Hollande ressemble à ce coq qui s’imaginait faire lever le soleil en chantant le matin. Malheureusement, il ne semble pas se rendre compte que le soleil ne se lève pas du tout, que la nuit semble même plus sombre. Il paraît également sujet à certains trous de mémoire, et parfois aussi à un début de confusion mentale.
Le Président de la République a commencé sa conférence de presse en rappelant sa décision d’intervenir au Mali. C’était pour lui l’occasion de remémorer le seul succès de sa présidence et de souligner ce qu’il voulait le fil rouge de sa prestation, sa capacité à prendre des décisions. Il aurait pu s’arrêter là, car le reste du discours a été comme d’habitude un long travestissement du réel. La nuit de la récession frappe l’Europe. La méchante déesse qui la provoque, la prolonge et l’amplifie s’appelle l’austérité.
Lui, Président, a été le seul à montrer la voie en proclamant la nécessité de la croissance, à laquelle se rallieraient les Européens enfin éclairés par la clairvoyance française. Emporté par sa vision prophétique, notre Président n’hésite pas à reparler d’un modèle français qu’il faudrait promouvoir en dessinant l’avenir de la France pour les dix ans qui viennent, et qui devrait entraîner l’Europe dans son sillage. Pour la France, ce sera le développement numérique, la transition énergétique, les investissements dans la santé et les transports. Pour l’Europe, ce sera un gouvernement économique avec un responsable à sa tête, un plan pour l’insertion des jeunes et un plan d’investissement pour l’industrie et l’énergie. Dans son élan, il ose le paradoxe du mouvement comme seule réalité durable. Si l’Europe s’arrête, elle s’efface.
Nos souvenirs nous suggèrent que la situation actuelle a justement été provoquée par les avancées de l’Europe, son élargissement, son approfondissement, la constitution d’une zone euro avec des pays aux économies disparates dans laquelle on s’est empressé de faire rentrer d’autres pays encore plus éloignés des critères. Ils nous rappellent aussi qu’on a déjà créé des postes de responsabilité européenne, sans le moindre effet ni même la moindre efficacité. A quoi servent M. Van Rompuy ou Mme Ashton ? L’idée d’un grand plan d’avenir pour l’Europe, c’était la défunte stratégie de Lisbonne qu’il paraît pour le moins curieux de ressortir alors que l’Allemagne et le Royaume-Uni ont imposé à la France une diminution du budget européen. Quant à la France, elle n’a pas attendu François Hollande pour lancer des investissements d’avenir. C’était le projet fondé sur le grand emprunt de 35 Milliards, dont on sait qu’il n’était pas assez grand pour être décisif, qu’il contribuait à accroître le déficit et la dette tant reprochés à l’exécutif précédent, et qu’il arrivait déjà trop tard dans une situation financière trop dégradée. L’imprécision présidentielle ne nous a d’ailleurs guère rassurés sur le projet décisif pour la Région Nord-Pas-de-Calais du canal Seine-Nord. La crise financière est derrière nous dit avec beaucoup de présomption le chef d’Etat français. Pourtant, c’est elle qui, en partie, a créé la situation européenne et nationale dans laquelle nous nous débattons, et ses remous récents à Chypre ne sont pas si éloignés. Mais il s’agit de paraître l’oublier pour mieux souligner la responsabilité de l’exécutif précédent. Le Président serait-il victime d’un Alzheimer précoce ?
A Bruxelles, François Hollande se disait médecin au chevet de la France. On peut craindre que sa tendance à l’aveuglement le conduise à une terrible erreur de diagnostic. La cause de la maladie de langueur dont souffre l’Europe serait l’austérité. Il faudrait donc injecter des liquidités supplémentaires pour retrouver la croissance, comme le font les Etats-Unis et le Japon ? Le Japon a sa monnaie à lui, qui chute, et une dette grandiose, mais détenue par ses nationaux. Les Etats-Unis ont une monnaie dont le statut est unique au monde. Ils n’ont pas été en déficit constant depuis 1974 comme la France et surtout ont la mauvaise habitude de créer des bulles spéculatives qui se transforment en crises dont les Européens ont manifestement plus de mal qu’eux à sortir. Aucun de ces deux pays n’ atteint un niveau de dépenses publiques ni de protection sociale comparable à ceux de la France. Dans aucun de ces pays on ne travaille aussi peu qu’en France. L’Allemagne, elle, n’acceptera jamais qu’on joue avec la monnaie. Elle bénéficie aujourd’hui d’un euro qui est un Mark sous-évalué avec lequel elle parvient à avoir un excédent commercial de 160 Milliards. Elle a fourni les efforts nécessaires, notamment pour le coût du travail, qui lui permettent de respecter les critères européens. Ce que Hollande dénonce comme l’austérité coupable de tous les maux, c’est la vertu de rigueur à laquelle la France qui collectionne les mauvais chiffres, pour la dette, le déficit, le chômage, le commerce extérieur, la croissance voudrait échapper ! Il prétend même avoir perçu, contrairement à son prédécesseur, l’importance du coût du travail pour la compétitivité, alors que l’une de ses premières mesures a été de revenir sur la modeste TVA sociale mise en place par Sarkozy. Manifestement, ni du passé, ni du monde extérieur, François Hollande n’a une vision très juste. La véritable cause de nos malheurs réside bien dans une dépense publique supérieure à nos capacités de financement, notamment pour assurer une protection sociale et un emploi public excédant les besoins. Ce « modèle » français est bien, contrairement à ce qu’affirme Hollande, le problème et non la solution.
Mais notre Président est aussi victime d’une curieuse confusion. Personne n’aurait parlé de compétitivité avant le rapport Gallois. Manifestement celui-ci aurait été pour le Chef de l’Etat une découverte. De même, il paraît ravi d’avoir perçu le lien entre l’allongement de l’espérance de vie et le recul nécessaire de l’âge de la retraite. Il présente comme une grande avancée le principe suivant lequel le silence de l’administration vaudrait acceptation. Selon lui, jamais l’opposition socialiste n’aurait demandé la démission d’un Ministre de Sarkozy. Manifestement il ne se souvient pas de l’attitude de l’opposition durant le mandat précédent sur la TVA sociale, la taxe professionnelle, les retraites, ni du fait que nous avions déjà voté ce principe avec lequel il prétend innover. Enfin, les demandes de démission de ministres étaient systématiques de la part de l’opposition précédente. En Juillet 2011, c’était justement Manuel Valls qui demandait celle de Claude Guéant. François Hollande voulait réenchanter le rêve français. Il n’a en fait réussi qu’à s’enfermer dans une vision rêvée de la réalité alors que le pays vire au cauchemar.
Christian Vanneste
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