Voilà près de deux ans que les Observateurs vous proposent une sélection de brèves d'articles, très appréciée si l'on en croit nos statistiques, histoire de rendre compte en continu de ce qui se fait de mieux ou de plus intéressant sur internet.

Il y a quelques jours, nous avons pris la décision d'augmenter notre offre et d'y ajouter une sélection de flux de sites proches philosophiquement ou, au contraire, diamétralement opposés, mais pas seulement, les flux des principaux médias francophones étant également compris dans notre sélection. C'est une manie que nous avons aux Observateurs, nous aimons observer: la mise en parallèle des flux de grands médias éditeurs de dépêches d'agence permet de constater les grandes tendances et les mots d'ordre en cours dans les rédactions du monde entier; hier Mandela, demain Poutine, etc. Nous faisions ce travail depuis deux ans pour les brèves, nous voulions vous donner une opportunité de pouvoir le faire aussi, pour vous-mêmes, à votre manière et en fonction de vos intérêts.

La semaine dernière, nous vous annoncions la venue de quelques réglages et le passage de quelques tests; nous ne sommes pas des programmeurs professionnels, vous avez été très patients, nous vous en remercions.

Le drame

Seulement voilà, drame absolu, une erreur de programmation a fait en sorte que notre système a repris certains articles de flux RSS (pour les connaisseurs) en entier plutôt qu'en extraits. Ce n'est pas tout à fait de notre faute, certains éditeurs oublieux de restreindre leurs articles sur leur flux s'exposant de fait à ce genre de tracas mineurs. Les articles ont été supprimés, les erreurs réparées et les excuses présentées, c'est la moindre des choses. Reste que c'est très mal, et le responsable a d'ailleurs passé le week-end à genoux dans la neige à se fouetter les flancs avec des branches de genêt; on ne plaisante pas avec les droits d'auteur !

Lagueeerrrrrre

Première étape, quelques heures à peine après le début de la panne, le rédacteur en chef du Huffington Post France, constate, outré, ce qui est plus que compréhensible, la copie conforme de certains de ses articles sur notre site. Allez savoir pourquoi, il préfèrera prévenir Twitter plutôt que de nous contacter pour nous permettre de régler la question au plus vite.

A partir de cet instant, un étrange mécanisme se met en marche qui nous conforte dans cette idée de la nécessité de l'analyse des flux.

Les quelques journalistes romands en latence sur Twitter en cette fin de semaine s'éveilleront soudainement pour se précipiter sur l'affaire avec la frénésie d'un banc de requins sur la carcasse d'un poisson mort.

Magali Philip (RTS) sera la première à réagir, suivie de près par Martin Grandjean, élu socialiste, doctorant à l'université de Genève et pasteur protestant ("ministre laïc") à ses heures, à la tête d'un blog généraliste et qui dégainera un article complet, pratiquement dans l'heure, pour accuser les Observateurs de tous les péchés d'Israël et, notamment, de "copier-coller systématique"; rappelons qu'à ce moment, à notre connaissance, la panne n'a pas duré plus de sept heures. La mayonnaise prend, forcément, Twitter s'allume et une "chercheuse en sociologie", Elise Beaumont, ne tarde pas à relayer le scoop: "Médias: Un doctorant dénonce le plagiat d'un prof de l'uni de Genève"; ben voyons !

Attirés par l'odeur du sang, le landerneau bien-pensant se précipite, l'on glose sur la profonde illégalité du procédé, l'on en devient lyrique: "pour un ancien professeur de sociologie des médias, c’est plutôt cocasse (ça rime avec dégueulasse…)", précise brillamment Martin Grandjean; "Mais Windisch n'a rien d'un joli nom" ajoute Nicolas Friedli, un autre théologien protestant, titulaire d'un blog religieux, renvoyant à une vidéo de Youtube intitulée "Tout ce qui est dégueulasse porte un joli nom"; charitable en diable... (1)

Mais ces quelques traits d'esprit proférés par ces universitaires de haut-vol, prestigieuse élite intellectuelle que le monde nous envie, ne suffiront guère à éteindre les ardeurs de la classe médiatique, qui, persuadée de tenir le bon bout, veut à tout prix en découdre. La chose se passe toujours de la même manière, l'on érige le terme de "journaliste" en mantra idolâtrique, on le chante, on le crie, l'on s'en gargarise à l'envi, pour rappeler le dogme, séparer les mauvais d'entre les gentils. Il fait du média, il n'est pas "journaliste", il a blasphémé ! Une fois les humeurs à température ambiante, l'heure du sacrifice doit sonner:

Claude Ansermoz, rédacteur en chef adjoint du quotidien 24 heures, ouvre le bal: "Portez plainte et on relaiera volontiers", rapidement suivi d'un: "J'en ai informé mes collègues de la TG. Espérons que cela les intéresse.". Piquée au vif, Magali Philip ne veut pas être en reste, il ne sera pas dit que que le Média d'Etat n'aura pas fait son devoir contre la bête immonde; et de hisser ses plus sombres couleurs: "@CAnsermoz ha ha ! On va voir si @forumrts si intéresse et si ils seront plus rapides #lagueeeerrrrre."

Entre temps, les Observateurs, atterrés, prennent connaissance de l'ampleur de ce délire communautaire, répondent comme dit ci-dessus et suppriment les articles concernés ainsi, à titre préventif, que tous ceux susceptibles de l'être. Réaction immédiate de Grandjean, lequel, n'en revenant toujours pas de la soudaine notoriété de son blog, monte l'histoire en neige autant que faire se peut: "Le média indélicat a supprimé aujourd'hui des milliers d'articles : http://www.martingrandjean.ch/les-observateurs-systematique-copier-coller/ … (voir mes MàJ) merci pour vos commentaires !" Faudrait savoir, soit il est indélicat de publier, soit de supprimer, mais pas les deux. Bref... selon que vous serez...

La réponse apportée, ô surprise, ne convainc personne, coupable avant même d'avoir pu se défendre, les Observateurs le sont par leur nature même plutôt que par celle de leurs intentions. Magali Philip se dit "spammée" par la réponse que les Observateurs lui ont adressée. "@LesObs_ch plagient, paniquent, montent un bobard et s'enfoncent encore. Bonnet d'âne, fessée, ou pitié?" assure Marc Münster, "responsable de domaine" chez Sanu. La tension monte, l'idée de la fessée semble en exciter plus d'un. Interrogé sur ce qui fonde sa conviction, M. Münster aura ce mot délicieux: "Je n'ai pas besoin de la démontrer. Je partage simplement mon impression; juste ou fausse le résultat est identique..."; limpide ! Une anonyme annoncera à qui veut l'entendre qu'elle a posté un commentaire sur notre site, assurant d'avance sa certitude être censurée et qu'il n'y sera apporté aucune réponse (résultat ici). Pour Benoît Perrier, secrétaire de rédaction du Courrier, la "débâcle déontologique" est consommée, les Observateurs ont tort quoi qu'ils disent ou fassent, quoi qu'il arrive.

Plus factuel, Nicolas Friedli emploiera son temps libre à passer les Brèves au peigne fin. Il faudra s'imposer un long et fastidieux exercice de rappel de la loi pour disperser les vapeurs inquisitoriales qui perturbent notre moraliste contempteur. Texte, image, il faudra tout expliquer, plusieurs fois, un samedi, pour s'entendre dire par le même, enfin à court d'argument, "Je vais jouer avec mes mômes, plutôt que de discuter ici. Bye 😉"; on ne fait pas plus aimable...

Entendant la question technique, Martin Grandjean déboîtera sur le débat de la "qualité journalistique". S'il peut paraître touchant de se voir reprocher la reprise de brèves par un quarteron de journalistes qui en vivent quotidiennement, il est encore plus émouvant de se voir dicter ce qui devrait être fait ou non pour bien faire par des personnes qui, ayant toujours pris soin de rappeler en préambule le dégoût que vous leur inspiriez, appellent à la plainte, à la guerre et n'attendent de vous, en somme, qu'une seule chose, votre disparition.

Loin de prétendre être exacts en tout - preuve s'il en est l'erreur qui a déclenché cette tempête -, nous faisons tout notre possible pour nous maintenir en conformité. Mais, comprenez bien, nous sommes de droite et, par conséquent, moralement fautifs quoi qu'il advienne. Comme l'on n'ose plus adresser frontalement le reproche des idées dans une société démocratique, il faut trouver autre chose, mais le principe est là; nous sommes sans illusion et tout nous convient, va pour le côté obscur !

Débâcle fonctionnaire

Si l'observation des réactions est révélatrice en soi de l'état d'esprit d'une certaine caste médiatique en Suisse romande, l'analyse de leur absence d'action l'est bien plus encore.

Nous avions laissé Mme Philip et M. Ansermoz se chauffant mutuellement la bile pour en venir enfin à la levée de troupes. Le plus lucide des deux fait bientôt retomber le soufflé:

"@magaliphilip @ForumRTS Ben disons que comme @ForumRTS diffuse ce soir et @tdgch est imprimée demain... #lagueeerrrrrre n'aura pas lieu..."

Problème de cadence, c'est le week-end. Mais Magali Philip s'accroche:

"@CAnsermoz @ForumRTS @tdgch et le site de la TDG ! Mais Claude m'enfin !"

La réponse est cinglante, on n'abuse pas des réseaux:

"@magaliphilip @ForumRTS @tdgch Et le site de la @rts ! Mais Magali m'enfin !"

Personne ne veut de la patate chaude. A noter au passage que les grands de la cour de récré, Forum et Tdg, ne bronchent pas. Magali Philip espère, tient bon, même si le doute s'installe:

"@CAnsermoz @ForumRTS @tdgch @rts donc y aura #laguerrrrrrre ( sauf si y a que nous qui pensons qu'il y a enquête à faire )."

Claude Ansermoz, amusé, raille ses postures de caïd:

"@magaliphilip @ForumRTS @tdgch @rts Là, je ne peux que m'incliner devant tant de sagesse entre ()."

Un éclair de génie s'empare alors de Nicolas Friedli, Magali Philip tient sa propre émission, Sonar, spécialisée dans l'actualité du Web, c'est le support idéal pour crucifier les Obervateurs ! Il y reviendra par deux fois (ici et ici). Mais Magali Philip, de guerre lasse, est contrainte de décliner. La raison en est des plus affligeantes:

"@NicolasFriedli @LesObs_ch @paulac oui en effet ! Mais #SonarRTS est en vacances."

 Les vacances... c'est ballot !

Du coup, ne reste plus que cet abominable média plagiaire d'extrême-droite qui n'en est pas un pour en parler. La grande guerre des médias n'aura pas lieu, du moins pas pendant les vacances. L'on combattra l'hydre fasciste de 9h à 11h30 et de 14h à 16h30 et seulement en dehors des féries légales. Au-delà des horaires prévus, ces messieurs de droite sont priés de cesser de penser, d'être, de parler, d'exister. Voilà à quoi nous passons nos week-end.

Plus sérieusement, l'on sent bien qu'un certain côté de la tranchée devient de plus en plus nerveux, que cette guerre est attendue, espérée, l'affrontement recherché et qu'un rien, un jour, suffira à le provoquer. Le rapport est certainement inégal, nous sommes seuls (2) et il ne sont que quelques milliers; pour cette fois, nous avons été larges, nous leur avons laissé la vie sauve...

(1) On parlera aussi, bien-sûr, d'extrême droite, mais, curieusement, le Tweet semble être passé au pilon.

(2) Seuls avec vous chers lecteurs, vous êtes près de 40'000 à nous suivre chaque jour. Merci !