Le monarchisme, dernière chance du socialisme ?

Le dernier Costa-Gavras, Le Capital, n’est pas mal, Gad Elmaleh y incarne à merveille la rage prédatrice et la sotte vanité des hommes d’argent. Le film connaît cependant quelques longueurs, pendant lesquelles on se prend à penser à ce que pourrait donner la logique de l’auteur si elle était poussée dans ses derniers retranchements.

Le film reprend le schéma des américanades à la façon Wall street, l'argent ne dort jamais d'Oliver Stone, avec ce rien de french touch en plus, magnifiquement servie par l'expérience du réalisateur franco-grec.

Ceux qui n'avaient plus grand-chose à dire à Costa-Gavras depuis Z et Etat de siège, et étaient carrément partis fâchés après certaines légèretés à contre-sens de toutes les réalités historiques possibles, se réconcilieront peut-être avec cette fable moralisatrice sur l'inanité des passions matérielles et ce malheur qui vient au coeur de l'homme par l'accumulation de richesses. Il est plus dur à un riche...

Vulgarisation

C'est du Costa-Gavras, les acteurs sont bons, la direction aussi, mais le message n'a pas toujours la même finesse que la facture. Certaines ficelles sont un peu grossières, certaines conclusions un brin sommaires, même si l'on devine que l'auteur fait beaucoup pour s'en défendre. En bref, l'ensemble est un excellent ouvrage de vulgarisation mais ne pourra jamais satisfaire à la prétention documentaire à laquelle Costa-Gavras a toujours aspiré pour ses films. Reste que, dans le cas présent, comme elle insiste plus sur la nature humaine que sur la complexité des phénomènes financiers, la démonstration conserve toute son efficacité.

Techniquement, la thématique est à la page de cette actualité de la finance qui scandalise les bonnes âmes de l'anti-capitalisme plébéien, et le génie de la réalisation s'exprime avec plus de talent qu'ailleurs dans la vision cynique de la maîtrise des fondamentaux de la communication. Un monde de salauds, ou d'inconscients, victimes de leurs insatiables appétits et d'un système qui leur échappe totalement, mais qui ont tout assimilé de la meilleure façon de faire passer les plus sombres pilules sans plus choquer personne.

Une ambiance de plomb et le spectre des illusions perdues, jetées à terre, d'un horizon gauchiste dépassé par sa propre création. C'est sans doute le moment fort du film, celui ou Gad Elmaleh, mâchoire serrée, explique à son vieil oncle anar que la mondialisation a réalisé le rêve de l'Internationale. Cela claque, sec, et sonne terriblement juste... et ne pouvait venir que d'un ancien militant, 50 ans après ses rêves éteints.

Moral du socialisme

Le fond de commerce moral oscille toujours entre un capitalisme exagéré, qui prend tout sans jamais rendre à personne, « au pauvre pour donner au riche », pour reprendre une tirade du film, et un socialisme suranné qui serait plus juste pour faire exactement l'inverse.

L'on tourne en rond, en ce que le socialisme, poussé à son extrême, risque d'enjoindre le riche, moteur de l'économie, à ne plus se fatiguer, voire à s'en aller, et le capitalisme, à son extrême lui aussi, d'affamer des pans entiers de la population laborieuse.

Ce qui navre, voire agace, dans ce débat perpétuel, c'est l'incapacité unanime de concevoir un système, une idée, qui pousserait l'homme à se pencher sur le sort de son prochain et à y trouver sa satisfaction. Une sorte de socialisme volontaire, de solidarité à bien plaire, où chacun se renoncerait sans y être contraint ni menacé d'être égorgé et dépouillé pour le crime d'avoir mieux réussi. Et pourtant cette solidarité peut exister, un autre monde est possible comme ils disent.

Alternative

Le point le plus intéressant de la discussion reste certainement le constat d'échec des systèmes parlementaires modernes, qui se sont avérés incapables de résister à l'influence toute-puissante de l'argent. Républiques de vertu tombant une à une sous le poids de leurs dettes et finalement rachetées par les institutions mêmes qui ont travaillé à leur perte. Sans trop insister sur les circonstances, Costa-Gavras évoque la méthode de la banque Goldmann-Sachs, qui a su placer, à chaque échelon des institutions nationales ou internationales, des hommes de paille en paiement de tout l'or qui lui est dû.

Et le spectateur de s'interroger - devant le constat désolant du rachat de ses libertés contre argent comptant - sur le système politique le plus à même de le protéger de ce renversement d'influence. Un système dont le principe même du pouvoir serait inaccessible à l'argent.

La chose semble impossible au vu de ce que l'homme est devenu. Un système où la faculté de gouverner tomberait presque comme un hasard et pèserait comme une charge, un devoir, et dont la seule condition serait d'être totalement exempte, au moment de l'élévation, du moindre rapport de force, financier, intellectuel, militaire.

Un système où le pouvoir, pacifié des guerres d'accession, coûterait plus qu'il ne rapporte et où les institutions, les hommes, s'uniraient pour renforcer celui que le destin a désigné. Un système qui, surtout, pourrait être renversé sans que l'hydre financière puisse renaître à l'envi, et que tournent les marionnettes sans que changent jamais les mains qui les animent. Une politique qui, sans nier l'argent, le domine; mais ce n'est certainement pas cela que Costa-Gavras a voulu dire.

 

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