Allemagne et Grèce, les deux extrémités de la chaîne européenne

 

La crise grecque toujours recommencée

Après trois épisodes de réaménagement de sa dette voici que la Grèce est en passe de revenir au premier plan de l’actualité européenne : la récession est toujours là, tandis que la réduction des déficits n’est pas au rendez-vous et elle est écrasée sous le poids de sa dette (180 % du PIB).

L’Europe veut, une nouvelle fois, allonger les délais de maturité de sa dette, on parle même d’effacer l’ardoise, merci aux contribuables européens ! Tout cela pour sauver à tout prix la zone euro. Confrontée au Brexit, l’oligarchie ne peut se permettre un Grexit cataclysmique à l’heure de la submersion migratoire. Une double tragédie provoquée par l’impéritie européenne. La question est maintenant de savoir si le scénario de sortie de l’eurozone est d’un prix moins élevé que celui d’y demeurer pour des intérêts qui, de toute façon, ne sont pas ceux des grecs.

Le tonneau des Danaïdes

Près de 250 milliards de dettes ! Au sein du FMI, les pays émergents renâclent à payer pour la Grèce, les politiques dites d’ajustement ne marchent pas. Pour rester dans la zone euro, la Grèce va devoir subir un programme draconien (encore un Grec !) avec des échéances fixées pour la décennie 2020/2030 autant dire aux calendes… du même tonneau ! Cette tragédie (de tragos le bouc), dont, pour la décrire nous empruntons aux Grecs… anciens, leur vocabulaire, prend la forme bien réelle de 57 % de jeunes au chômage (27 % de chômeurs total) et une baisse du PIB de 25 %. Tsipras qui est européiste par internationalisme gauchisant, a manqué le Kairos – le moment historique – au cours de l’été 2015, d’échapper à l’emprise de la Troïka. Mais le temps de solder la crise de la dette est déjà passé. L’Allemagne l’a compris qui commence à renâcler, non seulement pour payer pour les Grecs, mais maintenant pour l’Europe.

Wolfgang Schäuble en Héphaïstos

Le ministre des finances allemand est entré en révolte contre l’olympe de Francfort, face aux facilités monétaires de la BCE (le quantitative easing [QE]) ; il considère que la rémunération négative de l’épargne est un coup très dur pour le peuple allemand à la fécondité défaillante et aux retraites croissantes. Paradoxe, le modèle de la BCE, indépendante des pouvoirs publics pour éviter l’inflation, était une idée allemande. Hélas, à qui profite le crime des facilités monétaires ? Aux pays du sud dont la Grèce !

Qualifié par les médias keynésien d’homme le plus dangereux d’Europe, Schäuble est néanmoins réaliste et voit, dit-il, « se creuser le trou béant dans les systèmes de retraites » ; lesquelles retraites, en Allemagne, sont par capitalisation. Ajoutons que les deux syndromes de l’affaiblissement de l’économie avant d’être celui de la sortie de l’histoire d’un pays – a fortiori un continent –sont la sape de son épargne et lorsqu’il se laisse envahir…

Facilité monétaire d’un côté, rigueur de l’autre

Dans cette analyse, la politique de la BCE consiste en des rachats obligataires en créant l’illusion qu’il y aurait de la demande pour la dette d’États surendettés. Comment, dans ces conditions, peut-on créer cette l’illusion d’un côté et demander à la Grèce de payer sa dette ? De surcroît, elle est montrée du doigt pour ses défaillances dans la gestion de la crise migratoire qui implique de facto l’accroissement de la dette publique (0,3 % du PIB supplémentaire). En cas de Grexit, la responsabilité en incomberait à l’oligarchie européenne en dépit des dérobades ou des impuissances certaines de la Grèce face à des réformes structurelles !

Prométhée enchaîné

De toute façon, l’Europe se dérobe à l’obligation de lier la crise des refugiés aux problèmes du remboursement de la dette grecque. Ce qui apparaît donc dans cette « chaîne » européenne, c’est que le maillon faible n’est pas seulement la Grèce, même s’il suffit d’un maillon pour la rompre, ce qui est en cause ce sont les formidables contradictions d’une institution dont les fondements mêmes sont gravement ébranlés. L’Europe, c’est Prométhée enchaîné, au contraire de ce que prétend Obama dont l’impudente ingérence ne se cache pas, quand il se porte au secours de l’oligarchie bruxelloise face au risque de sortie de la Grande-Bretagne.

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