Michel Garroté -- Depuis une cinquantaine d'années, le monde occidental veut qu'il n'y ait plus de guerre ; ou alors, des guerres qui ne causent pas de victimes civiles, chose impossible à réaliser, même pour le meilleur des soldats. Candide, naïf, un peu idiot aussi, l'homme occidental ne veut pas de "dommages collatéraux". Peu m'importe de savoir pourquoi il en est ainsi. Je sais que des universitaires "savants" ont évoqué plein d'hypothèses pour expliquer ce pacifisme occidental à la con.
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Ce qui m'importe, en revanche, c'est de comprendre le syndrome de l'indignation à géométrie variable. A ce propos justement, Caroline Galacteros, géopoliticienne et colonel, dans son analyse ci-dessous, commente, sur son blog, les indignations à géométrie variable des médias et des experts, quand il s'agit de rendre compte - sur la Syrie par exemple - d'une part, des opérations de la coalition occidentale ; et d'autre part, des opérations russes qui appuient l'armée syrienne gouvernementale (voir le profil détaillé de Caroline Galacteros en bas de page).
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Caroline Galacteros écrit notamment (extraits remaniés et adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Telle est la réalité que l’on n’a pas voulu voir et que l’on continue à taire : Il n’y a pas que les Soukhoï, les Migoyan-Gourevitch ou les lance-roquettes multiples Grad fabriqués en Russie qui tuent des innocents. Nos chasseurs-bombardiers Rafale ou nos pièces d’artillerie Caesar de 155 mm qui viennent en soutien de l’infanterie irakienne peuvent aussi faire des morts. La question n’est pas vainement polémique mais fondamentalement politique. Nous devons prendre conscience que la guerre ne peut être une virtualité mise à distance par la technologie. Elle ne peut se faire sur un champ de bataille stérilisé comme la table d’opération d’un chirurgien.
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La guerre n’est pas qu’un phénomène militaire. Elle s’inscrit dans un contexte politique, économique, social et culturel et en vérité éminemment humain, que l’on ne peut balayer d’un revers de la main, et finalement, nous entretenons avec la guerre une proximité bien plus grande que nous ne voulons le reconnaître. Le monde du 21ème siècle n’est pas celui de la fin de la guerre, pas plus que celui d’une "fin de l’Histoire" d’ailleurs. La guerre n’est pas un résidu, une survivance que l’on aurait réussi à endiguer aux confins du monde néolibéral dans des enclaves d’arriération politique qu’il serait possible d’épurer de leurs scories rétrogrades - en l’espèce islamistes - en séparant cette ivraie d’un bon grain civil épargné par nos armements d’une précision chirurgicale.
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Il nous faut enfin prendre conscience que les décisions de politique étrangère, mais souvent aussi de politique intérieure -- pensons en France au cocktail explosif de l’intégration bloquée, de l’immigration continue et de la paupérisation des classes populaires et moyennes -- peuvent avoir des conséquences guerrières, donc meurtrières. Les chefs d’Etat et de gouvernement "fabriquent" cette matière que l’on nomme l’Histoire et ne sont pas de simples comptables pour lesquels la complexité historique se réduirait à un équilibre des comptes publics. En l’occurrence, Alep n’a pas plus été une "sale guerre" que Mossoul n’a de chances d'être une "guerre propre".
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On peut critiquer la brutalité de la tactique russe, celle d’une Armée syrienne historiquement formée et encadrée par les cadres de l’Armée rouge, mais on ne peut crier au génocide en faisant mine de croire que la Coalition occidentale allait, quant à elle, pouvoir miraculeusement épargner les populations civiles à Mossoul. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’accabler les Américains. Il fallait bien que les Etats-Unis soutiennent le gouvernement de Bagdad et les autorités d’Erbil pour reprendre Mossoul, la grande ville sunnite de l’Irak, détruire l’Etat islamique avant de trouver -- on en est encore très loin -- un compromis politique viable offrant aux sunnites des garanties et des contreparties vis-à-vis de la domination politique chiite, ajoute Caroline Galacteros (fin des extraits remaniés et adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Introduction & Adaptation de Michel Garroté pour https://lesobservateurs.ch/
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http://galacteros.over-blog.com/2017/02/quand-les-etats-unis-ou-la-russie-tuent-des-civils-l-indignation-est-a-geometrie-variable.html
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Caroline Galacteros est Docteur en Science politique, ancien auditeur de l'IHEDN, elle a enseigné la stratégie et l'éthique à l'Ecole de Guerre et à HEC. Colonel de réserve, elle dirige aujourd'hui la société de conseil PLANETING et tient la chronique "Etat d'esprit, esprit d'Etat" au Point.fr. Elle a publié "Manières du monde. Manières de guerre" (éd. Nuvis, 2013) et "Guerre, Technologie et société" (avec R. Debray et V. Desportes, éd. Nuvis, 2014). Polémologue, spécialiste de géopolitique et d'intelligence stratégique, elle décrit sans détours mais avec précision les nouvelles lignes de faille qui dessinent le monde d'aujourd'hui.
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Vous connaissez? : La guerre ce sont des gens qui ne se connaissent pas et s’entre-tuent pour des gens qui se connaissent mais ne s’entre-tuent pas.
Et l’EI, Al Qaida, les talibans, ne tuent pas de civils ???!!! L’escroquerie de la guerre propre, aucune guerre n’est propre, tout cela vient de l’hypocrisie américaine qui a voulu faire croire à l’opinion publique que grâce aux satellites et aux bombes à guidage laser il n’y aurait plus de victimes collatérales (comme ils disent), eh bien non, la guerre reste la guerre, et il y aura toujours des civils qui en subiront les conséquences. La guerre est propre quand ont est dans son fauteuil à des milliers de kilomètres des zones de combats à tirer sur tout ce qui bouge aux commandes de son drone, pour ces militaires la, oui la guerre est propre ! Par contre pour ceux qui sont au sol, c’est une autre histoire…