RTS/Forum, 27.01.2021
Quelle doit être la réponse des gouvernements aux groupuscules extrêmes?
Interview d'Anaïs Voy-Gillis, experte de l'extrême droite et des mouvements nationalistes à l'Institut français de géopolitique de l'Université Paris 8.
RTS/Thibaut Schaller : Quelle doit être la réponse des gouvernements face aux partis, aux groupuscules extrêmes de gauche ou de droite ?
En France, Gérald Darmanin a été scandalisé par les actions du groupuscule d’extrême droite Génération identitaire, actif aux frontières alpines, et il envisage sa dissolution. Problématique identique en Allemagne avec l’AfD (sic !).
La dissolution est-elle une bonne stratégie ? Y a-t-il un motif juridique pour la dissolution de GI?
Anaïs Voy-Gillis : Les critères de la loi sont assez stricts, donc c’est difficile. Si la procédure n’aboutit pas parce qu’il n’y a pas les fondements légaux nécessaires, cela revient à crédibiliser le discours de victimisation de ces mouvements.
Par ailleurs, si on dissout une organisation, on ne dissout ni les idées, ni les hommes.
(ndlr: Au rythme auquel la guerre culturelle avance pour censurer, dissoudre des idées et conquérir l'espace poltio-médiatico-académique, les étapes suivantes commenceraient par dissoudre les organisations pour arriver finalement à dissoudre les malpensants.)
Pour rappel, GI est proche du Bloc identitaire, et le Bloc identitaire s’est créé sur une organisation dissoute en 2002 suite à une tentative d’assassinat sur Jacques Chirac.
RTS : Il y a pas mal d’écueils juridiques, politiques pour les dissoudre mais d’un autre côté, la tolérance face à ces discours est une forme de banalisation de leur discours, de leurs actions ?
(De quels discours s'agit-il? Quels sont leurs crime? Nommez-les svp!)
Anaïs Voy-Gillis : Ce sont des questions de liberté d’expression. Soit on arrive à prouver que les propos tenus (qui sont quand même, pour un certain nombre, condamnables) sont un appel à la haine et cela tombe sous l’égide de la loi et on condamne soit l’organisation soit les personnes, soit on n’arrive pas à la prouver et on se retrouve dans une impasse. On peut condamner, et il faut condamner fermement, tous les appels à la haine, tous les propos antirépublicains, qui remettent en cause la démocratie.
(C'est un comble qu'au nom de la Démocratie, cette gauche persécute et réduise au silence tous ceux qui ne pensent pas comme elle. Comme outils de formatage des esprits, elle contrôle, et dirige de fait, les médias, les réseaux sociaux, l'enseignement et l'instrumentalisation des lois contre "la haine". La haine que la bienpensance cherche sans pouvoir la trouver, à leurs grands regrets.)
Anaïs Voy-Gillis : Il ne faut pas oublier qu’il y a une propagation et une banalisation de ces discours. On le voit par des partis, qui aujourd’hui sont beaucoup plus institutionnalisés que GI, comme le Rassemblement national en France ou le FPÖ en Autriche.
Quand le FPÖ est arrivé au pouvoir dans le cadre d’une coalition ou quand le RN est arrivé au second tour des présidentielles en 2002, il y a eu des mouvements massifs des gens venus manifester contre eux dans les rues, en disant que c’est intolérable, que ces partis ne respectaient pas la démocratie, la République.
Mais en 2017, il n’y a eu que très peu de manifestations quand cela s’est reproduit dans les deux pays. Et on se rend compte que ces idées finissent par se banaliser, car il y a une lassitude des citoyens à l’encontre des partis traditionnels.
A force de crier au loup sans condamnation juridique, parce qu’il n’y avait pas de fondements, on en est venu à se dire que ces partis jouaient le jeu de la démocratie.
On a un peu créé le terreau dans lequel on se trouve aujourd’hui.
https://www.rts.ch/play/radio/forum/audio/quelle-doit-etre-la-reponse-des-gouvernements-aux-groupuscules-extremes-interview-danas-voy-gillis?id=11909820
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RTS/Forum, 27.01.2021
Réseaux sociaux: la censure ou la bavure?
"Débat" entre Antonio Casilli, professeur de sociologie à Télécom Paris et Anaïs Voy-Gillis.
RTS/Thibaut Schaller : On a parlé (ci-dessus) des groupuscules qui cherchent à déstabiliser les États.
Il y a aussi la stratégie des réseaux sociaux, on l’a vu avec Donald Trump, avec les comptes de QAnon, ce mouvement qui a participé à l’invasion du Capitole à Washington.
Est-ce que la stratégie de bannissement des réseaux sociaux est la bonne ? C’est un discours qu’on élimine ?
Anaïs Voy-Gillis : C’est impossible. Plus vous interdisez une organisation, plus vous la rendez invisible donc difficile à tracer. Même en fermant des comptes sur des réseaux sociaux, on ne peut pas complètement les contourner. Vous éteignez le feu d’un côté et vous le recréez de l’autre.
Il faut condamner les appels à la haine et il faut sensibiliser les gens sur ce qu’on peut dire et ce qu’on ne peut pas dire. [1]
Antonio Casilli : Actuellement, c’est la seule stratégie adoptée par les grandes plateformes sociales, comme Facebook, Twitter. Au lieu de bannissement, on utilise le terme de modération qui est plus rassurant. De leur point de vue, il s’agit de filtrer les contenus pour les adapter à leur propre vision de leur propre plateforme. Il y a des plateformes prévues pour recueillir les contenus pornographiques, d’autres plateformes spécialisées pour recueillir les messages de haine, comme on l’a vu aux États-Unis avec le réseau Parler, maintenant supprimé suite à l’intervention d’Amazon, Apple et Google.
RTS : N’y a-t-il pas un arbitraire, un effet de meute dans les dénonciations ?
Antonio Casilli : Oui, il y a plusieurs types d’arbitraire. La modération n’est pas un seul processus, il y a 3 phases :
1) Nos propres signaux que nous envoyons en bloquant des profils ou en mettant un pouce en bas. Le contenu devient alors problématique aux yeux des modérateurs et rentre dans le radar des plateformes.
2) Certaines plateformes (ndlr : en réalité toutes) font un filtrage automatique par mots-clefs, selon leurs propres règles, qui changent tout le temps.
3) Les travailleurs du clic, ubérisés, mal payés, mal encadrés, qui censurent les contenus problématiques.
Il y a un élément d’arbitraire à chacune de ces trois phases.
Anaïs Voy-Gillis : Il n’y a pas d’autre solution efficace contre les extrêmes que de sensibiliser les gens et de faire un travail d’éducation populaire, sur quels sont ces discours, quelle a été l’histoire, quels sont les risques de ces dérives, etc. Et aussi traiter le mal à la racine. Si des militants se tournent vers ces partis, si les gens se radicalisent dans ces partis, c’est aussi qu’il y a eu à un moment des facteurs en faveur de cela, et donc il y a des réponses politiques à apporter au-delà du fait de modérer des discours sur internet, parce qu’ils auront toujours un temps d’avance sur nous, sur la modération.
source: https://www.rts.ch/play/radio/forum/audio/reseaux-sociaux-la-censure-ou-la-bavure-interview-dantonio-casilli?id=11909821
[1] En Hongrie, Bayer Zsolt, le journaliste qui a fondé le parti FIDESZ avec Orban a reçu son dernier avertissement de Facebook, après avoir posté ceci:
Actuellement la bataille ne se joue plus entre les mondialistes et les souverainistes mais entre les gens sain d'esprit et les esprits malades.
(résumés commentaires: Cenator)
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Faut-il dissoudre Génération Identitaire ? L’avis de Gilles-William Goldnadel
RMC - 27 janv. 2021
Gilles-William Goldnadel : "Moi aussi, je vis très mal l'impuissance d'Etat à gérer le problème de l'immigration illégale: je n'ai pas pour autant l'impression d'être un sympathisant nazi"
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Faut-il dissoudre Génération identitaire ? L’avis d’Éric Zemmour
Face à l'info 27 Janvier 2021 (CNews) - Le blog d'Eric Zemmour
Zemmour remet l’église au milieu du village dans tout ce débat autour de Génération identitaire : il n’y a pas d’arguments pour dissoudre ce groupe.
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Génération identitaire n’a rien fait d’illégal, donc il serait totalement antidémocratique de le dissoudre. Le préfet de Haute-Garonne était d’accord avec l’opération coup-de-poing pour défendre la frontière, où il n’y avait ni gendarmes, ni policiers, ne serait-ce que symboliquement. C’est là que des migrants entrent à pied en France. Il n’y a pas eu de violences, contrairement à tout ce qui se passe avec l’extrême gauche. Il n’y avait aucun risque pour l’ordre public. Génération identitaire a fait un coup médiatique, mais ils ne se sont pas pris pour la police, ils n’ont arrêté personne, juste mis un banderole anti-immigration clandestine. C’est une « agit prop » médiatique, qui a bien marché, une action similaire aux manifs de l’extrême gauche, aux actions spectaculaires de Green Peace ou des Femen, sauf que ces derniers commettent vraiment des actions illégales.
Génération identitaire avait fait la même chose en 2018 dans les Alpes. Il y a eu un procès, mais ils ont été acquittés en appel, car ils ne font rien d’illégal, seulement de l’agitation médiatique.
Mais ici, comme toujours, il y a deux poids deux mesures. Les complices des passeurs sont sanctifiés au nom de la fraternité. C’est illégal mais ils sont ovationnés par les médias. Cédric Herrou a été condamné par la justice, mais béni par la bien-pensance.
Financer SOS Méditerranée, comme les maires de certaines villes ont annoncé vouloir le faire, c’est favoriser l’immigration illégale et là, on ne leur dit rien, on salue cela au nom du sauvetage de ceux qui risquent de se noyer. Mais ce sont des clandestins, et on les amène en Europe au lieu de les renvoyer, donc ce n’est pas une question de sauvetage, c’est bien favoriser l’immigration.
Génération identitaire veut défendre les frontières et montrer que nos frontières ne sont pas protégées par l’État contre l’immigration clandestine, contrairement aux grandes déclarations du gouvernement. C’est pour cela que Darmanin est en colère : les jeunes de Génération identitaire dénoncent son double langage. La justice n’a rien trouvé contre eux, mais Darmanin a dit : « Je vais chercher. »
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L’accusation d’incitation à la haine et de discrimination portée contre Génération identitaire ne tient pas non plus. Génération identitaire cherche à défendre notre culture contre l’islamisation. Génération identitaire considère qu’il y a trop d’immigrés. On a le droit d’être contre l’immigration – ou alors il faut dire franchement que le discours anti-immigration est criminalisé, qu’on n’a plus le droit de contester l’immigration, et d’ailleurs c’est plus ou moins dit dans le pacte de Marrakech. Une telle interdiction équivaudrait à reconnaître le délit d’opinion.
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Pourquoi Darmanin veut-il dissoudre Génération identitaire ? C’est parce qu’il y a dissout les associations islamistes BarakaCity et CCIF (Collectif contre l'islamophobie en France) et maintenant il cherche un équilibre. Il ne veut pas paraître uniquement anti-islamiste voire anti-musulman. Pour cela, il utilise le classique rhétorique de la tenaille identitaire.
C’est une fausse fenêtre idéologique. C’est le discours des prétendus républicains : nous sommes au milieu, entre deux extrêmes identitaires que nous devons combattre symétriquement.
D’un côté, l’islamisme radical, et donc de l’autre il faut un pendant, qui est l’identitarisme nationaliste français. On les met sur le même plan. Mais c’est faux.
Les uns défendent la France, leur nation, contre des gens qui veulent venir et qu’on n’a pas invités à venir. Dans un autre temps, ils auraient été des héros. D’autres (BarakaCity, CCIF) veulent islamiser la France.
Ce n’est pas pareil.
C’est une fausse fenêtre rhétorique, c’est un sophisme, qu’on met en avant parce qu’on ne veut pas reconnaître qu’il y a un conflit de civilisation sur notre sol. Alors il est plus commode de faire croire qu’il y a une tenaille identitaire, que le pays est pris entre deux extrémismes identitaires qui seraient symétriques.
En réalité, il n’y a rien contre Génération identitaire, comme l’a prouvé la Cour d’appel de Grenoble,
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La gauche dit que les gens de Génération identitaire sont porteurs d’un racisme décomplexé, que c’est l’extrême droite, qu’ils promeuvent une vision raciale du monde, proche du suprémacisme blanc, qu’ils veulent la remigration.
Mais cette accusation de racisme ne tient pas non plus. Le racisme, c’est une vision du monde qui repose sur une hiérarchie des races. Vouloir la remigration n’a rien de raciste.
C’est considérer qu’il y a trop d’immigrés en France, et que cela pose un vrai problème d’équilibre démographique et identitaire. Si l’identité d’un peuple est en danger, il est tout à fait courant de renvoyer ceux qui ne s’assimilent pas. C’est ce qu’a fait la France pendant un siècle. De Gaulle, Léon Blum, n’étaient pas racistes. Dans les années 30, on a renvoyé des immigrés chômeurs parce qu’on estimait qu’ils ne s’assimilaient pas, et c’est la gauche qui faisait ça.
Une autre erreur du discours médiatique, c’est de dire que les associations islamistes développent un rejet de l’autre. Elles ne font pas ça. Elles défendent une volonté d’imposer l’islam aux autres. C’est un projet civilisationnel et juridico-politique qu’elles veulent imposer.
Les associations sont libres. Simplement, il y en a qu’on dissout parce qu’elles sont dangereuses pour le pays. Ce n’est pas le cas de Génération identitaire.
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Faut-il interdire aux associations de faire de la politique ? Non, répond Zemmour.
En démocratie, il ne faut pas interdire aux associations de faire de la politique, mais il faut interdire toute subvention à toute association qui fait de la politique.
Pour être équitable, la règle doit être que les associations et partis politiques peuvent être légitimes mais il faut supprimer toute subvention publique, même locale. Zemmour trouve inacceptable que ses impôts servent à arroser des associations qui combattent ses idées ou font entrer des migrants illégaux.
Idem avec la redevance. Les subventions aux médias sont inacceptables. Par ailleurs, Génération identitaire ne touche pas un sou de l’État, tandis que SOS racisme croule sous les subventions publiques.
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