Mardi au Parlement européen, lors du « débat » en présence du premier ministre polonais, la présidente de la Commission européenne a rendu officiel le chantage aux fonds européens exercé par la Commission européenne. Ce chantage concerne pour le moment le plan de relance « Next Generation EU » qui avait été approuvé par le Conseil européen en juillet 2020. On peut donc conclure de ce chantage officiel contre la Pologne, même si on le savait déjà, que le refus par la Commission d’approuver le plan de relance hongrois est lui aussi motivé par le désir d’exercer des pressions sur ce pays dans des domaines qui ne relèvent pas des compétences de l’UE, et où donc seul un instrument non fondé sur le droit – le chantage financier en vertu de décisions arbitraires – peut permettre à la Commission d’agir. Concernant la Hongrie, il s’agit aussi pour la Commission d’obtenir certains reculs sur les réformes de la justice opérées depuis 2010, mais avant tout de contraindre Budapest à révoquer sa loi de protection des mineurs, ou en tout cas son volet interdisant l’endoctrinement LGBT à l’école.
Si la CJUE rejette la requête polonaise et hongroise contre le mécanisme « d’Etat de droit » adopté en décembre dernier et devant conditionner le versement des fonds européens à l’évaluation positive, par la Commission, du respect de « l’Etat de droit » et des « valeurs européennes », alors ce chantage aux fonds européens pourra être étendu au budget annuel et la menace de chantage sera permanente.
En attendant, en Pologne, des voix s’élèvent déjà pour se retirer du plan Next Generation EU, et donc de l’endettement commun, et de renoncer ainsi aux 23 milliards d’euros de subventions et aux 34 milliards de prêts. En Hongrie, le gouvernement de Viktor Orbán, qui n’était au départ pas partisan d’émettre des titres de dette européens, a déjà adopté des mesures pour pouvoir se passer des 7,2 milliards d’euros de subventions prévus au titre du plan de relance européen. Dès le 17 septembre, le gouvernement hongrois annonçait qu’il n’avait pas le temps d’attendre le feu vert de Bruxelles pour financer ses programmes de relance et que, par conséquent, il venait de lancer un emprunt sur les marchés financiers. Un emprunt qui a rencontré un écho favorable, car les finances de ce petit pays sont en bien meilleur état que celles des gros pays de l’UE, hormis l’Allemagne. Il en va de même pour la Pologne qui pourrait financer son propre plan à des conditions proches de celles que peut obtenir l’UE.
Renoncer à participer au plan de relance européen aurait en outre un gros avantage puisqu’il éviterait d’avoir à se soumettre aux contraintes très strictes concernant l’utilisation des fonds, qui doivent aller principalement à la transition écologique et numérique et qui confèrent, comme on le voit, un important pouvoir de pression à la Commission de Bruxelles.
Reste à savoir, dans l’éventualité d’un retrait hongrois et polonais du plan de relance, comment va alors se régler la dispute qui ne manquera pas de jaillir concernant le remboursement de cette nouvelle dette européenne. A Bruxelles, on estime que même si la Pologne et la Hongrie ne voient pas la couleur de l’argent européen, elles devront quand même participer au remboursement. Combien de temps l’UE va-t-elle pouvoir continuer à fonctionner ainsi ? •
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