L'effort n'intéresse plus. Il n'est plus donné en exemple, ni inscrit au nombre des valeurs qui compte. On lui préfère les vertus égalitaristes de l'humilité et de la passivité. On ne salue plus le héros mais la victime.
Plus loin, dans son introduction, l'auteur donne un exemple significatif:
Si l'on écoute les grands débats sur les impôts ou la retraite, on a parfois l'impression que le but essentiel de tout citoyen est de parvenir à capter les prébendes généreuses de la redistribution, durant la vie active ou la retraite. Chacun compte sur le travail des autres beaucoup plus que sur son propre travail.
Une dernière phrase que n'aurait pas désavoué Frédéric Bastiat qui disait déjà dans Les harmonies économiques (1850):
L'État, c'est la grande fiction par laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde.
Olivier Babeau définit l'effort en ces termes:
C'est le moyen par lequel on change. L'effort est la solution à la tension entre le nécessaire et l'idéal. Autrement dit, entre ce qui suffit et ce à quoi on aspire.
Ceux qui nous ont précédé sur Terre ont fait des efforts prodigieux pour accomplir les progrès techniques dont nous bénéficions aujourd'hui.
Pourquoi les ont-ils fait? Pour satisfaire à trois catégories de besoins qui peuvent se résumer à trois verbes:
- survivre (le monde est hostile),
- appartenir (l'homme ne vit pas seul),
- s'accomplir (tout n'est pas utile).
Or aujourd'hui:
- survivre n'est plus un exploit, grâce à l'industrialisation, qui a, notamment, permis une baisse du temps de travail, de la précarité et de la pénibilité,
- appartenir n'est pas difficile, grâce à l'État-providence, qui permet le moindre effort,
- s'accomplir n'est plus de mise, grâce aux addictions (l'image tue le texte et le temps long) et à l'hédonisme, qui ont substitué le laisser-aller au savoir-vivre: toutefois plus la vie est facile, plus les difficultés qui restent nous semblent insurmontables...
Un autre pas risque d'être franchi dans la facilité avec l'intelligence artificielle générative... Ce qui est à craindre alors, c'est que le choix des machines remplace le nôtre.
C'est surtout, d'après l'auteur, depuis une vingtaine d'années que, à l'issue d'un long processus, l'effort a perdu sa place centrale qu'il occupait dans la société.
Il en rend également responsables:
- La perte des grands buts collectifs d'hier, tels que les préceptes divins et le service de la patrie, ce qui a favorisé l'extension d'un individualisme farouche 1,
- Les récits de la déconstruction qui ont délégitimé les hiérarchies,
- L'inversion des exigences, la société devant s'adapter à toutes les lubies, aux moindres sensibilités.
Olivier Babeau se livre cependant avec réticence à un discours de déclin. Mais il est réaliste, ce qui ne l'empêche pas d'être optimiste:
Si l'Histoire nous apprend quelque chose, c'est bien qu'il n'y a pas de fatalité à la mort des civilisations.
C'est pourquoi il conclut son livre ainsi:
Si nous le voulons, l'histoire de la fin de l'effort n'est pas écrite.
Francis Richard
1 - L'État-providence, à mon sens, en est à l'origine, avec ses redistributions qui détruisent les solidarités naturelles.
L'ère de la flemme, Olivier Babeau, 288 pages, Buchet-Chastel
Livre précédent:
Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard.
Et vous, qu'en pensez vous ?