No-Billag et de quelques autres votations clés de ces dernières années, il est clair que la Suisse n’existe plus !

  8. Posté par demelchtal777 le

    UNe chose est sûre, si cette initiative ne passe pas la rampe, je n’irai plus jamais voter. Et quand on enlève les droits démocratiques du peuple, on sait ce qu’il reste à celui-ci pour faire changer les choses. Alors à tous ces fossoyeurs de notre démocratie directe, faites bien attention, cela pourrait se retourner contre vous. Car déjà, une bonne partie de la population a de plus en plus de haine contre vous, bande de parasites.

  9. Posté par fred le

    Votez bien !

  10. Posté par Dominique Schwander le

    Aux Suisses, majoritaires si ils votent non à cette initiative lors de cette toute prochaine votation, ces Suisses qui chérissent l’UE et méprisent leurs concitoyens, ces Suisses qui chérissent la minorité d’élus bruxellisés, minorité soit disante plus intelligente que le peuple, ces Suisses qui veulent détruire notre démocratie directe avec ses référendums et ses initiatives et ravir le pouvoir au peuple souverain, ces Suisses qui se laissent être manipulés par une grotesque et perverse désinformation, quand il se plaindront d’être soumis à une dictature, d’être au chômage et de payer d’avantage d’impôts (harmonisés avec l’UE confiscatoire), je leur citerai alors une fois de plus Bossuet: “dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes.”

  11. Posté par Maurice le

    Grand merci Stéphane Montabert !
    Et dans la “Tribune de Genève” d’aujourd’hui, un certain François Bugnion, docteur en sciences politiques, prétend que voter pour l’autodétermination signera la fin de la neutralité suisse, puisque la neutralité est un régime de droit international :
    Les fossoyeurs de la neutralité – Tribune de Genève
    https://m.tdg.ch/articles/5bf52587ab5c3749df000001
    Je suis effaré par l’accumulation de mensonges et de perversité destinés à contraindre le peuple suisse à renoncer à sa souveraineté.

  12. Posté par Anarcap le

    A Genève j’ai vu une affiche que vous n’avez pas répertoriée qui dit : “Pour plus de démocratie directe, pour plus de souveraineté : votez NON”
    Je ne sais pas de qui vient cette blague mais une chose est sure, dans le cas de cette votation, la stratégie et de répandre le plus de confusion possible, afin que l’on ne sache pas vraiment si il faut dire OUI ou NON…
    Pour ma part, si le peuple dit OUI ; Je soutiendrai l’Union Démocratique du Centre en devenant membre.
    Dans le cas d’un NON, je ne voterai probablement plus jamais.
    Bien à vous.

Et vous, qu'en pensez vous ?

Poster un commentaire

Votre commentaire est susceptible d'être modéré, nous vous prions d'être patients.

* Ces champs sont obligatoires

Avertissement! Seuls les commentaires signés par leurs auteurs sont admis, sauf exceptions demandées auprès des Observateurs.ch pour des raisons personnelles ou professionnelles. Les commentaires sont en principe modérés. Toutefois, étant donné le nombre très considérable et en progression fulgurante des commentaires (259'163 commentaires retenus et 79'280 articles publiés, chiffres au 1 décembre 2020), un travail de modération complet et exhaustif est totalement impensable. Notre site invite, par conséquent, les commentateurs à ne pas transgresser les règles élémentaires en vigueur et à se conformer à la loi afin d’éviter tout recours en justice. Le site n’est pas responsable de propos condamnables par la loi et fournira, en cas de demande et dans la mesure du possible, les éléments nécessaires à l’identification des auteurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les commentaires n’engagent que leurs auteurs. Le site se réserve, par ailleurs, le droit de supprimer tout commentaire qu’il repérerait comme anonyme et invite plus généralement les commentateurs à s’en tenir à des propos acceptables et non condamnables.

Entrez les deux mots ci-dessous (séparés par un espace). Si vous n'arrivez pas à lire les mots vous pouvez afficher une nouvelle image.