La crise: des dangers de l’incertitude généralisée

Bruno Bertez
Bruno Bertez
Analyste financier anc. propriétaire Agefi France
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La résultante de tout cela étant que les marchés sont volatils, hyper-dangereux, nous sommes, d’après des gens qui ont fait leur preuve, dans les eaux les plus dangereuses que l’on ait connues depuis 2008.

La situation bancaire et monétaire est terrible aux Etats-Unis avec une prise de conscience qui se généralise et un consensus sur la politique de la Fed qui va s’effritant. La  campagne électorale de Ron Paul fait beaucoup de dégâts dans le consensus dominant malgré le boycott des médias Main Street.

Les spécialistes de la politique monétaire ont de plus en plus conscience du fait que la Fed est dans un cul de sac. Le marché des repos aux US est une catastrophe en attente d’arriver. Le système bancaire et quasi bancaire est un château de cartes, tout est en mismatch. On fait du court avec du très court, du très long avec du court, du risk avec du non-risk. Tout ne tient que parce qu’il y a encore le mythe que la Fed peut faire face.

Les grands des hedge funds que nous avons rencontrés récemment ne savent absolument plus quoi faire, rien ne marche.

L'inquiétude se généralise sur la situation réelle de la Chine,  sur sa capacité à changer son modèle de  croissance sans avoir une chute trop forte de son taux de croissance et, surtout, sans provoquer un choc négatif sur les commodities

Situation dangereuse de l’Europe car il devient clair que les solutions de fin 2011 ont échoué, que sur les pseudo-solutions nouvelles, il n’y a pas de consensus possible. Et surtout parce que les soi-disant solutions nouvelles n’en sont pas.  En Europe, c’est l’inconnu et l’aventure, tout devient possible.

La résultante de tout cela étant que les marchés sont volatils, hyper-dangereux, nous sommes,  d’après des gens que nous aimons  bien et qui ont fait leur preuve, dans les eaux les plus dangereuses que l’on ait connues depuis 2008. Ils pensent que la situation présente confère une forte probabilité de chute, voire de trou sur les marchés.

Le risk-on est très dangereux et très surévalué, ce qui est évident, nous y reviendrons ces prochaines semaines.

Le risk-off commence à être considéré comme… très risqué et vulnérable en raison de la possibilité de perte de confiance dans les bilans, les actions et les marges de manœuvres des banques centrales. On trouve même des gens qui craignent un choc sur les Bunds allemands...

Et, il faut ajouter la perspective évidente d’un renforcement de la répression financière un peu partout, no place to hide!

Sous titre:   Le canari britannique, un signe avant coureur

La Bank of England vient de voter contre un nouveau round de création de liquidités et de Quantitative Easing. Elle souligne qu’elle a pris cette décision en raison de la persistance d’une inflation trop élevée. L’inflation britannique est, en effet, forte avec un rythme de 3,5% pour les six derniers mois.

Nous sous-titrons «un signe avant coureur» car la BoE est souvent précurseur pour les pays anglo-saxons, à  la fois par ses principes de gestion, et aussi, parce que la situation britannique est un modèle de situation de deficit spending.

Le plus remarquable est que cette décision intervient alors que le pays est à nouveau en récession avec un premier trimestre à -0,2%.

Les conservateurs ont été battus aux dernières élections locales et leur situation ne va pas s’améliorer si la BoE cesse de tempérer la rigueur budgétaire par des largesses monétaires.

On retrouve partout le même problème, ce qui indique que nous abordons une nouvelle phase de ce que l’on appelle la crise. La débauche de déficits et de dettes est de plus en plus difficile à traiter, l’austérité se révèle insuffisante alors que les adoucisseurs monétaires sont de plus en plus problématiques.

Aux Etats-Unis, on sera confronté au même problème après l’élection. Les rabais fiscaux et sociaux sont prévus pour expirer, les aggravations de taxes arrivent, ce qui va constituer un véritable mur, une falaise fiscale, et l’on se demande si la Fed a les moyens et la crédibilité pour compenser.

En Europe, le phénomène est le même, mais obscurci par la transformation en affrontement politique de ce qui est un constat d’impossibilité économique. Le Front des pestiférés voudrait augmenter encore les dettes, les monétiser par la BCE, alors que l’inflation allemande est déjà au-dessus du tolérable, dans une optique germanique.

W. Schaeuble, ministre allemand des finances,  vient de faire savoir qu’il tolérait une petite dérive de l’inflation jusqu'à la zone des 2/3% et avalisait, du bout des lèvres, des hausses de salaires de 5 à 6%, mais cela n’est pas très bien accueilli. Ce jeu est dangereux car, comme le dit mezzo voce un ancien économiste auprès de la BCE, l’inflation, c’est comme le pucelage, on n’est pas pucelle à moitié. Nous lui laissons la responsabilité de sa comparaison que d’aucuns ne trouveront pas politiquement correcte.

Nous vous avons dit, au lendemain de l’élection du Français Hollande, que c’était l’Allemagne qu’il fallait suivre de près. Schaeuble s’est montré plus conciliant et diplomate ces derniers jours,  suggérant que l’Allemagne pourrait se départir marginalement de sa rigueur de gestion et tolérer un peu d’inflation.

La réaction ne s’est pas fait attendre.

Weidmann, Président de la Bundesbank, a donné une interview au Suddeutschezeitung pour dire que « Ces discussions sont absurdes ». Il a démenti que la Buba soit disposée à tolérer un taux d’inflation plus élevé en Allemagne pour réduire la pression sur les pays en difficulté. Il a ajouté: les citoyens peuvent compter sur la vigilance de la Bundesbank. Cela nous a choqué, pourquoi pas sur celle de la BCE?

Par ailleurs, le Bild, plus gros tirage de la presse allemande, fait sa «Une» sur «Alerte à l’inflation». En première page, il affirme que l’Allemagne deviendrait plus soft sur l’euro.
Article alarmiste et de mobilisation accompagné de la reproduction d’un billet de un milliard de Deutsche Marks, histoire de rafraichir la mémoire collective.

Bild , dans l’éditorial de son rédacteur en chef, affirme que l’inflation toucherait par dessus tout les travailleurs, les employés et les retraités.

On voit bien que les Allemands s’essaient à la diplomatie, ce qui n’a jamais été leur fort, au contraire, c’est leur point faible, ils font semblant de faire quelques pas vers les demandes du Front des pestiférés, mais, dans le contenu, on voit à ce stade que les concessions sont modestes. Ils concèdent, par exemple, un réaménagement des dépenses, leur réorientation.

Le vrai problème que les pestiférés ne veulent pas voir car ils sont dirigés par des politiciens, conseillés par des macro économistes qui ne connaissent rien à la réalité d‘un système productif, c’est que toutes ces mesures sont autant de coups d’épée dans l’eau.

La position allemande au fil des mois devient de plus en plus claire. Ils acceptent d’avaler des couleuvres à court terme, aussi bien sur le plan économique que sur le plan monétaire, mais, en contrepartie, ils veulent être sûrs que ce n’est pas le tonneau des Danaïdes et que les mesures de long terme sont prises avec:

1- le pacte fiscal

2- la priorité a l’investissement productif.

La position allemande, c’est apprendre à pêcher, mais ne pas donner de poisson.

Le problème de l’absence de compétitivité des périphériques, quoique n’en répète Martin Wolf, ne peut être résolu par un réglage économique conjoncturel différent de l’Allemagne. C’est la spécialisation économique des périphériques, ou plutôt l’absence de spécialisation économique des périphériques, qui fait problème, ils n’ont pas les outils pour produire ce qui peut être demandé internationalement. Nous citons ci dessous l’article de propagande de Martin Wolf.

Pourquoi la Bundesbank se trompe, par Martin Wolf, éditorialiste économique Financial Times:

« Où en est la zone euro dans la résolution de sa crise? En restant optimiste, on pourrait dire qu’elle a survécu à une crise cardiaque, mais qu’elle doit entamer une convalescence difficile, avec une bonne chance de rechute. Elle doit aussi adopter un régime la protégeant de futures crises. Cette tâche-là n’est pas achevée. Mais la zone euro a gagné du temps. La question est de savoir si elle l’utilise à bon escient.

Le point essentiel est d’être d’accord sur la nature du mal. Il est généralement admis aujourd’hui, parmi les économistes, que le déséquilibre des balances des paiements est un élément fondamental pour comprendre la crise actuelle ».

Martin Wolf est comme toute la finance, il marche sur la tête, il triture des chiffres de compétitivité et de productivité et il finit par croire que c’est la réalité. Il oublie au passage que, pour produire des richesses, il faut des entreprises, il faut investir, il faut un tissu économique productif. Il est vrai qu’il vit dans un pays où la richesse tombe du ciel de la finance.

La solution, ce n’est pas un suicide allemand, une perte de compétitivité du système allemand; la solution, c’est un gigantesque plan d’équipement, d’investissement, de formation chez les périphériques, chez les Français en particulier. C'est la baisse des frais généraux des nations pestiférées, c’est le retour du goût et de la récompense de l’effort.

La solution, aussi bien aux déficits qu’à l’excès de dettes et qu’au chômage, c’est la remise en ordre de marche des appareils productifs par l’investissement, l’innovation, l’adaptation, etc.

Or, il se trouve que, quand vous créez dans les pays en crise un climat d’incertitude fiscale, morale, règlementaire et sociale, quand vous ajoutez une forte dose d’instabilité politique et que vous couvrez le tout par une politique de mensonge et de non transparence  et que  vous détruisez volontairement le fonds d’épargne, il y a peu de chance que l’investissement reparte, sauf comme d’habitude, par l’accroissement habituel des dépenses publiques, des gaspillages et autres investissements de type soviétique.

Même Keynes l’avait compris, lui qui insistait sur le rôle central de la confiance.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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