Gouvernement suisse. Karin Keller-Sutter élue* au Conseil Fédéral!

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens
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*Nous sommes tous très occupés, moi le premier. Aussi ai-je décidé de ne pas attendre l'élection de Mme Karin Keller-Sutter au Conseil Fédéral pour en rendre compte. Quelle idée idiote que de travailler dans l'urgence du moment! Écrivons donc dès à présent le genre de dépêche que nous sortirons nos vaillants journalistes le matin de l'élection de la prochaine Conseillère fédérale.


Karin Keller-Sutter élue au Conseil Fédéral!

Quelle surprise! Certes, la Saint-galloise était donnée favorite, mais personne ne s'attendait à un tel plébiscite de l'Assemblée Fédérale dès le premier tour. La stratégie du PLR avait pourtant levé le doute auprès des observateurs les plus fins de la vie politique à Berne. À l'issue d'un complexe processus de sélection interne, le parti était parvenu à présenter un "ticket" obéissant à toutes les contraintes - de langues, de genre, de probité, de Canton d'origine et d'expérience politique - qu'il s'était lui-même imposé, avec en sus une exigence marquée sur la ligne idéologique du parti. Les votes passés de chacun des candidats dans leurs postes politiques respectifs furent ainsi passés au crible. "Maintenant je les connais tous mieux que ma poche!" ironisait mardi un Conseiller national PLR romand...

Pourtant, se prenant eux-mêmes au jeu, les challengers de Mme Keller-Sutter ne déméritèrent pas. Au contraire, leur trajectoire est finalement cellle d'une montée en puissance. De parfaits inconnus (de ce côté de la Sarine en tout cas) en octobre jusqu'au jour du vote en décembre, leur parcours étonna par quelques coups d'éclats visiblement destinés à marquer les esprits en vue de futures élections. Les mauvaises langues diront qu'ils n'avaient rien à perdre ; mais certains groupes politiques, l'UDC n'étant pas le moindre, firent tout de même planer le doute lors de la traditionnelle séance des auditions. Se pourrait-il que la favorite trébuche sur la dernière marche, comme en 2010 face à Johann Schneider-Ammann, celui qu'elle remplace aujourd'hui?

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Karin Keller Sutter dans les couloirs du Palais Fédéral, peu de temps avant son élection

Mais non, il n'y a pas de malédiction sur la Saint-Galloise, et malgré les commentaires parfois cryptiques sur sa candidature (relire l'interview de Pascal Couchepin dans notre édition d'hier) les nuages qui planaient sur son élection se sont désormais dissipés de la plus magistrale manière.

Alors que la matinée électorale se poursuit, une seule question brûle toutes les lèvres: combien de femmes se retrouveront finalement au Conseil Fédéral?


L'exercice est amusant, mais ce qu'il sous-entend l'est un peu moins. Car si je suis persuadé que Mme Keller-Sutter sera élue au Conseil Fédéral, c'est parce qu'elle fait déjà partie du gouvernement.

Je ne parle évidemment pas du Conseil Fédéral, mais de ce gouvernement-là:

Davantage que le Conseil fédéral, un groupe de six conseillers aux Etats, issus du PS, du PDC et du PLR, donne le ton dans les dossiers les plus importants de la politique suisse, affirme la NZZ am Sonntag.

Leur dernier coup? L'accord sur la réforme de la fiscalité des entreprises, qui combine un projet fiscal à une stabilisation de l'AVS.

La NZZ am Sonntag raconte comment ce petit groupe de politiciens a réussi à convaincre tous les membres de la commission de l'économie du Conseil des États d'allier la réforme fiscale à l'AVS, deux dossiers qui ont récemment échoué devant le peuple.

Selon le journal zurichois, ce "gouvernement de l'ombre", qui s'est formé ces dernières années, comprend le président du parti socialiste Christian Levrat (PS/FR), le syndicaliste Paul Rechsteiner (PS/SG), la présidente du Conseil des Etats Karin Keller-Sutter (PLR/SG), Ruedi Noser (PLR/ZH) ainsi que les PDC Konrad Graber (PDC/LU) et Pirmin Bischof (PDC/SO).

Ce "gouvernement de l'ombre" est un groupe de coordination politique constitué sans, et contre, l'UDC. Au nom des services rendus, il paraissait évident que Mme Keller-Sutter, brillante politicienne et à la posture anti-UDC sans faille, trouve enfin le chemin du Conseil Fédéral. Il lui suffit simplement d'activer ses réseaux, les mêmes qui permettent sans coup férir d'orienter la politique de Berne dans la bonne direction et de trahir le peuple, comme dans la mise en place de l'initiative contre l'immigration de masse ou en ficelant des "paquets" pour remettre sur le métier des réformes que le peuple a refusé en votations.

Et tout de suite c'est beaucoup moins drôle.

Dans cette caste, le mépris de la démocratie est à la hauteur du mépris des élections en général: il faudrait être fou pour laisser une place au hasard. Rendons grâce aux politiciens et aux journalistes qui ont œuvré jusqu'au bout à entretenir l'illusion de l'incertitude. Mais, soit dit entre nous, j'ai mieux à faire qu'à me laisser leurrer par un suspense cousu de fil blanc.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 2 octobre 2018

4 commentaires

  1. Posté par Electeur qui ne rêve pas debout le

    A quand un article de votre cru, sur le but poursuivi par ceux qui nourrissent et entretiennent à tout crin le cliché “UDC = extrême droite voire nazisme”, qui est: aboutir au nivèlement pro-UE de notre système démocratique semi-direct, par l’annihilation de son seul contre-pouvoir, le droit d’initiatives populaires?

  2. Posté par Lucie le

    Tiens tiens, y aura-t-il au moins un UDC pour le Peuple ? Remarquez, L’UDC sert à pas grand chose au Conseil Fédéral…

  3. Posté par leone le

    Coluche: Si voter changeait quelque chose il y a longtemps que ce serait interdit…

  4. Posté par Diablotin le

    Excellent!!! Nous pourrions aussi appeler ce gouvernement de l’ombre celui des trois coins ou du hibou… 😉 Il faut vraiment que les électeurs se réveillent!!!

Et vous, qu'en pensez vous ?

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