Médine, l’islamisme à peine voilé

 

David Vallat est un djihadiste repenti qui combat désormais l’islam politique. Pour lui, Médine emploie dans ses chansons et ses tweets un double discours qui lui permet d’envoyer à ses fans des messages racistes et antisémites. Un formidable cheval de Troie pour les barbus.


Auteur de Terreur de jeunesse (Calmann-Lévy 2016), David Vallat est un repenti. Il a été impliqué dans les réseaux du GIA qui terrorisaient la France et a côtoyé Khaled Kelkal ou encore Boualem Bensaïd. Ayant suivi une formation islamiste rigoureuse en Afghanistan et au Pakistan, il connaît très bien la façon dont les islamistes utilisent la religion. Une fois derrière les barreaux, il a ouvert les yeux et décidé de raconter son parcours pour empêcher les jeunes de tomber sous la coupe de cette idéologie.

David Vallat. Wikipedia

Causeur. Pour beaucoup de gens, Médine ne peut pas être islamiste parce qu’il est musicien.

David Vallat. C’est exact, mais le burkini aussi est condamné par les islamistes puisqu’une femme n’a pas à se rendre dans un lieu où des hommes sont à moitié nus ! Pourtant, pour les islamistes, le burkini est un levier politique qui permet d’accuser d’islamophobie quiconque s’y oppose. Autrement dit, les islamistes sont capables d’écarts idéologiques, du moment que cela sert leurs intérêts politiques.

Médine a obtenu un avis juridique favorable, sous la forme d’une fatwa de Moncef Zenati, cheikh du Havre du savoir, l’association des Frères musulmans dont Médine était ambassadeur. Il considère que la musique n’est pas un péché en soi, cela dépend du message qu’elle véhicule. Quand il est question de crucifier des laïcards, que l’album s’appelle Jihad, et que le symbole du sabre y figure en bonne place… l’indulgence est accordée. Il existe d’ailleurs une vidéo[1] où Médine échange avec Moncef Zenati sur ce sujet.

Dans sa défense, le rappeur dit volontiers que le jihad est avant tout un combat contre soi-même.

C’est faux, car le hadith cité en appui de cette posture n’a aucune portée. Pour comprendre cette manipulation, il faut connaître la notion de classement des hadiths. Les hadiths, qui rapportent une parole orale ou une action du Prophète, constituent avec le Coran le socle théologique et législatif de l’islam.Ils sont classés en trois grandes catégories. C’est un peu comme avec les cartes Pokemon, en fonction de la puissance, le match est plié ou non. Il y a le hadith sahih, « authentique », qui sert de joker et tranche une discussion. Il y a les hadiths intermédiaires, qui sont recevables en tant qu’éléments de preuve, et puis il y a les hadiths apocryphes, que l’on peut citer comme élément de culture générale, mais qui ne peuvent en aucun cas servir d’assise idéologique ou juridique. Or le hadith qui parle du « grand jihad »comme étant le jihad contre l’ego est un hadith apocryphe !Et cela, le public sur lequel Médine exerce son influence le sait. Tous les imams le savent. Cette histoire de combat contre soi-même qui serait le vrai jihad est une vaste fumisterie. Quand on parle du jihad dans le Coran, on parle bien du jihad armé.

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Que penser de l’utilisation, comme signature, accompagné ou non du slogan « le plus grand combat est contre soi-même » ?

Que c’est un symbole de paix, non ? Ce choix parle de lui-même. Le sabre est l’un des symboles de l’islam. Là encore, le message subliminal est parfaitement décrypté par ceux qui baignent dans le même substrat culturel mais pour le coup, n’importe qui peut le comprendre. Le sabre n’est pas le symbole du combat intérieur mais bien celui de la conquête par les armes. Quand les islamistes utilisent le sabre, les Occidentaux pensent certes que c’est un symbole un peu virulent, mais sans plus. En revanche tous les musulmans savent que l’islam ne s’est répandu que par la force de l’épée et la terreur que confère le risque d’être passé par le fil de l’épée. La mise en avant du sabre est une profession de foi agressive que Médine tente de faire passer pour une purification de l’ego. C’est une excellente illustration du double langage des islamistes. Tout lecteur de L’Odyssée se rappelle qu’Ulysse sort de la grotte du cyclope Polyphème en s’accrochant sous un mouton pour déjouer la surveillance du monstre. Si, face à une interdiction, je dis« nous allons faire les moutons », ceux qui ne connaissent pas Homère penseront que je vais respecter l’interdit. Les autres comprendront qu’il s’agit de donner le change.

Quand on connaît cette culture du double langage, peut-on croire Médine quand il dit que « ResKHANpée » était un jeu de mots maladroit ?

Bien sûr que non. De même quand il prétend qu’il ne connaissait pas la signification de la quenelle ! Se moquer des rescapés était une des bases de l’humour antisémite de Dieudonné dans son sketch sur les petits-enfants de déportés. Le public de Médine connaît très bien la référence. Derrière ces « blagues », il y a l’accusation larvée de « faire un billet » avec la Shoah[2]. Ce tweet est une quenelle masquée. Il n’en est pas resté là d’ailleurs. Dans un tweet en réponse à Rachel Khan, il lui demande si les verrines étaient bonnes chez Marine Le Pen. C’est un moyen de faire allusion aux « petits fours » sans se faire attraper. Et là aussi son public le comprend. Médine a prouvé qu’on pouvait faire un jeu de mots antisémite sans être ostracisé. Autrement dit, avec l’aide des Verts, et grâce à quelques circonvolutions, il a redonné droit de cité à l’antisémitisme. Son « Durafour crématoire[3] » en mode islamiste lui a même permis de se victimiser sur la scène que lui a offerte EELV.

Médine provoque, puis s’excuse, puis recommence. C’est aussi une stratégie ?

Oui, une stratégie de déstabilisation. Les Frères musulmans sont profondément machiavéliques et il ne faut pas les sous-estimer. Aussi étonnant que cela puisse paraître,ils connaissent la théorie de Michel Foucault selon laquelle si les éléments de tension sociale sont en équilibre précaire, une petite série d’attentats peut faire basculer la société dans la révolution prolétarienne. Ils ont juste remplacé révolution prolétarienne par jihad. Ils créent un islam identitaire, de revendication et de provocation, dont l’objectif est d’excéder les sociétés européennes et d’exacerber les tensions communautaires, afin de les faire basculer dans la guerre civile. Les islamistes ne sont jamais aussi forts que dans les zones grises où les Étatset leurs institutions se sont effondrés. Toute la rhétorique politique des Frères musulmans en Europe s’appuie d’ailleurs sur la dénonciation de la corruption des élites et la perte d’identité de la communauté, pour instrumentaliser de jeunes crétins comme Médine, qui ne savent pas quel projet ils servent, mais qui sont efficaces pour créer des tensions, justifier les rancœurs et répandre le conflit.

Cette alliance entre islamistes et gauchistes peut surprendre, dès lors qu’elle a toujours mal fini pour la gauche, comme en Iran ?

C’est un jeu de dupes. Ils ont des objectifs communs, notamment la déstabilisation du système. La gauche s’associe aux islamistes, car elle est aussi très condescendante envers eux. Elle imagine qu’ils vont créer les conditions de la révolution et faire le sale boulot à sa place. Côté islamiste, pas de naïveté : ils profitent de cette gauche qui leur fournit respectabilité et moyens d’action.

Alors Médine, islamiste ou pas ?

Médine contribue à installer le normatif islamique dans l’espace public. On doit trouver normal que les femmes soient voilées, que les « laïcards » se fassent insulter, que le blasphème envers l’islam devienne impensable et impossible, que toute critique de l’islam soit reconnue comme islamophobe. Les islamistes ont compris que rien n’est plus virulent ni extrémiste qu’un gamin qui épouse une idéologie. Utiliser la jeunesse est une bonne façon de terroriser une population. Pour cela, nul besoin de nombreux cadres bien formés, il suffit de proposer une identité à de jeunes paumés et de cultiver leur ressentiment. Le discours des islamistes en France à destination de la communauté musulmane est donc purement identitaire, il n’a rien de religieux. Médine est un islamiste qui s’ignore. Ceux qui le manipulent savent ce qu’ils font. Quant à lui, il ne sait même pas que la victoire de l’islam identitaire qu’il sert annoncerait la fin de sa carrière de musicien.


[1] « La musique & l’islam : déconstruisons les préjugés #1 », youtube.com.

[2] L’expression, courante dans les quartiers, signifie « utiliser la Shoah pour en tirer avantages et immunité médiatique ».

[3] Jeu de mot qui avait valu à Jean-Marie Le Pen en 1988 d’être condamné par l’ensemble de la classe politique.

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