En Suisse, à la même époque et plus tard, dès l’achat, les centrales de ce même fournisseur ont été complétées par des systèmes supplémentaires de sécurité, à l’initiative d’ingénieurs suisses…
Tchernobyl, oui, c'était un accident soviétique. En juillet 1986, trois mois après l'événement, j'ai participé à une conférence de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), organisée sous l'égide de son directeur général, Hans Blix, et présidée par un éminent scientifique suisse, Rudolf Rometsch.
Pour la première fois, des scientifiques et des ingénieurs nucléaires soviétiques parlaient "vrai" sans craindre le commissaire du Parti communiste au bout de la table. En fait, Mikhail Gorbatchev avait explicitement donné l'ordre aux participants russes et ukrainiens de dire la vérité, toute la vérité. Ce fut le grand déballage. Une conception de centrale déficiente qui n'avait pas été soumise à une revue technique approfondie, un réacteur instable avec un coefficient d'instabilité positif, c'est-à-dire qu'une augmentation de température fortuite pouvait automatiquement conduire à une augmentation encore plus forte, ce qui exigeait l'attention continuelle des opérateurs. Des opérateurs de formation incomplète, mal payés, qui tard ce vendredi soir ne pensaient qu'à rentrer à la maison et qui court-circuitèrent les systèmes de sécurité pour finir vite.
25 ans après
Fukushima, ce fut tout différent. Le personnel a fait ce qu'il pouvait face à une catastrophe naturelle sans précédent qui a coupé l'accès au site, éventré les routes, coupé l'accès au réseau électrique et à l'eau non salée. Malgré l'absence de planification d'urgence (une négation culturelle japonaise typique destinée à dissimuler tous les risques), les activités post-accident ont été raisonnablement gérées, puisque à ce jour aucune victime résultant des radiations (immédiate ou prévisible) n'a été déterminée, une mince consolation – mais réelle – face aux quelque 20ʼ000 victimes du tsunami.
Toutefois, le tsunami n'est pas une excuse pour les faiblesses techniques des centrales de Fukushima. Comme celle de Tchernobyl, les centrales de Fukushima étaient bâclées techniquement dès le début et elles le sont restées! Elles auraient pu résister aux flots si la gouvernance nucléaire japonaise avait été au niveau de la réputation technologique du pays.
Pendant des décennies, l'exploitant a ignoré les avertissements des sismologues japonais et étrangers sur les risques sismiques à cet endroit (une nature observée depuis cinq cents ans avec une trentaine de grands tsunamis sur la côte est du Japon). Le fournisseur américain a construit la première des centrales de Fukushima sans insister suffisamment auprès des Japonais sur les différences prévalant entre ce site exposé aux catastrophes naturelles et un site américain normal, alors que les ingénieurs japonais accordaient une vénération aveugle à tout ce que ce fournisseur leur disait. En Suisse, à la même époque et plus tard, dès l'achat, les centrales de ce même fournisseur ont été complétées par des systèmes supplémentaires de sécurité, à l'initiative d'ingénieurs suisses conscients de leur propre responsabilité, que ce soient ceux de l'exploitant de centrale ou ceux de l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN).
Je ne pense pas que les Japonais aient eu leur mot à dire dans la construction de ces centrales, tout à la merci du “protecteur “américain. Des ingénieurs et techniciens de la centrale l’ont affirmé, ce sont les US les plus coupables, sans oublier la France qui a vendu ce produit infect pour des raisons essentiellement économiques, en oubliant (volontairement ?) la situation géographique du Japon. Que des négligences majeures auraient pu être réduites à rien est fort possible, disons qu’il manquait une autorité indépendante dans le domaine nucléaire, hormis les savants qui n’en pouvaient mais.