Erdogan, la Syrie, les réfugiés et le 17 mai

On sait depuis longtemps que l'homme qui préside aux destinées de la Turquie est un allumé de première mais il faut lui laisser qu'il met un zèle remarquable à confirmer le sentiment général. Recep Tayyip Erdogan vit mal le fait que Bachar el Assad, appuyé par les Russes, repousse les soldats turcs venus secourir les djihadistes. En bon islamiste, il est vrai que le président turc ne pouvait pas laisser tomber ses coreligionnaires. Il a donc décidé d'agir directement sur le territoire syrien mais ses troupes ne font pas le poids face à l'infanterie de Bachar et à l'aviation russe. Chaque jour, de nouvelles pertes humaines et matérielles mettent à mal le contingent de la Sublime Porte, ce qui a le don d'énerver le Sultan. Certes, pour un homme intimement convaincu de sa toute-puissance, une défaite ferait tache dans le tableau, notamment vis-à-vis de son peuple. Il doit sortir la tête haute de ce conflit même s'il a déjà perdu sur le terrain. Il a donc demandé une réunion urgente de l'OTAN et du Conseil de sécurité de l'ONU afin de réclamer du soutien. Hélas, il reste bien seul face à Bachar et Vladimir. L'OTAN n'est pas prête à se frotter à l'ours russe, pas plus que les Européens qui se sont fait une raison sur l'avenir de la Syrie. Erdogan a dégoupillé une grenade qu'il est en train de prendre dans la figure et aurait plaisir à ce que d'autres partagent la facture avec lui. Mais personne n'est là pour l'aider. Il choisit ainsi de se venger de ses pleutres alliés de l'OTAN et annonce qu'il va ouvrir les vannes et laisser passer les dizaines de milliers de réfugiés qu'il retient actuellement sur son sol. Ce ne sont pas les modestes milliards qui lui ont été versés par l'Union européenne pour contenir l'invasion qui vont le gêner s'agissant du fait qu'il revient sur ses engagements. Ses promesses n'engagent que ceux qui les croient, Angela Merkel notamment. Le printemps va donc être chaud sur le front de l'asile. La Chancelière aura de la peine à expliquer qu'elle a versé beaucoup d'argent à la Turquie, en vain. Déjà que les tensions raciales en Allemagne sont fortes, ça ne va pas arranger les choses. Pour ce qui est de la Suisse, on verra bien vite Simonetta Sommaruga aller chercher ses instructions à Berlin d'où elle annoncera que la Suisse accueillera un fort contingent de réfugiés dans le cadre de cette nouvelle vague.; ça fera plaisir à Mme Merkel et à son ancienne ministre de la défense élue entre temps à la tête de la Commission européenne. Il ne faudrait surtout pas que l'actualité turque contrarie l'accord passé entre notre Présidente de la Confédération et Ursula von der Leyen au sujet de la campagne sur l'initiative de limitation. Imaginez-vous, quelques dizaines de milliers de requérants brusquement à nos portes avant le 17 mai ? Catastrophe ! Mme Sommaruga devrait peut-être aller trouver le Phare du Bosphore, histoire de lui suggérer d'attendre un peu.

Yvan Perrin, 28.2.2020