"Polémique: Un élu compare le PS aux nazis" titra Le Matin dans son édition de lundi. Un élu de la commune de Vernier se serait ainsi livré sur son blog à une odieuse comparaison apparentant le parti-national socialiste d'Adolf à un mouvement socialiste parmi tant d'autres, dont celui des socialistes suisses...
Effacée depuis, la phrase incriminée ne put échapper à la vigilance du journaliste de garde. Il y avait péril en la demeure puisque l'individu serait un "récidiviste", ayant osé une autre comparaison du même acabit il y a trois ans à peine! Les rôles étaient distribués et le bûcher dressé. Tout était en place pour un procès médiatique retentissant... Mais le contraire se produisit. Au lieu du tollé attendu, un flot de commentaires allant en faveur de l'élu ou rappelant les accointances entre la gauche et le nazisme força Le Matin à supprimer promptement toute contribution des lecteurs sur le sujet. Caramba, encore raté!
Il faut croire que certains membres du grand public connaissent mieux l'histoire que nos journalistes au point de les troubler, car la proximité intellectuelle entre les mouvements totalitaires - nazisme, communisme, fascisme - est aussi ancienne que documentée.
Une si belle amitié
Dans le flot de l'histoire, attardons-nous sur un point particulier, la résistance française contre l'occupant nazi lors de la Seconde Guerre Mondiale où comme le mentionne l'historien François Furet "le PCF estime avoir été résistant avant même que le France ne soit occupée, avant même que la guerre ne commence". L'historiographie en marche...
L'épisode de la Seconde Guerre Mondiale est important parce que la thèse de la résistance au nazisme est centrale dans l'argumentation des communistes (et par extension de toute la gauche) pour démontrer, par sa haine du nazisme, le fossé sensé séparer les deux idéologies.
En réalité, il n'en fut rien. Des documents d'époque établissent clairement que le Parti Communiste français ne rentra en résistance qu’en 1941, lors de la rupture du pacte germano-soviétique et l'ouverture du Front de l'Est. Si les communistes français prirent officiellement les armes contre les nazis, ce fut sur ordre de Moscou.
Mais avant? Les communistes étaient-ils prêts à en découdre en attendant juste une occasion? Pas vraiment. Comme le rappellent les professeurs Jean Marie Goulemot et Paul Lidsky dans un ouvrage au titre iconoclaste, l'ambiance fut excellente entre les communistes et les nazis aux premières heures de l'occupation, le tout au nom de la lutte contre la bourgeoisie:
Il est particulièrement réconfortant en ces temps de malheur de voir de nombreux travailleurs parisiens s’entretenir avec les soldats allemands, soit dans la rue, soit au bistro du coin. Bravo camarades, continuez même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants ! La fraternité des peuples ne sera pas toujours une espérance, elle deviendra une réalité vivante. (L’Humanité, 4 juillet 1940)
L'Humanité ne dut sa réimpression qu'à la bonne volonté de l'occupant face aux demandes réitérées du PC français. Les communistes, bon princes, invitaient les Français à collaborer avec leurs nouveaux maîtres, le national-socialisme cohabitant en bonne entente avec l'internationale socialiste. Comme le dit la déclaration d'intention du 20 juin du PCF aux nazis, "notre lutte contre Bonnet, Dal, Ray, Man cela a facilité votre victoire", "pour l'URSS nous avons bien travaillé par conséquent par ricochet pour vous".
Enfin, si les communistes finirent par prendre les armes contre les nazis, c'était non à cause d'une opposition idéologique mais seulement à cause de circonstances propres à la guerre - les mêmes qui eurent aussi pour effet d'allier l'URSS de Staline aux États-Unis de Roosevelt sans que personne n'ose prétendre qu'une vision du monde rassemblât les deux pays.
La Seconde Guerre Mondiale jeta des peuples les uns contre les autres sans la moindre unité de doctrine. Autrement dit, la lutte armée entre l'Allemagne nazie et l'URSS n'est pas constitutive d'une incompatibilité idéologique.
Le socialisme comme valeur commune
La bonne entente temporaire entre les deux courants du socialisme donna lieu à un film documentaire récent, fort peu diffusé dans la sphère francophone (tout comme le film polonais sur le massacre de Katyn) mais éclairant bien des passerelles entre les deux idéologies. Rien n'est plus faux que le premier mythe du communisme, à savoir qu'il partirait de "bonnes intentions":
Le communisme c’est la guerre des classes, et la guerre des classes implique de liquider une partie de la population. Pour restructurer la société, il faut d’abord tuer non seulement les opposants, mais aussi les intellectuels, les meilleurs travailleurs, les ingénieurs, etc. Des groupes entiers de la société. C’est le genre d’ingénierie sociale qu’ont mis en œuvre Lénine et Staline, Mao et Pol Pot, pour ne citer que les plus sanguinaires. Cette ingénierie sociale forcée répond aussi à des critères ethniques lorsque des peuples sont considérés comme trop réactionnaires. Karl Marx et Friedrich Engels prônaient eux-mêmes « l’extermination des Serbes et autres peuplades slaves, ainsi que des Basques, des Bretons et des Highlanders d’Écosse », tous des peuples trop peu évolués pour la révolution communiste et faisant ainsi obstacle à l’inéluctable « progrès » de l’humanité.
Les communistes furent donc non seulement aussi racistes que les nazis mais ajoutèrent l'épuration de classe à l'inventaire de leurs massacres. Marx écrivit dans son journal que "les classes et les races trop faibles pour maîtriser les nouvelles conditions de vie..." devaient "périr dans l’holocauste révolutionnaire".
L'idéal socialiste ne s'embarrasse pas de sentiments et si les nazis et les communistes divergeaient sur la méthode (nationalisme par la conquête ou internationalisme par la révolution) l'objectif du socialisme était partagé, d'où une collaboration de bon aloi entre les deux groupes:
De septembre 1939 à juin 1941, les Soviétiques [livrèrent] aux Allemands des groupes entiers de Juifs qui avaient fui l’occupant allemand. Le NKVD communiste [aida] à former la Gestapo nazie. Soviétiques et Allemands [discutèrent] ensemble de la manière dont il fallait résoudre la « question juive » en Pologne occupée. Les images d’archive de ces officiers soviétiques et allemands qui trinquent ensemble ou de cet officier communiste qui fait le salut nazi aux officiers SS devant un groupe de prisonniers juifs apeurés « rendus » aux Allemand sont sans équivoque. (...) La coopération entre le régime nazi et le régime bolchevique était un fait bien avant le Pacte Molotov-Ribbentrop et elle ne [s'arrêta pas] au simple partage des territoires d’Europe centrale entre les deux puissances.
Si le socialisme n'est pas une forme de nazisme, le nazisme est définitivement une forme de socialisme. Cet aspect était revendiqué par Adolf Hitler lui-même:
"Nous sommes socialistes, nous sommes les ennemis du système capitaliste tel qu'il existe c'est-à-dire basé sur l'exploitation de ceux qui sont économiquement faibles avec ses salaires injustes et l'estimation de la valeur de l'être humain qu'il établit à partir des seuls critères de richesse et de patrimoine plutôt que celles de responsabilité et de performance, nous sommes déterminés à détruire ce système par tous les moyens." (Adolf Hitler, discours du 1er mai 1927)
La Seconde Guerre Mondiale mit fin au nazisme mais tous ne furent pas tués. On connaît l'histoire de scientifiques recrutés par les Américains ou récupérés par les Soviétiques pour leurs programmes spatiaux respectifs ; ceux-ci firent carrière en dépit de leurs liens avec le régime nazi. Il n'en est pas de même avec les anciens SS recrutés par Fidel Castro pour former ses troupes cubaines ; ceux-là furent recruté explicitement à cause de leur passé.
Aujourd'hui encore, si le néonazisme survit en Allemagne c'est avant tout sur les territoires de l'ancienne RDA. Ce n'est pas un hasard.
Connaître l'histoire
Les socialo-communistes de notre époque ne sont pas des adeptes du nazisme, bien au contraire. Ils ont reçu comme tout le monde l'enseignement de la vérité officielle selon laquelle nazisme et communisme se sont combattus historiquement parce qu'ils étaient l'opposé l'un de l'autre. Il n'empêche que cette thèse est fausse. Le passé brosse un portrait nettement plus nuancé des relations entre deux idéologies apparentées.
Aussi, lorsqu'un individu mentionne que les nazis formaient un mouvement socialiste parmi tant d'autres, il n'exprime rien d'autre que les faits historiques, fussent-ils dérangeants. On peut comprendre que la gauche contemporaine se sente offusquée par une telle comparaison, mais au lieu d'intenter une action en justice pour faire taire le fauteur de trouble, elle devrait plutôt faire preuve d'humilité face à son passé... Et se livrer à davantage d'introspection.
Peut-on espérer que la haine légitime de la gauche envers le nazisme l'amène un jour à remettre en question les objectifs politiques qu'elle a en commun avec lui?
Stéphane Montabert, 11 juillet 2014, Sur le Web
Excellent article qui montre bien la profonde parenté entre socialisme et nazisme. Mais article qui, en même temps, rend triste ou amer. Cette parenté, en effet, a été relevée dès les années trente, et depuis lors, d’innombrables ouvrages l’ont aussi relevée. Mais il n’y a rien à faire. On continue à s’ appuyer sur le mythe d’une profonde opposition entre les deux monstres du vingtième siècle. L’occident, si fier de son rationalisme, est incapable, d’une analyse lucide de ce qui s’est passé dans notre pauvre Europe.
Si vous désirez une preuve historique d’une part, voici l’affiche SS, sans ambiguïté aucune, qui se revendique bien du socialisme: http://2.bp.blogspot.com/-U3Mza6IRbRs/UEYEryM4IfI/AAAAAAAADIM/Vu_uA8QZ4lo/s1600/MontWal.JPG
D’autre part, Pierre Milza, professeur d’histoire contemporaine à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, a formellement reconnu les racines socialistes de Mussolini:
“Le jeune Mussolini adhère aux thèses socialistes mais semble plus proche du syndicalisme révolutionnaire, largement inspiré par le sorelisme et le mazzinisme, que du dogme marxiste auquel se conforme la plus grande part des révolutionnaires et socialistes italiens. L’évolution politique et intellectuelle de Mussolini doit beaucoup à son séjour de deux ans en Suisse. Cet exil, imposé par son indigence, se révèle vite primordial dans son apprentissage de tribun et de journaliste. Intellectuel déclassé, vêtu de guenilles, Mussolini est au plus bas et survit en acceptant les petits métiers les plus rudes. Il est malgré tout introduit dans les milieux socialistes italiens en Suisse. Le jeune instituteur en rupture de ban obtient d’écrire ses premiers articles dans l’Avvenire del Lavoratore, journal socialiste dont le rédacteur en chef, Marzetto, lui ouvre les colonnes. Il rencontre surtout une égérie dans la personne d’Angelica Balabanoff, passionaria du socialisme, qui va jouer un véritable rôle de mentor. Elle lui fait acquérir une réelle éducation intellectuelle et politique qui lui permettra de gravir tous les échelons de la hiérarchie socialiste italienne, jusqu’à devenir directeur de l’Avanti, journal du parti socialiste italien.”
http://www.parutions.com/pages/1-4-7-1003.html