Il existe des moments critiques, privilégiés où, à l’inverse, les invariants deviennent variables, ce sur quoi on s’appuie se dérobe. C’est le cas des périodes dites de crises; vous savez que nous les définissons comme des périodes de rupture, des moments où ce qui était fixe, acquis, cesse de l’être. Dans ces moments-là, il faut une autre pensée que la fondamentale, il faut être radical, aller à la racine des choses. Le radical, c’est ce qui a rapport à la racine des choses, à leur principe.
Pour comprendre le monde, il faut des outils. Des outils intellectuels qui permettent de fouiller, de mettre de l'ordre et de proposer des interprétations. Le monde se donne à voir, certes, mais ce que l'on voit est souvent trompeur. Pas seulement à cause de sa superficialité, ou du mensonge. Non, plutôt parce que la logique de ce qui apparait est cachée, enfouie.
Avant de parvenir jusqu'à nous, la vérité d'une chose, ou d'une situation, doit traverser toute l'épaisseur d'une culture, d'un cerveau humain, de la résistance des intérêts particuliers et bien d'autres choses encore. En ce sens, l'information des Main Street Médias doit être prise comme une matière première, un point départ, qu'il convient de travailler, triturer.
Souvent, pour gérer, travailler dans la vie courante, décoder les signes pour trouver le fondamental utile, cela suffit. Et c'est normal car, en régime de croisière, le fond ne change pas, on peut le poser comme invariant pour les besoins du jour. Le joueur de football n'a pas besoin de tenir compte de la rotation de la terre pour marquer son but.
Il existe des moments critiques, privilégiés où, à l'inverse, les invariants deviennent variables, ce sur quoi on s'appuie se dérobe. C'est le cas des périodes dites de crises; vous savez que nous les définissons comme des périodes de rupture, des moments où ce qui était fixe, acquis, cesse de l'être. Dans ces moments-là, il faut une autre pensée que la fondamentale, il faut être radical, aller à la racine des choses. Le radical, c'est ce qui a rapport à la racine des choses, à leur principe.
Les deux positions, la fondamentale et la radicale peuvent et doivent coexister, car, dans le quotidien, il faut bien vivre, simplement il ne faut pas se tromper de caisse à outils quand on veut travailler, ausculter, mettre en ordre par la pensée, le réel. Il faut adapter ses outils à son projet. L'erreur que nous soulignons souvent, c'est de partir en short au pôle nord!
Si on veut travailler le bois, il faut des outils de menuisier; si on veut aller à la plus profonde réalité du bois, comprendre comment cette matière est faite, il faut des instruments de chimiste; si on veut aller plus loin, remonter aux molécules, atomes et particules, il faut encore changer et prendre sa panoplie de physicien.
Cela doit être la même chose s'agissant des matières humaines. Selon ce que l'on veut faire, gérer, prévoir, comprendre, convaincre, modifier, les outils intellectuels sont différents.
Pour comprendre et traiter les crises, il faut aller à la racine des choses, considérer que le savoir d'une époque fait partie intégrante de cette crise, que les invariants doivent être remis en question. Il faut comprendre que le savoir, le discours des hommes sont produits par les situations, qu'ils sont un symptôme, une manifestation biaisée de la vérité profonde qui se cache sous les apparences. Nous irons jusqu'à dire que c'est dans les failles, les faiblesses du discours, dans ses incohérences, que git le fil conducteur qui permet d'accéder à une certaine vérité, utile, déjà explicative, mais encore provisoire. Car vous savez pour nous lire que nous mettons la Vérité au centre de nos préoccupations, tout en considérant qu'elle n'est qu'un projet, un passage à la limite.
En France, Hollande ne conduit pas le pays, il l'exprime dans ses contradictions, dans ses peurs, dans ses manques, dans ses vices, dans sa névrose. Il tient la place de gestionnaire du système. Peut-être même, ne tient-il, en fait, que la place de simulacre de gestionnaire.
La pensée positive a besoin de personnifier, de désigner, pour se raccrocher à quelque chose et tenter de faire tourner un monde qui la dépasse. Derrière Hollande, il y a des forces qui agissent, forces d'action et de réaction, et ces forces, elles aussi, sont actionnées par des gestionnaires ou des simulacres de gestionnaires.
La première des choses qu'une opposition politique devrait faire au lendemain d'une élection, c'est... travailler, se mettre au travail. Etudier sociologiquement, sociétalement, qui a fait ce roi?
Qui l'a fait roi celui-là? Avant, on le faisait plus ou moins bien, mais on le faisait, du temps de
Giscard, par exemple, on se posait ce genre de question. Mais cela, c'était comme dans la pub, c'était avant!
Avant, on aurait cherché à comprendre où se situaient les axes de la société, ses courants porteurs, ses dominantes, on aurait cherché les convergences des groupes sociaux, tenté d'imaginer les alliances possibles. Mais tout cela, c’était avant. Du temps où on travaillait, où on ne se bornait pas à répéter en boucle le psittacisme médiatique dans lequel on ne retrouve que ce que l'on y a mis, c'est à dire rien. Ou plutôt si, le miroir aux alouettes de Marine Le Pen et la question de savoir s’il faut la fréquenter.
Ce qui est au cœur de l'action gouvernementale, si on laisse de côté le sauvetage des banques qui financent les largesses de l'Etat-Providence, le cajolage des ultra-riches qui ont payé l'addition des élections, la protection des fonctionnaires et la mise en avant des marginaux anti-héros, ce qui est au cœur de l'action, c'est la revendication de l'égalité.
La mise en avant de l'égalitarisme. Voyez-vous le moindre débat sur cette question centrale?
Les hommes naissent libres et égaux en droits, dit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. D’accord, mais le restent-ils une fois qu'ils sont passés de l'état abstrait et, il faut le dire, très éphémère, d'être naissant à l'état concret d'être vivant ?
Constate-t-on le règne de l'égalité? Bien sûr que non. Ce que l'on constate, c'est qu'il n'y a pas deux êtres humains qui soient identiques, « l'un parait toujours pire que l'autre ». Les hommes ne sont égaux que numériquement, abstraitement. Aucun Etat n'a jamais pu empêcher certains « d'être plus égaux que d'autres ». Il suffit de relever ce qui s'est fait dans les pays du socialisme réel, il suffit de s'attarder sur les dépenses somptuaires de Hollande et de Michèle Obama.
Concrètement, tous les hommes diffèrent. Construit-on une politique sur une remarque absurde? Certes non! Etre libre en droit, au niveau de la parole abstraite, n'a, à notre connaissance, jamais produit la moindre égalité en fait. Pour passer du droit au fait, ce n'est pas un miracle, un vœu qu'il faut faire, c'est employer la force, la violence. Il faut contraindre, forcer le réel à se plier à l'Idée. L'égalité n'est pas une loi de la nature, donc, qui a le droit, la légitimité, pour fabriquer le trébuchet, la balance qui sert à mesurer et corriger les inégalités? Est-ce le parti politique d'un moment, le Président élu sur une mystification, la Télé des fonctionnaires de l'Etat...? Ou bien est-ce la société civile dans sa durée, dans son expérience, dans sa confrontation de tous les instants, au réel et sur tous les sujets?
Pourquoi le Parti, pourquoi le Président, échapperaient-ils à la mesure de l'inégalité, sont-ils de droit divin, de science infuse? De quel droit, par quel mystère, précisément, le Président auto-proclamé « normal » détiendrait-il la clef du coffre qui contient le fameux trébuchet? Comment aurait-il la légitimité d'être plus inégal que les autres et d'avoir ce pouvoir de dicter l'égal et l'inégal? L'inégalité recouvre le fait d'accumuler plus de biens et de prérogatives, le comble de l'inégalité est atteint dans les pays les plus socialistes, là où les Nomenklatura se concèdent faveurs, gratifications, et passe-droits. Dans ce type de pays, il suffit d'être élu pour que tout soit donné, donné sinon pris. Hélas aussi, dans ces pays, les conséquences de l'égalitarisme ne sont pas longues à se manifester, car rapidement, le découragement, voire la colère, gagne les producteurs et la manne à partager décroit rapidement, détruisant la matière même convoitée par les égalitaristes. Inévitable, imparable boomerang.
L'égalité est une incantation qui, pour prendre forme et guider légitimement l'action politique doit avoir un contenu. Et ce contenu, c'est la société éclairée, dans sa complexité, dans sa permanence, dans ses conflits, dans ses essais et erreurs, qui doit l'élaborer, pas le gagnant ou les gagnants momentanés d'un hit-parade dévoyé.
Au passage, nous ne résistons pas, pour vous distraire, à vous citer du Montesquieu: L'esprit des lois « ne consiste pas à faire en sorte que tout le monde commande ou que personne ne soit commandé, mais à commander ou à obéir ou à commander à des égaux; il ne cherche pas à n'avoir point de maître, mais à n'avoir que des égaux pour maître ».
A notre avis, Hollande a dû lire Montesquieu avant de monter sur le trône. Montesquieu était un imbécile, dont les arguties, comme celles de Rousseau, expliquent en grande partie le mal français hérité d'une Révolution faite par Les Lumières, au profit des bourgeois et de leurs alliés ultérieurs, les nobles et les fonctionnaires, sur le dos des classes moyennes et des sans-culottes.
La réalité de l'égalitarisme est que les moins adaptés, les abonnés de l'échec, les rétifs de l'effort, ont du mal à supporter des supérieurs et que c'est de là que vient leur revendication de les exterminer.
Il n'y a nulle philosophie, nulle raison dans l'égalitarisme, il n'y a qu'envie. C'est la mise en mots et slogans politiques du fameux « ôte-toi de là que je m'y mette » qui se manifeste chaque fois que ceux qui ont été à l'écart du pouvoir le conquièrent. L'égalitarisme prospère sur la négation des causes, des raisons, qui ont produit l'inégalité. Sur l'escamotage de l'histoire et la seule prise en compte du constat du présent. C'est le fameux « vous ne l'avez pas fait vous-mêmes » de Obama qui nie le rôle des individus dans la marche en avant de la société.
Les plus adaptés, ceux qui conduisent la marche de la société, le progrès, ceux qui se coltinent le poids du monde sont beaucoup moins nombreux à participer aux croisades de l'égalité!
Et pour cause, ils connaissent le poids de l'effort, de l'acquisition du savoir, de la discipline, le risque de l'innovation.
Généreux, nous ne nions totalement l'utilité de l'égalitarisme ; en fait, dans nos sociétés, il aide à vivre. Grâce au grand mythe de l'égalitarisme, les fainéants, les mal doués, les abonnés de l'échec peuvent vivre avec l'illusion qu'ils ne sont pas responsables de leur destin, ils peuvent invoquer l'injustice pour se dissimuler leurs insuffisances. L'égalitarisme, vu sous cet angle, a la même fonction que les jeux de hasard, les Loto et autres, une fonction de détournement, de diversion, intégrative. Peut-être, finalement, est-ce la même fonction que celle de l'ultragauche dans le système! Fonction de mythe, d'horizon.
Dans nos sociétés, une sorte d'équilibre s'instaurerait ; d'un côté, on ferait travailler, on exploiterait les plus courageux et compétents en leur promettant richesses et prérogatives; de l'autre, on ferait tenir tranquilles les pauvres par les mythes égalitaristes et les loteries! Avec au milieu, pour récolter, les ultra-riches, les Nomenklatura et leurs alliés exécutants.
Un article du Monde du 16 Janvier 2013 retient notre attention. Il est signé Wieder. Son titre devrait, aurait dû, déclencher une révolution, mais c'était avant. Son titre c'est: « la défiance des Français envers la politique atteint des niveaux records ».
Nous vous renvoyons à cet article. « Le niveau de méfiance est devenu vertigineux » commente Perrineau, lequel fait remarquer que nous sommes à huit mois des élections et que l'un des messages clefs de Hollande a été répété à satiété: « Je veux redonner confiance à la France ».
Voilà le point le plus important qui doit constituer le centre de toutes les réflexions; eh bien non, ce point est escamoté, il passe immédiatement à la trappe. Ce constat du journal Le Monde signifie que l'action du gouvernement est illégitime; il a été élu sur des mensonges, de fausses promesses qui constituaient une insulte à l'intelligence. Laquelle intelligence est censée être la justification théorique essentielle des systèmes démocratiques et même républicains. En mentant, en s'adressant à la bêtise, aux émotions, aux bas instincts, à la collection des intérêts particuliers, on instaure non pas le règne de la démocratie, mais celui de la violence cachée. Laquelle, ce n'est pas un hasard, appelle, compte tenu des rapports de forces et de pouvoirs, ses réponses, la révolte d'abord, puis le terrorisme ensuite. Il fut un temps où les gouvernements osaient encore poser ce que l'on appelait la question de confiance. Mais c'était avant, du temps où les partis n'étaient pas godillots affamés de soupe.
Lisez ou relisez cet article du Monde, on est au cœur de la politique, la vraie. Ne vous étonnez pas si nous marquons de cailloux blancs la dérive fasciste de nos systèmes, nous sommes fidèles aux vraies définitions du fascisme, pas aux idioties de la mémoire collective trafiquée. Les deux axes du fascisme sont la négation des libéralismes et l'irrésistible montée de l'étatisme. Un point c'est tout, tout le reste n'est que circonstanciel, contingent. L'essence du fascisme est là, voir notre article sur ce sujet.
La multiplication des droits, chère aux socialistes, est en réalité un instrument d'esclavage, car qui déclare un droit qui n'a pas été produit librement par la société civile est obligé de l'imposer donc de se donner les pouvoirs, la force, pour contraindre à le « respecter ». Nous mettons respecter entre guillemets, car le choix du mot est biaisé bien sûr. Le respect, c'est crainte mêlée d'admiration et, dans le cas de droits imposés par les socialistes, il y a certainement un peu de crainte, mais pas beaucoup d'admiration!
Voici une citation, elle est du Manifeste Roosevelt, 2012: « Hélas, nos dirigeants semblent totalement dépassés ; ils sont incapables aujourd'hui de proposer un diagnostic juste de la situation et incapables, du coup, d'apporter des solutions concrètes à la hauteur des enjeux. Tout se passe comme si une petite oligarchie intéressée seulement par son avenir à court terme avait pris les commandes ».
Ce constat ne se situe même pas au niveau fondamental, il est au niveau des apparences, de la gestion de court terme, comme nous disons. En effet, les hommes ne sont pas méchants volontairement, c'est rare. Comme nous le répétons, il faut être fort pour être méchant et la société est faite de gens faibles, affaiblis, et qui se complaisent dans leurs insuffisances, persuadés qu'ils sont que c'est aux autres de les combler, pour eux. Donc, il faut dépasser le constat ci-dessus, même s’il est juste.
Non, le mal se situe dans la déliquescence de la pensée, dans l'illusion entretenue chez les zozos politiciens et médiacrates qu'ils savent tout et que, eux, détiennent la vérité; ils savent mieux que la société civile, mieux que les hommes, les citoyens, les travailleurs, les entrepreneurs, les épargnants, les couples, les enfants, ce qui est bon pour eux. Une illusion qui s'inscrit dans les registres de la société par le biais de la propagande, de l'argent des kleptocrates. L'argent des kleptos marque le faux, le mensonger du sceau du vrai, par la répétition. L'erreur et le mensonge réussissent parce qu'ils sont marqués, validés par l'argent (gratuit en plus) d'un système de profiteurs et de détourneurs du bien public: la monnaie.
Nous citons Edgar Morin: « Notre machine à fournir des connaissances, incapable de nous fournir la capacité de relier les connaissances, produit dans les esprits, myopies, cécités. Paradoxalement, l'amoncellement sans lien des connaissances produit une nouvelle et très docte ignorance chez les experts et les spécialistes, prétendant éclairer les responsables politiques et sociaux. Pire, cette docte ignorance est incapable de percevoir le vide effrayant de la pensée politique et cela, non seulement dans tous nos partis en France, mais en Europe et dans le monde… Ce mal est généralisé. La gauche est incapable d'extraire de ses sources libertaires, socialistes, communistes, une pensée qui réponde aux conditions actuelles de l'évolution et de la mondialisation. Les progrès d'un vichysme rampant, que nulle occupation étrangère n'impose, impose dans le dépérissement du peuple républicain de gauche la primauté de ce que fut la seconde France réactionnaire ».
Deux remarques.
Dans ce monde imbécile et acculturé, ce qui manque pour qu'il y ait vrai savoir et vraie connaissance c'est la capacité de relier les choses entre elles, de faire ressortir leur lien logique, leur articulation et de montrer que ces liens, dans nos sociétés en cours de vichysation, sont escamotés. C'est dans l'escamotage que git le Pouvoir des usurpateurs. Ce qui manque, c'est l'impératif de pensée vraie, seule efficace et non violente.
L'apport d'Edgar Morin est irremplaçable, c'est celui de l'introduction dans la sphère politique de la notion de complexité.
Vers le milieu des années 80, une prise de conscience de la complexité a commencé chez les meilleurs et moins stupides des socialistes. Nous avons participé, à cette époque d'effervescence de la réflexion, aux travaux de certains groupes en charge de la rédaction du Programme. Hélas, la reconnaissance de la complexité du monde, des choses, des hommes, a été vite, elle aussi, passée à la trappe ; elle ne convenait pas à des gens qui ne rêvaient que d'une chose, l'exercice du pouvoir. La reconnaissance de la complexité implique l'humilité, la prudence, elle récuse le constructivisme comme doctrine de gouvernement. Elle impose de retourner aux sources, aux individus, à la société civile, ce que nous avons fait… mais pas eux!
Nous terminerons sur cette citation de Buffon destinée à nos bouffons: « Y a-t-il une seule nation qui puisse se vanter d'être arrivée au meilleur gouvernement possible, qui serait de rendre tous les hommes non pas également heureux, mais moins inégalement malheureux? »
Et vous, qu'en pensez vous ?