Par Anne Lauwaert
“Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement” . Le 6 décembre, on célèbre la fête de Saint Nicolas, le patron des écoliers et le 25 décembre, à Noël, au solstice d’hiver, on commémore la naissance de Jésus, la lumière du monde. Le Père Noël apporte des cadeaux mais cela n’est pas les étrennes du Nouvel-An que l’on fête à la Saint Sylvestre.
Louis Réau, dans son “Iconographie de l’art chrétien” tome III ** , cite Nicolas le pèlerin de Trani, Nicolas de Tolentino, le suisse Nicolas de la Flüe et consacre 13 pages à celui qui nous intéresse: Nicolas de Myre et de Bari qui, dès sa naissance, à été remarquable! A peine né il se tient debout lors de son premier bain et refuse de téter le vendredi (qui jusqu’à récemment était jour de jeûne). Il est né vers 270 à Patras en Lycie (Turquie), il a été évêque de Myre et est vénéré par les chrétiens tant orthodoxes que romains. Ses reliques ont été transférées a Bari (Italie) en 1087.
Parmi les nombreuses histoires de sa légende, deux sont particulièrement connues.
Un homme ruiné commence à “rêver du parti qu’il pourrait tirer de ses trois filles qu’il ne parvient pas à marier”. Alors Saint Nicolas, trois soirs d’affilée, passe devant la maison et y lance une bourse de pièces d’or pour que les jeunes filles puissent, grâce à cette dot, se marier au lieu de finir dans la débauche… Mais l’épisode qui nous intéresse le plus est celui des trois enfants qui ont été kidnappés par un méchant boucher qui les a tués, coupés en morceaux et mis au saloir… Saint Nicolas les ressuscite… et donc devient le patron des enfants.
Mais qui dit enfant, dit éducation avec de gentils enfants qui méritent d’être récompensés et de méchants enfants qui méritent d’être punis…
Voilà donc notre saint homme qui fait le tour des maisons avec son aide, le Père Fouettard, qui porte un sac dans lequel se trouvent des récompenses et un fouet pour corriger les chenapans. Bien que habillé en violet puisqu’il est évêque, (violet d’évêque : voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Violet_d'%C3%A9v%C3%AAque) étant donné que Nicolas est saint, il émane un rayonnement blanc car, indépendamment de la couleur du vêtement ou de la peau, la lumière, l’auréole ou l’aura qui se dégage des bonnes personnes est blanche. (par exemple Saint Maurice qui est égyptien et a la peau sombre rayonne de blanc puisqu'il est saint). La lumière blanche est d’ailleurs celle qui est complète car elle contient les lumières d’autres couleurs de l’arc en ciel.
Donc le saint blanc est positif car de lui émane la pureté, bonté, spiritualité. Son contraire c’est le noir en l’occurrence le Père Fouettard. L’homme blanc c’est le gentil et l’homme noir c’est le méchant. (attention les antiracistes, ça n’a rien à voir avec la couleur de la peau c’est une question éthérique : un mélanoderme gentil a une aura blanche et un leucoderme méchant a une aura noire… on ne saurait être trop circonspect...) Comme le jour est clair mais la nuit est noire, comme ce qui est triste et mauvais est noir: humour noir, âme noire, bête noire, la mort et le deuil… (cf. Dictionnaire des symboles Chevalier & Gheerbrant)
Donc voilà nos écoliers qui reçoivent des cadeaux du gentil Saint Nicolas ou sont fouettés avec un martinet par le Père Fouettard.
Plus tard, quand on a découvert des hommes qui avaient la peau noire on leur a confié le rôle de l’homme noir, d’autant plus qu’ils étaient rares ce qui ajoutait mystère et prestige au personnage.
Mais voilà que depuis mai 68 il est interdit d’interdire et il est interdit de parler de polissons puisque tous les enfants sont sages…
(Encore dimanche dernier, quand Saint Nicolas a débarqué à Anvers, il a proclamé du balcon de l'hôtel de ville "Il n'y a pas de méchants enfants...")
Donc le martinet doit disparaitre et le Père Fouettard sans fouet ne sert plus qu’à porter le sac de cadeaux. Le pas suivant est terrible: les Africains bantous ne peuvent plus être appelés des Nègres car on a voulu charger ce mot de négativité, mais doivent être des Noirs alors que ni leur couleur, ni leur aura n’est noire. Cela signifie en réalité qu’en raison de la bonne intention des antiracistes, le Nègre qui était une personne normale va devenir l’Homme Noir qui en réalité est négatif, méchant… (Curieusement déjà dans la Genèse, Noé a trois fils, deux blancs gentils et un noir méchant qui est maudit à être éternellement l’esclave des esclaves de ses frères blancs… Mais tout ça, c’est une autre histoire qui mérite d’autres analyses ! )
Plus tard il a fallu effacer la croix de la mitre d’évêque que le saint porte car elle offense les gens d’autres religions exactement comme le font les sapins et les crèches… Pour faire plaisir à d’autres, sur les marchés de Noël, on ne diffuse plus des chants de Noël mais des musiques allochtones complètement inadéquates.
C’est pas tout ! Dans les pays néerlandophones le Père Fouettard s’appelle Zwarte Piet. Zwart = noir, Piet = Pierre mais aussi « type » donc « le type noir », l’homme noir dont le rôle est joué depuis quelque temps par des personnes à peau noire. Nouveau scandale: l’acolyte de Saint Nicolas est noir, donc ce Noir est subordonné au Saint ce qui a un relent nauséabond d’esclavage et ça, ça va pas ! Puisque les hommes sont égaux le Zwarte Piet doit être l'égal du Saint Nicolas et cette couleur noire le stigmatisant… les antiracistes exigent le changement de couleur et veulent des Zwarte Piet qui ne soient plus noirs, mais multiculturels donc multicolores : jaunes, rouges et verts… l’homme noir bariolé… on n’est pas à un surréalisme près…
Mais si le Père Fouettard n’a plus de fouet, qu’il n’y a plus de méchants enfants à punir pour quelle raison le Zwarte Piet serait-il noir? Eh bien, maintenant on raconte aux enfants que Zwarte Piet est noir parce qu’il descend dans les maisons pour y déposer des cadeaux en passant par la cheminée alors que depuis le chauffage central il n’y a pratiquement plus aucune maison qui possède une cheminée.
Mais expliquer la symbolique aux enfants serait trop compliqué surtout si les adultes n’y comprennent plus rien… Or tout ça : le bien, le mal, le clair, l’obscur, les couleurs, les saints, les traditions, la liturgie, les formes des vêtements, le sapin, la crèche, tout ça c’est une question de symboles exactement comme nos histoires du Petit Chaperon Rouge ou du Joueur de Flute de Hameln.
Tout ça c’est primordial dans l’éducation des enfants ! L’éducation des enfants ? C’est quoi ça ?...
Par contre, celui qui passait par la cheminée c’est le ramoneur qui, lui, est une personne qui porte bonheur car il ramone les cheminées et nous préserve des feux de cheminée et des incendies et donc sur les gâteaux de Nouvel-An il y a un petit ramoneur qui porte bonheur. Bien que gentil, il est tout noir parce que couvert de suie…
Mais le Père Noël là-dedans ?
Pendant le Moyen-âge le clergé s’était mis à exagérer dans l’exploitation du peuple, entre autres, avec le commerce des indulgences (on pouvait racheter des années de purgatoire qui est l’endroit où les âmes doivent faire pénitence avant de pouvoir accéder au paradis ) et la vénération des reliques qui assuraient la richesse des abbayes et monastères grâce au flot de pèlerins.
(Par exemple la tête de Sainte Anne est conservée et vénérée dans 5 lieux de pèlerinages différents… alors que sainte Anne n’est même pas un personnage évangélique mais a, entre autres, été inventée par un roi de France qui voulait lancer une campagne d’alphabétisation des femmes, raison pour laquelle Sainte Anne est représentée en femme âgée qui enseigne à lire à une petite fille, Marie, la mère de Jésus.)
Donc des gens plus scrupuleux commencèrent à protester contre l’exploitation commerciale de la religion et finirent par la réformer et créer les protestants qui mirent un terme aux saints et à leur commerce. Hélas… plus de saints, plus non plus de Saint Nicolas… ce qui était fort triste pour les enfants et donc les protestants inventèrent un Saint Nicolas laïc … le Père Noël … qui apporte des cadeaux non pas le 6 mais le 25 décembre et n’est pas accompagné par un Père Fouettard mais par un âne qui transporte ces cadeaux dans ses paniers. Depuis que Coca Cola s’en est mêlé le Père Noël / Santa Claus, (dans les pays germanophones Saint Nicolas s’appelle Sinter Klaas ou Sint Niklaas – Sankt Niklaus ) arrive de Laponie sur un traineau trainé par des rennes… Evidemment chez nous il n’y avait pas de rennes mais des ânes.
Dans d’autres traditions, c’est l’Enfant Jésus, Gesù Bambino, qui apporte les cadeaux pendant la nuit de Noël.
Mais ceest pas tout car il y a encore les étrennes
« Le mot étrenne pourrait provenir du nom de la déesse romaine de la santé Strena, qui était célébrée le premier jour de janvier. Simple don de plantes porte-bonheur à l’origine, (trèfle à 4 feuilles) elles se sont rapidement développées : sous l’empire romain , elles étaient constituées de nourriture, puis de vêtements, argent, objets précieux, meubles… D’origine païenne, les étrennes ont été condamnées comme pratique diabolique par les Pères de l’Eglise, dont Saint Augustin. » Wiki.
Quand j’étais petite, à l’école nous écrivions une très belle lettre de nouvel-an que nous allions, le premier janvier, lire devant nos grands-parents et eux nous donnaient un sou comme étrenne.
Tout cela a quand même un côté positif car plus on prétend saper nos traditions, plus on y tient et même les athées se mettent à fêter Saint Nicolas, Noël, sa crèche et son sapin et… au lieu de bricoles électroniques, offrez un dictionnaire des symboles.
Pour terminer, une histoire vraie de chez nous en Brabant flamand :
Il y avait dans le village d’à côté une grosse ferme dont les quatre bâtiments étaient édifiés selon un plan carré fermé et entourée de nombreux hectares de champs, vergers, étangs et pâturages. Cette ferme appartenait à un riche fermier qui donnait du travail à pratiquement tous les hommes du village et de nombreuses femmes aidaient pour la grande lessive, le nettoyage de printemps ou les récoltes et les confitures. Ce riche fermier avait épousé une jeune fille beaucoup plus jeune que lui et qui était la plus belle du village. Ils étaient heureux et tout allait bien jusqu’au jour où le fermier reçut un coup de sabot dans le ventre parce qu'un taon avait piqué le cheval qui s’était effrayé et avait rué à l’improviste. En quelques jours le fermier mourut… Mais la jeune veuve qui était une femme à poigne continua a gérer la ferme, les hommes et les animaux. La fin de l’année fut bonne, les récoltes abondantes et le soir de la Saint Sylvestre, comme à leur habitude, tous les ouvriers déposèrent un de leurs sabots devant le feu ouvert en espérant y retrouver leurs étrennes le lendemain matin. Or il y avait parmi ces ouvriers un jeune homme qui venait d’un village lointain et qui était particulièrement travailleur, attentif et digne de confiance. Au matin du jour de l’an, quelle ne fut pas sa déception quand il vit que ses compagnons trouvaient des pièces d’or dans leur sabot alors que lui… son sabot n’y était pas, il avait disparu… On ne comprit que quand la patronne arriva en claudiquant parce que d’un côté elle était pied nu et de l’autre côté, comme étrenne, c’est son pied qu’elle avait déposé dans le sabot du jeune homme…
Anne Lauwaert
Post scriptum : une vieille page du journal De Standaard signale que Saint Nicolas avait été ému en passant devant un marché d'esclaves et y avait acheté Zwarte Piet. Il le libéra et par reconnaissance Zwarte Piet resta son fidèle compagnon...