Vieille droite et jeune gauche se sont unies de concert pour accabler leur ennemi de toujours. Si autrefois Staline faisait enfermer ses opposants dans des asiles, Jacques Neyrinck se contente de les traiter d’idiots; un progrès ?
Le premier octobre dernier, le Forum de la RTS nous offrait une pinte de son meilleur cru: un Jacques Neirynck dans son costume de petit marquis salonnard, plus engoncé et enfariné que jamais, flanqué d'un mignon de circonstance, le sémillant Antonio Hodgers, trottinant benoîtement à l'ombre du grand maître.
A l'image de son parti, le Conseiller national PDC, en bout de course, met le pied à l'étrier à son héritier idéologique avant de disparaître définitivement de la scène. La leçon est toujours la même, qui relève de l'hypnotisme gesticulatoire en vue de la manipulation des foules. Premièrement, spéculer sur la pérennité de la réputation du PDC en tant que parti de droite, deuxièmement, prêter à l'adversaire un panel de valeurs conservatrices, forcément reptiliennes et, par conséquent, irréfléchies, troisièmement, feindre un attachement pour ce qu'il reste de bon sens terrien dans ces valeurs et constater avec un dépit non dissimulé l'incapacité des garants désignés de l'ordre moral à assurer la conservation de leurs propres principes.
Ainsi a-t-on entendu le vieux bonze pontifier par-dessus l'échine révérencieuse du fonctionnaire médiatique de garde sur l'absence déplorable « de chef » au Département fédéral de la Défense. Pensez donc, l'UDC, dans toute sa rectitude disciplinaire, le jarret saisi dans ses bottes de cuir noir, incapable de faire la seule chose qu'on puisse attendre d'elle, l'ordre. Et le jeune écologiste d'emboîter sagement le pas en confessant toute son inquiétude pour le sort de notre glorieuse armée. Il est des heures subtiles où l'opportunisme des uns, joint à la mauvaise foi de quelques autres, vous offre le spectacle grandiose de l'un des plus pathétiques séides de la “cause” du désarmement montant au créneau pour le maintien d'une force armée de qualité.
L'exercice du jour avait pour objectif de faire le compte des raisons pour lesquelles Ueli Maurer ne saurait être élevé au rang de président du Conseil fédéral. Pourtant élu, en son temps, pour la tempérance de son caractère - censée faire oublier, celui, jugé par trop énergique, de son prédécesseur - le dernier représentant au gouvernement du premier groupe parlementaire n'a pas l'heur de convenir à cette nouvelle aristocratie sans noblesse qui prétend faire de la démocratie le gouvernement des meilleurs.
Ainsi donc la branche décidue de la démocratie chrétienne vaudoise dépêchait un caton perclus d'afféterie pour mener la charge finale; ce qu'il fit, à l'ancienne, au grand trot, avec toute l'élégante mollesse de sa pesanteur. « J'ai l'impression de me trouver devant un pauvre homme [le Conseiller fédéral Ueli Maurer], totalement dépassé par sa tâche. Il n'est pas fait pour ça, il n'a pas d'ouverture, il n'a pas de culture, je dirais même, il n'a pas d'intelligence ». Heureuse terre, avantageux exil, où trois malheureux romans policiers de piètre facture et le panégyrique d'une fausse voyante font de vous le parangon de l'ouverture, de la culture et de l'intelligence. Si l'équipe de Forum tenta, tant bien que mal, de rappeler que le Conseiller fédéral Maurer fut, entre autre, le principal architecte de la claque magistrale qui priva le PDC de son deuxième siège au gouvernement, il ne se trouva cependant aucun « larbin » pour rappeler que l' « on n'insulte pas un magistrat » et faire ravaler son goître à toute une génération de contempteurs.
Gageons que Jacques Neirynck, qui fantasmait encore il y a peu, sur plus de 120 pages, l'attaque du Palais fédéral, se serait magnifiquement trouvé à la place d'Ueli Maurer en charge de la sécurité. Ses déclarations, selon lesquelles l'inconduite d'un employé est à imputer à la responsabilité seule du Conseiller fédéral UDC, s'éclairent d'un jour nouveau à la lumière des ambitions échouées.
La seule information du jour fut l'annonce, entre autres agitations, par le Vert Antonio Hodgers, du lancement de sa dernière trouvaille, soit une procédure d'impeachement à l'intention des ministres. Où l'on voit que la gauche cherche sans doute déjà à se garder des conséquences d'une éventuelle élection de l'exécutif fédéral par le peuple et à se prémunir de cette détestable idée de démocratie qui ne tient aucun compte des conceptions dûment autorisées d'ouverture, de culture et d'intelligence.
Une certaine droite (enfin, il faut le dire très vite…) a aussi les mains sales dans cette affaire. Peut-être était-ce une bonne chose que de ne pas avoir invité un PLR venu défendre les lobbyistes pro-Rafale et jouer au grand spécialiste de l’aviation, comme les tristes guignols de la Soupe ou les journalistes du matin-dimanche inféodés au GSSA). Si Philipp Müller perdure à la tête de ce parti, on peut prévoir que la chute va s’accentuer.
Bien que peu convaincu par le sens politique du Conseiller fédéral Ueli Maurer, je ne vous cache pas que votre article m’a procuré un immense plaisir !
Votre sens de l’analyse et de l’observation est jouissif : comment mieux qualifier Jacques Neyrinck que par les termes de “petit marquis salonnard, plus engoncé et enfariné que jamais”, de “vieux bonze pontifiant”, de “caton perclus d’afféterie”, sans parler de cette phrase qui ne ménage pas l’écrivain : “Heureuse terre, avantageux exil, où trois malheureux romans policiers de piètre facture et le panégyrique d’une fausse voyante font de vous le parangon de l’ouverture, de la culture et de l’intelligence.”
Merci aussi d’avoir relevé “l’échine révérencieuse du fonctionnaire médiatique de garde”, que l’on peut constater à chaque émission de la RTS attestant la présence d’un politicien de gauche.
Antonio Hodgers en aussi pris pour son grade, merci ! Je regrette presque que cette émission n’ait pas réuni Roger Nordmann et Carlo Sommaruga : avec les deux autres, ils forment sans doute le quatuor le plus lamentable du Conseil national.