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Chapitre VI (1)
Séjour en Inde – toucher le fond
L’Inde pauvre ? Un jour, à Kalimpong, Francesco, ma fille et moi, nous sommes
assis dans le jardin du charmant hôtel Silver Oaks. Nous appelons le manager et
lui demandons une tasse de thé de première qualité puisque nous sommes au cœur du Darjeeling et des thés les plus célèbres de la planète...
Avec un air désolé il nous répond :
-« C’est vous, en Europe, qui avez les thés de première qualité... En Inde, tout ce qui est de première qualité est immédiatement raflé par les multinationales pour l’exportation... Nous, il ne nous reste que les qualité invendables... »
A Skardu, chez le petit marchand de produits locaux, j’ai acheté des « pierres ».
J’aime les pierres car elles ont des couleurs extraordinaires : les couleurs des produits de notre terre, tellement plus belles que celles que nous pouvons produire avec nos tubes de peinture à l’huile Rembrandt ou nos aquarelles
Winsor&Newton...
Parmi ces pierres il y a un diamant. Je le montre à une amie qui est joaillier. Elle
me dit que oui, c’est un vrai diamant mais il contient de nombreuses impuretés et
a été poli de façon irrégulière. Somme toute, il ne vaut rien... Il brille des classiques « mille feux »... mais n’a pas de valeur autre que mes sentiments.
A Calcutta je veux acheter une hessonite car c’est la pierre qu’un astrologue me
conseille. Quand je fais remarquer au « bijoutier » qu’il y a des petites griffes il
me répond :
-« Bien sûr, il y a des imperfections car ceci est une pierre naturelle... »
Chez nous aussi nous avons des pierres naturelles mais sans imperfections...
L’Europe s’est spécialisée dans la sublimation de matières brutes.
Les exemples sont nombreux : « ils » ont inventé la soie mais c’est à Come qu’on
en a fait un art, ils ont inventé le kashmir, mais c’est en Angleterre qu’on en a fait
des « petites laines », ils ont inventé la porcelaine mais c’est à Limoges qu’on l’a
exaltée ... ils ont les diamants et l’or... mais ce sont Boucheron ou Cartier qui
créent les merveilles... C’est en Europe qu’on a transformé les matières premières en chefs d’œuvres...
Pour quelle raison l’Europe a-t-elle cherché l’excellence?
Est-ce parce que, au départ, l’Europe est très pauvre et a donc dû suppléer avec
son inventivité, développer ses talents ?...
Qu’y avait-il en Europe « au début » ?... des forêts de hêtres et de chênes ? des
châtaigniers ? des sangliers ? Pratiquement tous les arbres fruitiers ont été importés, surtout d’Asie, ainsi que les fruits et légumes, les pierres précieuses et
tout le reste...
Que mangeait-on au Moyen-âge ? il n’y avait pas beaucoup de variété.
Comment étaient nos châteaux forts ? pas confortables...
Nous sommes allés à l’étranger, nous avons copié, ramené, élaboré, amélioré...
Quels besoins les habitants de la vallée Hunza auraient-ils eu d’améliorer la culture de la vigne ou des abricots ? Tout grandit et produit de lui-même sans besoin de soins particuliers... ça pousse tout seul, il n’y a qu’à cueillir et se laisser
vivre... Tandis qu’en Europe on a été contraints de chercher les moyens d’adapter, améliorer, conserver...
Comment conserver les fruits pour l’hiver ? Pourquoi les fruits mal conservés produisent-ils du botulisme ? Fatalement c’est la nécessité qui a aiguisé
l’ingéniosité...
C’est semblable en montagne : les montagnards ont exploité les alpages le plus haut possible, mais ce sont des citadins qui ont inventé l’alpinisme...
En Himalaya, également, ce sont des Occidentaux qui sont allés, les premiers, sur
les sommets...
L’Inde est un pays magnifique, mais comme le dit Michael, « mal géré »...
Comment se fait-il qu’au XVII° on ait été capable de construire le Taj Mahal qui
est une merveille mathématique et qu’en 1992 dans la même ville d’Agra on
construise un nouvel hôtel dont les embrasures des fenêtres sont 30 cm plus
larges que les châssis des fenêtres qui leur sont destinées ? et que personne ne pense à combler cette erreur de construction au lieu d’y laisser nicher des essaims
de guêpes ?
Pendant mon voyage par petites étapes vers Calcutta, je loge dans différents hôtels. Un jour je me trouve à la réception de l’un d’eux pour payer mon séjour.
L’employé me regarde, il regarde ma médaille-talisman.
-« Puis-je me permettre une question indiscrète ? »
-« Oui, bien sûr... »
-« Je vois votre médaillon... êtes-vous musulmane ? »
-« Non, pas vraiment, c’est un souvenir du Pakistan... j’étudie la question car elle
m’intéresse... »
-« Alors je vais vous donner des adresses, si jamais vous avez besoin d’aide, contactez-les... »
Il écrit des adresses dans mon guide touristique puis il ajoute :
-« Dommage que nous ne l’ayons pas su plus tôt, vous auriez reçu un traitement
de faveur... »
Quand, plus tard, je vérifie, je découvre qu’il m’a conseillé un centre du Tablighi Jamaat qui est un mouvement international spécialisé dans la prédication pour que les musulmans ravivent leur foi dans le cadre d’une « interprétation littéraliste »...
Une autre adresse est celle d’un prédicateur barbu « islamiste » dont maintenant
on trouve les prêches sur youtube...
La communauté musulmane mondiale... l’internationale islamiste... l’entraide
fraternelle musulmane internationale... ils sont donc bien organisés en réseaux...
C’est à Calcutta que je rencontre la vraie détresse, surtout des femmes musulmanes. Quand les hommes en ont assez de leur femme « ils la divorcent »... Il leur suffit de prononcer trois fois le mot « talaq » et le tour est joué... En théorie, chez les gens éduqués les pratiques religieuses ont leur dignité, mais en pratique auprès des gens primitifs la réalité est beaucoup moins romantique... Et, dans notre monde moderne, on peut même s’entendre signifier son talaq via téléphone portable... Souvent, la femme divorcée se retrouve à la rue avec ses enfants et sans moyens de subsistance... elle se cherche donc un nouveau mari qui, lui, n’a pas envie d’élever les gosses d’un autre... donc on se débarrasse d’eux... on les abandonne dans les orphelinats...
Il y a une autre détresse déchirante : les enfants... tous ces enfants... Tous ces
enfants qu’on fait naître sans qu’aucun d’entre eux ne l’ait demandé...
Je connais ces théories selon lesquelles les âmes flottent dans les airs et se
choisissent leurs incarnations pour venir sur terre faire un apprentissage...
Cela rejoint la théorie du karma. Il s’agit là de la trouvaille la plus perfide pour
pouvoir se débarrasser de sa propre responsabilité.
« Quand un enfant naît, sa vie et tout ce qui lui pend au nez, eh bien, ce sont ses
affaires : c’est lui qui l’a choisi... il a voulu naître, il a choisi lui-même où naître et comment vivre, cela ne me concerne pas, qu’il se démerde... » le pas suivant est de dire :
« Quelle chance il a d’être malheureux, il va pouvoir racheter ses méchancetés de ses vies antérieures... donc plus il est malheureux plus il a de la chance... et moi je m’en lave les mains ...» C’est le raisonnement le plus cruel et le plus odieux inventé par des esprits pervers pour se déculpabiliser...
Bien au contraire chaque personne est responsable des enfants qu’elle oblige à naître et ça c’est dur à admettre... Surtout dans le cas d’enfants qui naissent
handicapés... Ce n’est pas l’enfant qui a choisi la consanguinité, les maladies
génétiques, l’alcoolisme, le tabagisme, la drogue, les comportements à risque de
ses concepteurs... mais c’est lui qui va payer les pots cassés pendant toute sa
misérable vie... On se console avec des histoires magnifiques ... On cite Stephen Hawking comme exemple de ce que les handicapés sont quand même capables de faire... mais la souffrance c’est eux qui la vivent...
Les enfants en Inde...mais aussi dans le reste du Tiers-Monde... ils naissent par
milliers ... auprès de gens qui n’ont même pas les moyens de subvenir à leurs
propres besoins... ils naissent destinés à être misérables alors que maintenant nous avons les moyens de permettre à tout le monde de vivre une vie sexuelle
normale mais libérée de la reproduction...
La planète succombe sous la pollution, plus il y a d’humains, plus il y a de pollutions, plus elle va mal et quand même on continue à procréer... Maintenant
nous savons cela et nous ne faisons rien pour arrêter la catastrophe de la surpopulation...
Bien au contraire : quand Pascal Sevran a osé écrire que « la bite des noirs est
responsable de la famine en Afrique » on a poussé des cris d’orfraie au lieu d’avouer que oui, c’est vrai, c’est la bite des hommes qui est en train de détruire
notre planète alors que nous disposons de toute une panoplie de moyens
contraceptifs !
Nous faisons naître des enfants qui ne l’ont pas demandé et ensuite on les oblige
à étudier, travailler, suivre la règle... Jusqu’à quand vont-ils se soumettre ? Que
va-t-il se passer le jour où nos jeunes vont dire « je n’ai pas demandé à naître »,
où ils vont refuser de travailler, où ils vont réclamer le droit à l’alcool, à la drogue, à l’assistance publique...
Qu’allons-nous répondre à la personne qui nous dit « Je n’ai pas demandé à naître, je ne veux pas vivre, je réclame le droit de me suicider »...
A suivre...
Et vous, qu'en pensez vous ?