Autour de moi des amis dépriment. Ils voient l’Europe et l’Occident incapables de résister. Incapables de résister à l’Islam, incapables de résister à Poutine, incapables de résister au mariage gay. Partout règne le sentiment que nous sommes emportés par un boueux tsunami qui renverse toutes les frontières. Frontières entre pays. Frontières entre les sexes. Frontières entre le bien et le mal. Et partout j’entends comme un cri plaintif : pourquoi n’arrivons-nous plus à résister ?
Mais dans le fond, faut-il résister ? Pourquoi ne pas se laisser emporter par ce boueux tsunami ? Et puis résister, cela servirait-il à quelque chose ? A quoi bon s’agiter ?
Ou alors, faut-il résister en s’élançant vers un nouveau monde, en laissant derrière soi le vieux monde, l’obscurité, l’ennui des dimanches sans fin, ces propos qui s’allongent dans une infinie insignifiance. Courir avec des camarades vers un nouveau monde, quelle joie ! Ce serait une rupture profonde avec le quotidien, une Révolution pour tout dire. Comme on y a cru ! Et comme on s’est trompé ! Du quotidien, de l’histoire, de la lourdeur des jours, on ne se dégage pas facilement.
Nonobstant, le mythe de la révolution a fasciné pendant deux siècles. Aujourd’hui, au 21e siècle, nous assistons au chant du cygne de ce mythe. Lors du Printemps arabe et à Maïdan on aura psalmodié les dernières strophes de ce chant. Il a été entonné avec d’autant plus de ferveur que, dans le fond, on n’y croyait plus. Aujourd’hui, nous savons qu’une révolution, c’est des lendemains qui tuent, enferment, exterminent.
La modernité aura oscillé entre la gestion du quotidien et de fervents élans vers une terre promise pour échapper à cette gestion. Or, il est impossible d’échapper à cette gestion de cette manière, car toute révolution produit une réaction qui produit elle-même une nouvelle révolution et ainsi de suite à l’infini. Ce n’est pas ainsi qu’on sort du cours des choses, de la prose de l’histoire.
Première conclusion : la révolution s’inscrit elle-même dans ces eaux boueuses de l’histoire qui ne conduisent finalement nulle part. Elle aura été le miroir aux alouettes de ceux qui ont cru qu’on pouvait avoir le beurre et l’argent du beurre. On ne peut pas à la fois s’élancer vers une terre promise et, en même temps, améliorer la gestion de sa petite vie. C’est l’un ou l’autre. Il faut choisir.
Les révolutionnaires lisaient avec passion les journaux. Ils voulaient voir l’actualité nous amener vers cet autre monde auquel nous aspirons. Ils se trompaient. L’actualité est finalement un triste manège qui tourne en rond, « revolves around itself », dirait-on en anglais pour mieux marquer que révolution (revolve) renvoie à un cycle ou un cercle. Il n’y a et il n’y aura jamais coïncidence entre l’autre monde auquel nous aspirons et la roue du quotidien. Cette roue continuera à tourner. Quoi qu’il arrive ici-bas, ce ne sera jamais un prélude à de lumineux lendemains. Telle est la leçon à tirer de deux siècles d’espoirs révolutionnaires. Ils étaient creux, ces espoirs, et n’ont rien produit. Pire ! Ils ont produit des horreurs.
Deuxième conclusion : ce n’est pas en devenant révolutionnaire qu’on résiste. Toute révolution ne fait que laisser encore plus le champ libre au boueux tsunami de l’histoire.
Alors comment résiste-t-on ? Faudrait-il renoncer à tout engagement et suivre Platon hors de la caverne du monde par le suicide ou la méditation ?
Ce ne serait pas une mauvaise chose que la méditation, au moins dans un premier temps. Ne sommes-nous pas tous fatigués et exaspérés par ces plans de redressement pour la croissance, la paix dans le monde, un meilleur climat ? Au lieu d’un énième programme de changement, osons la retenue, un temps d’arrêt, une inspiration, qui mettraient quelque chose du ciel dans nos actions. Car ce qui est déprimant, dans nos efforts, aujourd’hui, est qu’ils sont désespérément horizontaux, proviennent de nos bas horizons et nous y ramènent.
La première forme de résistance consiste donc à ne pas répondre, lorsqu’on nous demande ce que nous proposons pour l’avenir. Fermons nos visages devant tous ceux qui nous invitent, sourire aux lèvres, évidemment, à participer à cette grande course pour le progrès qui s’achève dans le néant. Alors, peut-être, la chance nous sera-t-elle donnée d’accueillir un souffle venu d’ailleurs et qui gonflerait enfin nos voiles pour sortir du port de nos petites concoctions intellectuelles.
C’est par là que commence la résistance : le silence, le recueillement, la méditation. J’entends déjà des commentaires sarcastiques. « Comme il est nase ce type ! Il ne nous dit pas quoi faire ! » En fait, l’abruti, c’est celui qui attend qu’on lui dise ce qu’il faut faire.
Ne nous laissons donc pas impressionner ! La plupart de ceux qui ont changé le monde ont paru ridicules, insignifiants, incapables d’énoncer un programme. Le Christ devant Ponce Pilate, est resté muet. Il n’a rien expliqué, rien proposé, et ses disciples étaient très déçus par son impuissance devant les gladiateurs qui le fouettaient ou le ridiculisaient. Qu’il ait existé ou non, qu’il ait été fils de Dieu ou non, force est d’admettre qu’il a radicalement changé l’ordre des choses romaines et même humaines. A méditer !
Jan Marejko, 21 août 2015
Il y a de quoi méditer en effet et il n’est pas absurde de concevoir quelque nostalgie du Paradis perdu lorsque l’on voit ce que l’on voit et que l’on entend ce que l’on entend.
Pour autant méditer ne nous dispense pas nécessairement de nous efforcer de saper davantage encore les vestiges de l’hydre révolutionnaire qui bouge bien trop encore.
Il y a d’ailleurs un dirigeant sur la planète qui tient plutôt bien ce cheminement : c’est le président Poutine.( ce n’est pas moi qui le dit mais le très fiable en la matière Hubert Védrine , ancien Ministre des Affaires étrangères sous François Mitterrand )
Oui, le silence est la vraie réponse aux questions. Les problèmes humains ce sont les réponses pas les questions. Le dérèglement climatique par exemple n’est un problème et même peut-être n’existe que parce qu’on veut avec une infinie prétention y apporter une réponse au lieu de s’arrêter et faire silence.
Seule la vérité du silence dégouterait l’homme de consommer et dévaster, ce qu’il ne fait que par peur de la mort.
La vraie révolution c’est la conversion, désirer le rien au lieu de fantasmer la plénitude totalisante vendue par la société de consommation et tous les faux prophètes.
Que de nobles buts!
Milovan Djilas, dans conversations avec Staline, affirme qu’il croyait oeuvrer pour « la fraternité universelle », dur comme fer. Avant d’en revenir!
En lisant « Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine » je constate aussi de nobles buts, servis par des personnalités remarquables. Mais, la lecture étant parfois fastidieuse, je jette un coup d’oeil à la fin du livre. Pour découvrir ceci: « Les désastres dans lesquels le groupe dirigea la politique britannique dans les années avant 1940 ne sont pas de nature à pouvoir garder leur prestige intact. »
Je ne sais plus qui ayant cité je ne sais plus quel passage du Coran, je décidais d’y jeter un oeil. Lequel fut attiré par un autre étonnant verset. 112:11 « Lorsqu’on leur dit « ne faites pas de mal sur la terre » ils répondent « nous ne sommes que des REFORMATEURS » (je pense évidemment au réformes de l’enseignement!). Qu’y faire? Ce sont des êtres malfaisants, mais ils n’en ont pas conscience. »
Jan Marejko propose: s’arrêter, méditer. Ce que j’ai entendu de mieux depuis des années. Mais tous exigent du pouvoir. Et cela ne laisse rien présager de bon.
Voilà ce contre quoi il faut résister (vidéo de 8mn) :
https://www.youtube.com/watch?v=_dG8hSd6Bek
Et comment résister ? En commençant par VOTER POUR LES PARTIS DEFENDANT LES NATIONS (diabolisés par ceux contre lesquels il faut résister.)
“Des amis dépriment. Ils voient l’Europe et l’Occident incapables de résister à … Poutine”
Consternant ! Mieux vaut en rire qu’en pleurer. J’ai arrêté là la lecture.