Suisse : « l’adhésion rampante à l’Union européenne »

Par Soeren Kern, 29 novembre 2018

• L’UE a maintenant augmenté la pression en recourant au chantage : Bruxelles subordonne sa reconnaissance de la SIX Swiss Exchange, la quatrième place boursière d’Europe, à l’acceptation par la Suisse de l’accord-cadre.

• Economiesuisse, une association faitière d’entreprises suisses, s’est opposée à cette initiative en affirmant qu’il s’agissait d’une question d’économie et d’accès aux marchés internationaux pour ce pays qui dépend des exportations. « En fin de compte, il s’agit de maintenir la prospérité en Suisse et de garder les entreprises et les emplois ici », a déclaré Monika Rühl, directrice d’Economiesuisse.

• « L’UDC rejette une soumission unilatérale aux institutions de l’UE visant à établir un lien institutionnel entre la Suisse et l’appareil de l’UE, avec une reprise dynamique du droit de l’UE et, finalement, la subordination de la Suisse à la Cour européenne de justice. Une reprise dynamique du droit de l’UE serait une nouvelle érosion massive de notre démocratie directe. » – Communiqué de l’UDC.

Les électeurs suisses ont massivement rejeté dimanche dernier une initiative demandant que la Constitution suisse prime sur les traités et le droit internationaux.

Lors de la votation du 25 novembre, les deux tiers (66,2%) des électeurs se sont prononcés contre l’initiative « d’autodétermination » du Parti populaire suisse (nom allemand de l’UDC), eurosceptique, qui est le plus grand parti du Parlement suisse.

Les dirigeants de l’UDC ont soutenu que la nouvelle loi était nécessaire pour protéger la souveraineté nationale contre de nouveaux empiétements d’organisations supranationales telles que l’Union européenne et les Nations Unies.

Le gouvernement suisse a répondu que cette proposition porterait atteinte à la stabilité économique de la Suisse, car elle exigerait que Berne modifie les accords bilatéraux existants avec l’UE, le principal partenaire commercial du pays, afin les rendre conformes à la Constitution suisse.

Le rejet de l’initiative intervient à la veille de décisions du gouvernement suisse sur la signature d’un « accord-cadre » européen de grande envergure et d’un « pacte migratoire » de l’ONU qui est controversé.

La Suisse n’est pas membre de l’UE, mais elle a accédé au marché unique européen en signant une série d’accords bilatéraux dans lesquels elle a cédé une grande partie de sa souveraineté nationale, y compris le contrôle des frontières et de l’immigration. Au total, la Suisse a conclu plus de 120 accords bilatéraux qui régissent ses relations avec l’Union européenne.

L’UE presse maintenant la Suisse de signer un « accord-cadre » global qui obligerait Berne à céder encore plus de souveraineté à Bruxelles. L’UE, par exemple, souhaite que la Suisse se soumette à la juridiction de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). Si la Suisse se conforme à cette demande, la CJCE primerait sur le Tribunal fédéral en tant qu’arbitre final des litiges juridiques dans le pays.

L’UE a maintenant augmenté la pression en recourant au chantage : Bruxelles subordonne la poursuite de la reconnaissance de la SIX Swiss Exchange, la quatrième place boursière d’Europe, à l’acceptation par la Suisse de l’accord-cadre. L’accord boursier actuel entre la Suisse et l’UE [« équivalence boursière »] expire fin décembre ; son non-renouvellement priverait la bourse suisse d’activités basées dans l’UE qui génèrent plus de la moitié de son volume.

Les dirigeants suisses ont déclaré qu’ils doutaient qu’un projet de traité puisse obtenir le soutien du parlement ou des électeurs lors d’un référendum dans le cadre du système suisse de démocratie directe.

Bloomberg News résume ainsi le dilemme de la Suisse :

« Le gouvernement suisse va devoir choisir entre deux maux : soit accepter l’accord-cadre de l’UE qui sera de toute façon torpillé par les électeurs lors d’un référendum, soit renier le traité et risquer des représailles de Bruxelles, qui nuiraient à l’économie. »

L’un des principaux points de discorde entre la Suisse et l’UE est un différend de longue date au sujet de l’« accord sur la libre circulation des personnes ». Cet accord, que la Suisse a signé en juin 1999, permet aux citoyens de l’UE de résider et de travailler en Suisse, et vice versa. L’accord initial s’appliquait aux 15 Etats membres de l’UE, mais avec l’élargissement de l’Union européenne en 2004, 2007 et 2013, l’accord s’applique maintenant à 28 Etats membres, y compris des pays parmi les plus pauvres d’Europe orientale.

En novembre 2010, les électeurs suisses ont accepté une initiative sur l’expulsion des étrangers ayant commis des crimes graves en Suisse, le but étant de réduire la criminalité croissante liée à l’immigration.

L’UE a alors averti la Suisse que l’expulsion de citoyens de l’UE pour quelque raison que ce soit constituerait une violation des obligations conventionnelles en matière de libre circulation . Le Parlement suisse, pour éviter des représailles économiques, a finalement adopté une loi édulcorée, se voulant un compromis entre la volonté des électeurs et les obligations de la Suisse découlant du droit communautaire.

Le député UDC Adrian Amstutz a estimé que dans son zèle pour plaire à l’UE, le Parlement suisse avait adopté une loi qui se révélerait sans valeur dans la pratique,  :

« Selon la mise en œuvre par le Parlement de la loi sur l’expulsion, les tribunaux auraient la possibilité de renoncer à une expulsion – même dans le cas des infractions les plus graves – en invoquant la clause de rigueur. Les pratiques juridiques actuelles montrent que les juges ont souvent recours à cette option. En conséquence, pratiquement aucun criminel étranger ne serait expulsé. »

En février 2014, les électeurs suisses ont accepté une initiative visant à réintroduire des quotas pour l’immigration en provenance des pays de l’UE. Ses partisans avaient souligné que les travailleurs étrangers faisaient baisser les salaires et augmentaient la demande dans les domaines du logement, de la santé, de l’éducation et du transport.

L’UE a averti la Suisse que toute restriction de l’accès au marché du travail suisse violerait l’accord sur la libre circulation des personnes et l’a menacée de « graves conséquences ». Le Parlement suisse a de nouveau cédé aux pressions de l’UE, cette fois en édulcorant les restrictions à l’immigration.

Un autre point chaud des relations bilatérales concerne la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En novembre 2014, la CEDH a interdit à la Suisse de renvoyer des demandeurs d’asile afghans en Italie. Bien que les autorités italiennes aient accepté de les reprendre, la CEDH a jugé que cela violerait l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction des traitements inhumains et dégradants) en raison de la surpopulation et des mauvaises conditions dans les centres d’asile italiens.

Christoph Blocher, l’hommefort de l’UDC, a critiqué la CEDH pour avoir ignoré le principe de subsidiarité, qui veut que les décisions soient prises, si possible, au niveau local :

« N’avons-nous pas confiance dans les juges fédéraux pour statuer sur les droits de l’homme ? Nous avions ces principes dans notre Constitution bien avant la Convention des droits de l’homme […]. Le problème de la CEDH, c’est qu’elle décide de très loin. Les conséquences, ce qui se passe ensuite, ne regardent pas les juges »

Martin Schubarth, ancien juge fédéral suisse, a fait écho à ces préoccupations :

« C’est inacceptable qu’un petit groupe de juges [la CEDH], qui connaît mal les autorités législatives d’un pays, règle des questions juridiques importantes à leur place. C’est antidémocratique. »

En février 2018, la télévision publique suisse [alémanique] SRF a annoncé que la Commission européenne avait présenté au gouvernement suisse une liste de doléances de 19 pages sur les violations du droit communautaire par la Suisse.

Les différends en cours entre la Suisse et l’UE et l’érosion concomitante de la souveraineté suisse avaient incité l’UDC à soutenir l’initiative sur la primauté du droit suisse.

Le parrain de l’initiative, le député Hans-Ueli Vogt, a exprimé sa surprise devant l’ampleur de la défaite – un revers rare pour l’UDC, un des partis anti-UE ayant le plus de succès en Europe – mais il a déclaré qu’il continuerait à lutter contre « l’adhésion rampante à l’UE ».

Economiesuisse, une association faitière d’entreprises suisses, s’est opposée à cette initiative en affirmant qu’il s’agissait d’une question d’économie et d’accès aux marchés internationaux pour ce pays qui dépend des exportations. « En fin de compte, il s’agit de maintenir la prospérité en Suisse et de garder les entreprises et les emplois ici », a déclaré Monika Rühl, directrice d’Economiesuisse.

Certains journaux suisses ont parlé de « fiasco » et de « sérieux revers » pour l’UDC. D’autres étaient plus circonspects. « L’objet de l’initiative était bien légitime : il portait sur la souveraineté nationale et son rapport avec le droit international dans un monde globalisé », a noté La Liberté, un journal basé à Fribourg. L’Express, basé à [Neuchâtel], a ajouté :

«  L’UDC a subi un naufrage parce qu’elle n’est pas parvenue à mobiliser et convaincre au-delà de ses rangs. »

« Les électeurs voulaient une évaluation pragmatique entre le droit international et le droit national. Selon la situation, l’un ou l’autre devrait s’appliquer. La prévalence définitive de l’un sur l’autre, en revanche, n’est pas partagée par la majorité. »

La Tribune de Genève a écrit : « Ce que les Suisses ont soutenu ce dimanche, c’est une approche pragmatique, négociée au coup par coup au plus près de nos intérêts nationaux. Le vote ne constitue en aucun cas une déclaration d’amour à une Union européenne en pleine crise. »

L’UDC a souligné qu’en dépit de cette défaite, l’initiative avait « suscité un débat bienvenu, jusque-là étouffé, sur la relation entre le droit suisse et le droit international et sur l’importance de la démocratie directe ». Le parti a ajouté que sa lutte pour l’autodétermination de la Suisse se poursuivrait :

« Premièrement, l’UDC demande à la Suisse de ne pas adhérer au pacte migratoire de l’ONU. Nous comptons sur l’engagement des représentants des autres partis pour que le pacte soit au moins présenté au Parlement [n. d. t. : ce point est maintenant acquis] de façon à pouvoir être soumis au référendum, afin que les électeurs suisses aient leur mot à dire sur un pacte d’une telle portée.

Deuxièmement, l’UDC rejette une soumission unilatérale aux institutions de l’UE visant à établir un lien institutionnel entre la Suisse et l’appareil de l’UE, avec une reprise dynamique du droit de l’UE et, finalement, la subordination de la Suisse à la Cour européenne de justice. Une reprise dynamique du droit de l’UE serait une nouvelle érosion massive de notre démocratie directe. »

Soeren Kern est Senior Fellow au Gatestone Institute de New York.

Suite : Gatestone Institute – Switzerland: "Creeping EU Accession"

Traduction Cenator pour LesObservateurs.ch

5 commentaires

  1. Posté par Marcassin le

    “En fin de compte, il s’agit de maintenir la prospérité en Suisse et de garder les entreprises et les emplois ici.”
    Des entreprises multinationales que ne payent pas ou peu d’impôts qui emploient les 8’000 étrangers qui sont en réalité entre 60’000 et 80’000 par année, qui créent des problèmes de mobilité, de bétonnage, de logements etc.
    Et la liberté, l’indépendance, l’autodétermination, notre souveraineté ?
    On la vend ?
    La Suisse n’est pas une prostituée !

  2. Posté par aldo le

    N’hésitez pas à copier et diffuser l’adresse de ce jeu de puzzle déjà publié… https://www.jigsawplanet.com/?rc=play&pid=01c8ea811852 … qui montre à quelles extrémités tombent les pays sous le coup des chantages de l’Europe-U€rss bien qu’en faisant partie. Et réfléchissez bien à cette image d’actualité qui est totalement le duplicata de ce qui s’est produit déjà à bien d’autres endroits. Ce qui démontre tout le cynisme que cette dictature Europe emploie contre ceux qui travaillent et paient, tout en biaisant avec des promesse contraires en faisant la promotion unilatérale de ceux qui viennent d’ailleurs, ne foutent rien et vident les caisses. Tout cela parce qu’elles sont tenues par des socialo-écolo-islamo-bolchévo-fascistes et leurs complices dits faussement de droite qui vivent sur le chaos, puis les taxes et les impôts pour boucher les trous. LES GILETS JAUNES ONT PLEINEMENT LEUR JUSTIFICATION DANS TOUTES L’U€rss et Macron voudrait UNE ARMEE EUROPEENNE JUSTE POUR LE DEZINGUER. C’est cela le seul but de désarmer les citoyens et les armées de milice qui ne peuvent pas dignement soutenir cette dictature à la fois galopante et rampante selon les circonstances.

  3. Posté par Mady le

    Merci Antoine !!!!

  4. Posté par Antoine le

    NON au dictat de l’UE !
    NON à l’accord cadre !
    NON à l’accord de l’ONU !
    Nous sommes une Démocratie et le gouvernement actuellement au pouvoir est au service du Peuple souverain suisse !
    Et non l’inverse !

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