A force de gesticulations intellectuelles, juridiques ou philosophiques, quand elles ne sont pas teintées de politique, les experts et autres spécialistes de la question de l'internement à vie prennent clairement le risque d'une nouvelle initiative. En effet, comment envisager ces atermoiements autrement, entre la volonté populaire clairement exprimée et un système judiciaire plus exégète que serviteur du droit tel que le Souverain l’exprime en Suisse et non pas à Strasbourg ?
Le Tribunal Fédéral dans sa jurisprudence de 2013 sur l'affaire de l'assassin de Lucie a posé une interprétation si restrictive qu'elle invalidera tout internement à vie, y compris dans les affaires qui défraient la chronique ces dernières semaines. Sans montrer une franche opposition à l'article constitutionnel, il a tenu à marquer son attachement à des considérations juridiques certes explicables, démontrables et défendables en droit, mais qui apparaissent à tout le moins borderline par rapport à la vox populi. Ce faisant, il confirme le péché mignon des juges : le Droit est une exégèse qui leur appartient, ils sont les Diseurs du Texte et le peuple, quelles que soient ses décisions, ne peut que se donner l'illusion de décider. On a le sentiment que la méthode se répète souvent : votez toujours, on verra plus tard ce que l'on en fera. Ce ressenti est de plus en plus présent dans les esprits et renforce l'idée que nos institutions ne servent plus les citoyens, mais que des forces extérieures parviennent de mieux en mieux à manipuler notre système de démocratie directe pour lui imposer ses vues ou protéger ses prérogatives.
Imaginons le pire, s'il n'est pas déjà arrivé : Un de ces assassins, interné sous le régime normal faute de psychiatres signant le diagnostic comme durable, finit par créer les conditions d'une manipulation suffisamment habile pour avoir droit à un traitement et finalement sortir; et il récidive! "Oui oui", je sais c'est déjà arrivé. "Non non", les psychiatres ne s'y feront plus prendre, d'ailleurs, les cantons Suisses ont déjà pris des mesures qui entreront ... nous répète-t-on sans cesse... (Amusant, c'est toujours au futur, l'avez-vous remarqué?). Donc ce scénario arrivera, puisqu'il est déjà arrivé. Et rien ne permet de penser que les psychiatres, juges et autres commissions "spécialisées" seront plus intelligents qu'aujourd'hui. "Oui oui" ils ont compris la leçon, sauf que rien ne garantit qu'ils s'en souviennent à jamais, "durablement" pour reprendre le terme sur lequel le TF s'est penché si consciencieusement.
Les exemples les pires que la Suisse ait connus en matière de psychopathes criminels sont, malgré une votation populaire claire et sans ambiguïtés, toujours soumis à l'internement tel que défini selon les principes de droit qui précèdent le changement de constitution et, quels que soient les bonnes intentions des juges, cette situation ne se satisfera pas longtemps d'artéfacts de droit. Il est à remarquer que le retrait à vie d’un permis de conduire ne pose de problèmes à personne alors que le retrait d’un permis de vivre en société pour un psychopathe laisse s’épanouir toutes sortes de complexités infranchissables. Pour criminaliser un comportement routier qui n’a pas encore fait de victime, nos juges répondent présent mais pour les pires psychopathes ils se défaussent sur la psychiatrie.
Il se pourrait bien qu’un jour le Peuple ait alors l'idée de conditionner la sortie d'un criminel à la responsabilité pénale des personnes qui auront tenté cette "expérience" de réinsertion. Ne serait-ce pas la bonne approche puisque le statut d'un criminel psychopathe récidiviste n'est en aucun cas "durable" ? Car c'est bien de cela dont il s'agit : chaque réinsertion est une expérience thérapeutique sauf qu'elle se joue non pas sur la vie du patient mais celle d'innocents pris au hasard dans la population. Et à trop lire d'exégèses complexes dont il est légitime de soupçonner les dérives, on prend le risque d'un futur tsunami constitutionnel que les Juges, par trop sûrs de leurs bonnes interprétations, pourraient un jour faire les frais.
Si les Droits de l'Homme, ou plutôt l'interprétation que l'on en fait, ne permettent pas de protéger la société, il se pourrait bien que nous nous retrouvions encore une nouvelle fois derrière les urnes. Sauf qu'à jouer ce jeu-là il n'est pas sûr que notre relation à la Justice y trouve son compte...
Christian Addy, 21 mars 2016
Et pourtant le vote du Peuple était clair!
Qu’est-ce qu’on en fait?
Danièle M
Un malade mental ou une quelconque personne qui tue sans raison , au hasard ne doit pas avoir la possibilité de faire une seconde victime.
Quand on a commis l’irréparable, on quitte définitivement la société . N