TRIBUNE. Mickaëlle Paty et Jean-Pierre Sakoun, le président d’Unité laïque, s’alarment de la dilution du Conseil des Sages par le ministre de l’Éducation.
Le 11 avril 2023, le ministre de l’Éducation nationale annonçait la nomination de cinq nouveaux membres au Conseil des Sages de la laïcité de l’Éducation nationale et de la jeunesse (CSL). Le même jour, il promulguait au Bulletin officiel du ministère un arrêté modifiant le fonctionnement de ce conseil.
Les laïques et les républicains savent depuis sa nomination que monsieur Pap Ndiaye n’est ni laïque ni universaliste. S’ils avaient des doutes, les déclarations méprisantes sur son propre pays faites alors qu’il était en visite aux États-Unis auraient suffi à les dissiper. Si, espérant encore une prise de conscience de celui qui tient dans ses mains le creuset de la citoyenneté, ils se satisfaisaient du relatif immobilisme de ce ministre, toute illusion est désormais effacée.
(…) Beaucoup auraient souhaité que le CSL manifestât plus fermement sa détermination. Ils acceptèrent en rongeant leur frein que les contraintes de l’énorme machine du ministère infestée de tous les pédagogistes et communautaristes qui l’ont investie depuis quarante ans, l’obligent à une forme de modération patiente. Cette modération, en revanche, n’est pas ce qui caractérise les décisions de monsieur Pap Ndiaye. Il ne sort de sa légendaire prudence que lorsqu’il s’agit de démanteler la république laïque au sein de son propre ministère.
La comparaison des arrêtés de 2021 et de 2023 est édifiante. Nomination de nouveaux membres au conseil, dont M. Policar, connu pour son hostilité à ce qu’il appelle la « laïcité répressive, ou de combat », qui n’est en fait rien d’autre que la laïcité ; modification des statuts du conseil dont, aussi incroyable que cela puisse paraître, l’article premier réduit la place de la laïcité ; réduction de la durée et limitation à deux du nombre des mandats de ses membres, applicable aux membres actuels, ce qui est une manière très efficace de les pousser vers la sortie pour laisser place ensuite aux fossoyeurs de la laïcité ; limitation drastique de l’autonomie du CSL, dont les avis ne pourront désormais être rendus publics que sur décision du ministre et dont les membres, y compris la présidente, ne pourront s’exprimer publiquement en son nom. Qui plus est, le CSL ne pourra désormais agir que sur saisine du ministre. Enfin, petite mesquinerie qui révèle les petites manœuvres, le poste de secrétaire général adjoint occupé actuellement par un défenseur unanimement reconnu de la laïcité et de l’école de la République, devient facultatif. À bon entendeur, salut et silence dans les rangs !
Pap Ndiaye procéderait-il à une dilution du Conseil des Sages de la laïcité ? On note en tout cas une nette inflexion dans la ligne impulsée par Jean-Michel Blanquer… L’actuel ministre de l’Éducation nationale compte, en effet, remodeler l’organisme créé par son prédécesseur, en 2018, et fondé pour « exercer auprès du ministre une mission de conseil, d’expertise et d’étude relative à la mise en œuvre du principe de laïcité et à la promotion des valeurs de la République » à l’école.
Jusqu’alors peu sollicité par Pap Ndiaye, le Conseil des Sages de la laïcité et des valeurs de la République – considéré comme l’outil d’une vision rigoureuse de la laïcité – voit son périmètre étendu à « la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et toutes les formes de haine et de discriminations, l’égalité femme-homme, la promotion du principe de fraternité à l’école », a fait savoir le ministère.
(…) Et pour cause, parmi ces nominations, celles d’Alain Policar, qui avait critiqué dans une tribune en 2019 ceux qui font « de la laïcité une arme contre la religion ». Un choix qui laisse supposer une décision hautement politique à l’égard du conseil. « Par ses positions sur la laïcité, le racialisme et l’antiracisme, il est très conforme à ce que pense Pap Ndiaye, commente un grand spécialiste de la laïcité auprès du Point. On peut tout à fait imaginer qu’il devienne le bras de ce dernier dans le Conseil des Sages. »
Mais les choix de Pap Ndiaye marquent encore une autre rupture. Le bulletin officiel de ce jeudi 13 avril faisant état d’une révision des pouvoirs à la baisse du conseil. Ce dernier n’agira dorénavant que « sur saisine du ministre » et rendra ses avis à ce dernier. « Jusqu’ici le conseil pouvait s’autosaisir et n’a d’ailleurs pas cessé de le faire. Des Sages qui ne peuvent pas agir librement, sont-ils encore Sages ? interroge encore le spécialiste. C’est préoccupant… »
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