Jusqu’où défendre la liberté d’expression ?

Jacques-Simon Eggly
Jacques-Simon Eggly
Ancien Président des Suisses de l'étranger, ancien CN, journaliste
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Des articles, des films ou des pièces de théâtre corrosifs envers la religion chrétienne, envers la personne du Christ ont parfois soulevé le scandale. Il n’y a pas eu de censure préalable et cela n’a pas soulevé une fureur des foules.

Personne ne le conteste, le film sur Mahomet qui a suscité les violences que l’on sait dans tout le monde arabe est une provocation lamentable et choquante. Il semblerait que le sous-titrage ultérieur en langue arabe ait eu pour but qu’il fût capté à travers la toile internet afin, précisément, qu’il fût diffusé de proche en proche dans tous les pays musulmans. Qui a voulu cette provocation ? Quels professionnels de la haine ont, ensuite, stimulé les attaques contre les biens occidentaux, américains au premier chef ? On n’a pas fini d’en débattre.

Mais une question fondamentale mérite d’être soulevée. Aux Etats-Unis, la Constitution garantit une très large liberté d’expression. S’il y a diffamation ou calomnie, une suite judiciaire peut avoir lieu mais il n’y a pas de censure préalable. Les pays européens, notamment la France et la Suisse, sacralisent un peu moins ce principe mais n’en considèrent pas moins que la liberté d’expression est au cœur de nos démocratie; qu’elle est une valeur chèrement acquise et toujours à défendre.

Deux poids deux mesures

Des articles, des films ou des pièces de théâtre corrosifs envers la religion chrétienne, envers la personne du Christ ont parfois soulevé le scandale. Il n’y a pas eu de censure préalable et cela n’a pas soulevé une fureur des foules. Encore une fois, jusqu’à un certain point, l’abus de la liberté d’expression fait partie du jeu, est un effet indésirable d’une valeur qu’il importe de protéger. Oh, il y a des limites. La plus connue tient aux lois contre le racisme et l’antisémitisme, effet de retour porté par une culpabilisation amplement diffusée à cause de la colonisation et, bien sûr, de la Shoah.

En Suisse, une telle loi a fait l’objet d’un vote populaire et fut approuvée. Mais à l’époque, des esprits qui n’étaient de loin contaminés ni par le racisme ni par un antisémitisme inavoué mettaient en garde. Ce serait un précédent pour un resserrement progressif de la liberté d’expression. Au lieu de contrer par des opinions on prenait le pli de réprimer par la loi et de censurer à priori. Au fond, on s’en est remis aux juges pour assurer une application raisonnable d’une telle législation.

Voltaire

Or, face aux réactions musulmanes la question se corse. Aux portes de Genève il y a quelques années, à Ferney, une troupe de théâtre avait voulu monter la pièce de Voltaire : Mahomet. On sait que cet adversaire de l’arbitraire monarchique avait pris ce détour pour critiquer indirectement le régime de Louis XV. Mais les mouvements musulmans alertés ont pris cela au premier degré et ont fait un tel tapage que la pièce fut retirée du programme.

Par ailleurs, tout le monde connaît l’affaire des caricatures de Mahomet au Danemark. Il en est résulté des violences et une discussion sur la liberté satyrique. Et maintenant la torche allumée par ce film. La mort d’un ambassadeur américain dans la ville même que les Occidentaux ont sauvée d’un massacre que les forces de Kadhafi allaient perpétrer. Quelle sanglante ironie.

Régime spécial ?

Alors, quelle ligne tenir dans nos démocraties ? Tenir compte de cette donnée d’une sensibilité exacerbée, historiquement explicable dans les pays musulmans et donc édicter des lois, prendre des mesures de contrôle restreignant notre liberté d’expression ? Ou bien demeurer ferme sur notre ligne, expliquer nos valeurs par les relais de tous les Musulmans non radicaux qui, dans leurs pays respectifs, comprennent que cela est inhérent à la démocratie ? Et tenir aussi le choc face aux réactions violentes dont on sait qu’elles sont en partie le produit d’habiles manipulations ? Nous ne pouvons plus échapper un vrai débat qui soit à la fois philosophique et politique.

Pour notre part, si un appel à une certaine retenue, à un certain tact nous parait souhaitable, nos Etats démocratiques ne sauraient, pour autant, régresser en rognant de plus en plus une liberté d’expression, d’opinion, de création qui se réclame d’un droit fondamental trop chèrement acquis pour l’abandonner peureusement devant la menace. Il en va de la pérennité de nos sociétés et d’une civilisation. 

3 commentaires

  1. Posté par Alain Favre le

    A écouter la plupart des médias, cette affaire de pseudo-film d’amateur sur youtube, ainsi que l’histoire de Charlie Hebdo, constitueraient le summum de l’intolérance occidentale. Lorsqu’on s’intéresse à l’avis de Monsieur tout-le-monde, le langage est tout autre.
    En fait, ce non-événement ne choque que les bobos et la dhimmisphère. Toute personne sensée n’y voit qu’une bonne plaisanterie qui fait rire à l’heure de l’apéro. Une plaisanterie issue de notre sensibilité, culture et civilisation. Si cela n’est plus possible, cela signifie simplement que notre culture et civilisation nous ont échappé au profit d’une autre civilisation et … religion.

  2. Posté par Yann le

    Personnellement je crois qu’on ose penser de tout. Je crois qu’on ose parler de tout.
    Mais dès qu’on impose certaines choses liées à la violence (verbales et physique ou non), alors non.

    Tu peux haïr quelqu’un (c’est ton problème), mais tu n’as pas le droit de le déclamer publiquement, avec la haine et la rage. Ou alors dans un cadre (tribunal, office, écoute…).

    Tu peux ne pas être ok et en parler publiquement, s’il n’y a pas de haine, ni d’offense. Mais en défendant et en posant un cadre permettant la défense de l’autre.

    La haine décriée et publique ? non.
    Dire “On va égorger les juifs” dans la rue, devant la gendarmerie, dans une autre langue, dans la rue… C’est pas correcte. Et cela mérite justice. Car décalaration de malédiction et menace de mort.

    Incroyable.
    La liberté d’expression est juste, la liberté de penser est juste.
    Mais elle se limite à la manière dont elle est diffusée.

    Oser proclamer la haine est condamnable pour n’importe qui. Donc justice.
    Est-ce être anti quelqu’un que penser de cette manière ?
    Est-ce être anti religieux que penser ainsi ?

    Non car c’est lié aux règles de vie de tout un chacun. Et donc un droit. Un droit, dans un cadre de respect. Là est une pleine liberté, et en plus une vraie force.

    Imposer des changements ?
    C’est comme aller chez quelqu’un et vouloir (en le faisant) changer son appartement. Non mais, est-ce de la liberté d’expression correcte ?

    Ensuite on s’étonne que certains ont peur.
    Oui tous ne sont pas extremistes, mais tous ont une bouche pour affirmer s’ils défendent ou non ces points. Dans un cadre, de manière claire, et posée.

    Mais c’est vrai, le silence peut être une absence. Sans mur sur une route, on avance.

  3. Posté par Gilles Vuilliomenet le

    Monsieur Eggly, vous osez vous poser la question de savoir si nous devons être ferme ou élaborer de nouvelles lois pour restreindre, non seulement la Liberté d’expression, mais surtout la Liberté de critiquer les idéologies! En arriver là, ce serait accepter la criminalisation du blasphème et de la diffamation des religions, cela ne ferait que le jeu de l’OCI dont c’est le but ultime avant de nous imposer leur secte, car là est leur principale mission: ISLAMISER LE MONDE ! Et je pense que vous êtes conscient que cela nous sera intolérable à nous HOMMES LIBRES!

    http://www.libertiesalliance.org/

    http://www.libertiesalliance.org/brusselsconference/2012-brussels-declaration/petition-declaration-de-bruxelles-2012/

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