Au vu des discussions en cours, le risque de confusion reste très élevé.
Selon plusieurs sources, Mme la Conseillère fédérale Evelyne Widmer-Schlumpf prépare un projet de fiscalité écologique dont les bienfaits annoncés seraient à la fois 1) de renforcer les moyens financiers de l'Etat et 2) de promouvoir l'écologie, en particulier la sortie du nucléaire.
Un débat sur RTS 1 lacunaire
Le débat du matin de l'émission En Ligne Directe du 23-04-2012 sur RTS1 y était consacré. Un élément important est bien ressorti du débat: la fiscalité écologique frappe la consommation et pas le revenu: elle présente donc le risque d'être antisociale. On a bien sûr aussi entendu le raz le bol de beaucoup d'auditeurs à l'égard de ceux qui veulent tout résoudre par des taxes.
Mais il a manqué trois informations essentielles à ce débat:
- une fiscalité écologique doit taxer les nuisances et pas l'énergie. Il ne faut pas se tromper de cible et taxer toutes les énergies à l'aveugle. Ce qu'il faut taxer ce sont les nuisances de l'énergie, par ex. le CO2, ou les pollutions.
- la fiscalité écologique ne peut et ne doit pas servir à faire fonctionner l'Etat. En effet sa vocation est incitative: la taxe doit porter sur un dépassement de la limite écologique définie pour chaque nuisance potentielle. Si l'objectif écologique est atteint, la nuisance disparaît et le produit de la taxe avec. Donc elle ne peut pas assurer le financement de l'Etat. Le fameux "double dividende" de la fiscalité écologique, à savoir de financer l'Etat et de résoudre les questions environnementales, est un leurre.
- pour taxer les nuisances de l'énergie, il faut les évaluer. Les bilans écologiques sont l'instrument scientifique adéquat. Mais, surprise probablement pour beaucoup, la comparaison des bilans écologiques des différentes énergies montre que le meilleur score est atteint par l'hydraulique, suivi de très près par le nucléaire. Une taxe écologique basée sur les nuisances favorisera le nucléaire au lieu de le pousser vers la sortie.
Ces informations essentielles sont de nature à changer considérablement le débat et l'émergence démocratique de solutions acceptables à la question posée. On peut s'étonner qu'aucune de ces trois informations ne soit sortie lors de l'émission.
Pourquoi cette absence d'informations essentielles?
Concernant les deux premières informations, qui ne sont pas liées au nucléaire, mais aux bases même des mécanismes à distinguer de fiscalité et d'incitation écologique, on peut se référer à une étude bien documentée et argumentée publiée déjà en 1993 par la SDES (Société pour le développement de l'économie suisse, aujourd'hui fusionnée avec Economiesuisse) intitulée "Réforme écologique du système fiscal suisse ".
Concernant la 3e information, son absence s'explique par l'extrême confusion du débat nucléaire, une politisation excessive ainsi qu'un mélange destructeur de sous-information et de désinformation. Les avantages écologiques du nucléaire peuvent paraître surprenants: ils s'expliquent sur le fond par le fait que le nucléaire fait beaucoup d'énergie avec très peu de matière par un processus, la fission, qui se déroule, dans des enceintes étanches sans interaction avec la biosphère. On pourrait taxer la radioactivité qui s'échappe, mais elle l'est en quantité bien inférieure aux normes et à la radioactivité naturelle. (voir sur ce point les analyses de l'Institut Paul Scherrer des EPF, p. ex. la fig.4 sur http://gabe.web.psi.ch/research/lca/lca_res.html#lcia). Sauf accident bien sûr. Mais la solution pour les prévenir ce sont des normes de sécurité rigoureusement appliquées. Fukushima a montré à cet égard des défaillances inacceptables des exploitants et des autorités de sécurité, mais pas une faiblesse écologique ou une impossibilité a priori de maîtriser la sécurité si les dispositions nécessaires sont prises.
Les médias peuvent mieux préparer les débats
Il faut se poser la question du pourquoi d'une défaillance qui apparaît quand même grave au vu des enjeux. Je pense qu'il faut y voir les limites des possibilités d'une émission de radio telle que En Ligne Direct pour aborder un tel sujet. Les responsables de l'émission diront certainement pour se couvrir que tous les spécialistes compétents sont libres de se manifester, et il semblait qu'on a entendu quelques titres professionnels rassurant en principe. Je pense quand même qu'une meilleure préparation, avec des experts, permettrait 1) d'identifier les éléments d'information incontournables et 2) de s'assurer la participation d'experts qui les présenteront.
Le débat ne fait que commencer
L'étude de la SDES constituait une évolution importante des milieux économiques. Jusque-là il y avait un blocage absolu entre eux et la gauche: l'économie disait non à toute taxe au nom de la santé des entreprises, et des salariés. La gauche qui était convaincue que des taxes modernes pourraient résoudre tous les problèmes, en particulier ceux liés à la santé de l'Etat et de l'environnement. Avec cette étude, la SDES admettait qu'une fiscalité incitative pourrait faire jouer positivement des mécanismes économiques et remplacer le bâton du gendarme, donc pouvait aller dans le sens de ceux qui défendent précisément l'économie.
Encore faut-il ne pas confondre les objectifs et faire des diagnostics corrects sur les mérites écologiques des énergies à taxer.
Le projet de Mme Widmer-Schlumpf est annoncé depuis plusieurs mois: le rapport n'est pas encore déposé, il pourrait l'être à l'été. Que ce projet fasse l'objet d'analyses sérieuses, qui permettent d'y voir plus clair et de prendre de meilleures décisions. Au vu des discussions en cours, le risque de confusion reste très élevé.
Il faudrait introduire des taxes écolos envers les mega conférences comme celle à venir à Rio….5o.ooo délégués…1oo chefs d’ états, des centaines d’avions pour discuter du “développement durable” et autres balivernes à la mode.