Commencé en 2020, ce livre a été achevé à l'été 2022 et a paru en français à l'automne de 2024. Ce qui y est dit est toujours d'actualité: Le changement climatique n'est plus ce qu'il était.
Judith Curry a changé de point de vue, en 2009, après le Climategate, quand des courriels entre climatologues et auteurs du GIEC 1 ont été partagés sur divers sites Internet.
Auparavant elle était considérée comme une star par les environnementalistes et une alarmiste par d'autres qui l'accusaient d'apporter sa caution au GIEC.
Quelques années plus tard, en 2017, elle démissionnait de son poste de professeur permanent. En s'éloignant de la doctrine dominante en la matière, elle avait fait le constat:
Je n'étais pas faite pour la vie universitaire [...]. Je n'aimais plus la science dans le contexte de l'écosystème académique - à cause de la politisation de la science climatique. [...] Je travaille aujourd'hui dans le secteur privé.
Ce livre ambitionne de susciter de nouvelles idées et d'élargir la réflexion sur le défi du changement climatique et les solutions possibles.
LE DÉFI CLIMATIQUE
Durant les 4,6 milliards d'années que compte l'histoire de la Terre, le climat a toujours été soumis au changement.
Quelles sont les origines du changement climatique actuel?
Comme précédemment:
- Les influences internes: circulations atmosphérique et océanique.
- Les influences externes: les variations d'énergie reçue du soleil, les effets des éruptions volcaniques.
Auxquelles s'ajoutent:
- Les activités humaines: changement d'usage des sols et de leur couverture, émissions de gaz à effet de serre, dont le CO2.
D'après l'auteure, il est irréfutable que:
- Les températures moyennes de surface ont augmenté depuis 1860.
- Le CO2 contribue à réchauffer la planète.
- Les humains ont ajouté du CO2 dans l'atmosphère.
Ces faits ne disent pas:
- si la cause du réchauffement actuel est dû davantage aux activités humaines qu'à la variabilité naturelle,
- si un changement est possible au cours du présent siècle,
- si le réchauffement est dangereux,
- si la réduction des émissions de CO2 améliorera le bien-être humain au cours du présent siècle.
L'auteure souligne que le GIEC ne définit pas le mot dangereux et souligne qu'aucun seuil (ou point de basculement) à grande échelle du climat n'a été clairement lié à un réchauffement planétaire de 2°C, retenu par le GIEC comme limite impérative à ne pas dépasser pour éviter la catastrophe...
Le problème est qu'il n'y a pas consensus scientifique sur la proportion de réchauffement causée par les activités humaines. Les avis divergent en effet sur l'importance de la variabilité naturelle du climat.
Comme le rappelle l'auteure, les divergences stimulent le progrès scientifique grâce à la tension créative et aux efforts déployés pour résoudre le désaccord. Le scepticisme joue un rôle prééminent dans la science.
En l'occurrence, le scepticisme n'est pas permis. Celui qui critique le GIEC (ses conclusions, son processus, son leadership) est ostracisé 2; il est étiqueté hérétique ou même négationniste:
La recherche du consensus et sa mise en application trivialisent et politisent la science du climat et le débat public sur le changement climatique.
Pour réduire les émissions, le GIEC impose une politique extrêmement coûteuse et infaisable, ne permettant pas de ralentir significativement le réchauffement prévisible au cours du siècle, avec pour objectif de maintenir un climat stable (c'est le concept de durabilité).
En réalité, la planète et son climat sont instables et en déséquilibre permanent: la résilience est la recherche de moyens de s'y adapter, tandis que la recherche de la prospérité permet de s'améliorer (c'est le concept d'anti-fragilité).
L'auteure reproche que le GIEC ait fait du réchauffement climatique le seul problème, alors que bien d'autres menaces existent, telles que la déforestation, la pollution de l'air, de l'eau ou des sols...
Elle ajoute qu'en se focalisant sur les seules émissions de CO2, le GIEC a fait du problème du réchauffement un problème apprivoisé, bien défini, bien compris, alors qu'en fait il s'agit d'un problème diabolique, complexe.
Mais la création en 1988 du GIEC n'est-elle pas l'institutionnalisation de la politisation de la science climatique? Avec pour conséquence qu'il faut être conforme au consensus pour obtenir facilement des financements...
L'INCERTITUDE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Présenter, à tort, le problème du changement climatique comme "apprivoisé" et non comme "diabolique" a débouché sur des efforts institutionnalisés pour ignorer, simplifier et contrôler l'incertitude.
Or la science climatique est un monstre d'incertitude. Sont confondus:
- savoir et ignorance,
- objectivité et subjectivité,
- faits et valeurs,
- prédiction et spéculation,
- science et politique.
Le système climatique est complexe, non linéaire, chaotique. Le GIEC a tendance à le simplifier, à le camoufler par une approche consensuelle. Il faudrait au contraire reconnaître son existence et le comprendre.
La science climatique s'appuie sur de nombreux modèles d'ensemble qui sont autant de simulations à comparer entre elles et par rapport aux observations. Or les modèles climatiques sont imparfaits, ne serait-ce que parce qu'ils ne prennent pas tout en compte:
Par exemple, la plupart des modèles omettent les processus liés aux effets indirects du soleil sur le climat.
Même lorsqu'ils sont complexes, les modèles climatiques restent lacunaires:
Les lacunes les plus graves des modèles climatiques reflètent leur faible aptitude à prédire les fluctuations naturelles du système climatique.
Dans les années 1990, ils ont pourtant mobilisé d'énormes ressources... pour confirmer rapidement que le dangereux changement climatique était causé par les activités humaines.
Par ailleurs le GIEC et l'IEA 3 ont élaboré des scénarios pour imaginer les changements climatiques que nous réserve l'avenir. Il s'agit là de projections reflétant les forçages radiatifs résultant des changements de concentration des gaz à effet de serre et des aérosols associés aux activités humaines.
Le GIEC prend pour hypothèse dans ses cinq scénarios le net zéro en 2050, tandis que l'IEA prend pour hypothèse dans l'un de ses deux scénarios des émissions au même rythme jusqu'en 2050, et dans l'autre, des émissions en 2050, similaires à celles de 2021.
Confrontés aux observations, les scénarios extrêmes ont finalement été considérés comme peu plausibles.
Dans le sixième rapport, AR6, du GIEC (chapitres 11 et 12) (cela ne figure pas dans le résumé pour les décideurs), il n'y a pas de tendance significative observée concernant:
- les sécheresses météorologiques ou hydrologiques,
- les tempêtes extra-tropicales,
- les cyclones tropicaux,
- les tornades, la grêle ou les éclairs associés aux tempêtes convectives sévères.
Pourtant tous les événements météorologiques extrêmes sont désormais associés dans les médias au réchauffement provoqué par l'homme...
Quant à la hausse du niveau de la mer, l'AR6 estime que ce niveau a augmenté de 0,2 m entre 1901 et 2018 et qu'il a été plus rapide depuis le XXe siècle qu'à aucun siècle au cours des trois derniers millénaires. Oui, mais:
Si l'on remonte plus loin dans le temps, le niveau de la mer était plus élevé, de 5 à 10 m, pendant la dernière période interglaciaire (il y a trente-deux à cent dix-neuf milliers d'années)...
L'auteure propose des méthodes alternatives pour générer des scénarios sur le changement climatique, qui tiennent compte des variations de la température liées à des variations multidécennales dues aux circulations océaniques à très grande échelle.
En effet, ne pas en tenir compte, c'est courir le risque de surestimer le réchauffement alors que l'oscillation océanique devrait basculer dans sa phase froide au cours des deux ou trois prochaines décennies: l'impact sur les températures moyennes de surface serait de 0,3 à 0,4°C.
De même faudrait-il tenir compte des éruptions volcaniques: L'AR6 estime probable qu'au moins une éruption volcanique majeure se produira au cours du XXIe siècle; le refroidissement en résultant serait de l'ordre de 0,1 à 0,27°C.
Enfin les variations solaires ne sont pas à négliger d'autant que les niveaux d'activité solaire ont été particulièrement élevés au cours de la seconde moitié du XXe siècle et qu'un grand minimum pourrait suivre ce grand maximum avec pour effet un refroidissement pouvant aller jusqu'à 1°C...
En tenant compte des émissions de CO2 et de ces trois variations, 81 scénarios peuvent être élaborés. L'auteure, personnellement, estime comme vraisemblable une tendance faible au réchauffement entre 2020 et 2050, soit 1,2°C en 2050, par rapport à la période de référence 1850-1900.
Pour bien faire, à l'intention des décideurs locaux, il faudrait pouvoir établir le lien entre les variations régionales et le changement incarné par un événement météorologique extrême et l'augmentation de la température.
Il faut se rappeler toutefois que bon nombre des pires désastres américains figurant dans les données historiques se situent dans les années 1930 et 1950, période qui n'était pas influencée par le réchauffement dû aux activités humaines.
Aussi une application des scénarios de climats régionaux comporte-t-elle l'utilisation de stress tests. Ce qui revient à cibler un événement précis ou un ensemble de conditions extrêmes dans lesquelles un actif se brise ou s'effondre.
Enfin, même si le pire n'est jamais sûr, envisager le cas le pire permet de prendre des décisions pour l'éviter, la plausibilité se substituant à la probabilité.
LE RISQUE CLIMATIQUE ET LA MEILLEURE FAÇON D'Y RÉAGIR
Au lieu de tout miser exclusivement sur l'élimination des émissions de combustibles fossiles, il serait préférable de caractériser les risques et les vulnérabilités régionaux spécifiques de façon à aider les gens à développer, choisir, réaliser et suivre des actions qui, en dernière analyse, déboucheront sur davantage de bénéfices que de coûts.
Le problème du risque climatique a donc été mal posé. Il aurait mieux valu tenter de mieux comprendre, en profondeur, le système climatique et les causes plus larges des systèmes naturels et humains.
Il y a eu confusion entre le risque émergent que constitue la lente montée du réchauffement planétaire avec les risques urgents que sont les conséquences des événements climatiques extrêmes auxquels les populations les plus pauvres sont exposées, ce qui est jugé inacceptable.
Pour échapper à cette confusion et ne plus dépendre d'un accord impossible autour d'une solution parfaite "douteuse", il convient de régionaliser la gestion du risque.
Comment réagir face au risque? Il y a quatre façons:
- l'évitement (éliminer)
- la réduction (optimiser-atténuer)
- le partage (transférer - sous-traiter ou prendre une assurance)
- la rétention (accepter et budgéter).
Trois stratégies principales sont possibles:
- celles reposant sur l'analyse coûts-bénéfices,
- celles reposant sur la prudence ou le principe de précaution,
- les stratégies discursives.
Or, dans le cas du changement climatique, le risque est profondément incertain. L'auteure expose trois alternatives à ces stratégies classiques, dont les deux premières ne fournissent aucune indication sur son ampleur ou les actions palliatives les plus adaptées et dont la troisième n'est utile que si l'incertitude est faible:
- la DMDU 4 ou prise de décision en situation de profonde incertitude,
- la RDM 5 ou prise de décision robuste,
- la prise de décision dynamique et adaptable.
Le lecteur intéressé lira avec profit le détail de ces méthodes qui élargissent l'éventail des options politiques et ouvrent de nouvelles perspectives aux personnes appelées à prendre des décisions sur les questions liées au changement climatique.
Finalement les quatre façons de réagir énoncées plus haut se résument à deux:
- l'adaptation qui est le processus de rester flexible et de prospérer durant les périodes de changement: elle est fondamentalement locale (mettre fin à toutes les explorations et à la production de de combustibles est contraire aux besoins des pays pauvres) et gère les impacts locaux des catastrophes;
- l'atténuation qui consiste à s'efforcer de contrôler la concentration de CO2 atmosphérique en réduisant ou en évitant les émissions de gaz à effet de serre et en encourageant les puits de carbone, sauf que le cycle mondial du carbone et le système climatique sont caractérisés par une grande inertie...
CONCLUSIONS
Selon Judith Curry, les objectifs des êtres humains devraient être leur bien-être et leur prospérité.
En conséquence il faudrait trouver le juste équilibre entre d'une part la sécurité en termes d'alimentation, d'eau, d'énergie et de biens de première nécessité et de l'autre l'impact le moins grave possible [du réchauffement climatique] sur l'environnement, y compris les émissions de CO2.
Au rythme actuel, 0,18°C tous les dix ans, le réchauffement serait de 2,5°C en 2100: tous les scénarios socio-économiques du GIEC estiment que les hommes s'en trouveraient beaucoup mieux...
Quoi qu'il en soit:
- il est immoral et injuste de vouloir sacrifier le bien-être de la population actuelle en restreignant son accès à l'énergie;
- il est illusoire de prétendre piloter le climat;
- il est pathétique de vouloir reporter le catastrophisme climatique sur les événements météorologiques extrêmes alors qu'il est difficile d'identifier le moindre rôle des activités humaines pour accroître leur intensité ou leur fréquence.
Bref, il faut tourner le dos au consensus obligatoire et à la cancel culture qui tentent de restreindre le dialogue sur le changement climatique et les options politiques.
Judith Curry, qui dans ce livre présente sa propre philosophie pour gérer le problème diabolique du changement climatique, termine par une note d'espoir:
Reconnaître les incertitudes dans le contexte d'une meilleure gestion du risque et de la prise de décision, et combiner cela avec le techno-optimisme, voilà qui ouvre largement la voie pour que l'humanité prospère au XXIe siècle et au-delà.
Francis Richard
1 - Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
2 - Ne pas préconiser la réduction des émissions de CO2 fait de vous un suspect.
3 - International Energy Agency.
4 - Decision Making Under Deep Uncertainty.
5 - Robust Decision Making.
Le changement climatique n'est plus ce qu'il était, Judith A. Curry, 480 pages, L'Artilleur
Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard.
Cher Monsieur, merci pour cet excellent article! Il n’est pas fréquent de lire des textes allant contre la doxa climatiste! Un point, notamment, m’a intéressé, je cite : “Confrontés aux observations, les scénarios extrêmes ont finalement été considérés comme peu plausibles. Dans le sixième rapport, AR6, du GIEC (chapitres 11 et 12) (cela ne figure pas dans le résumé pour les décideurs), il n’y a pas de tendance significative observée concernant […]. Pourtant tous les événements météorologiques extrêmes sont désormais associés dans les médias au réchauffement provoqué par l’homme…”
Si Judith Curry ne mentionne pas les éboulements dans sa liste, c’est, j’imagine, parce que ceux-ci ne sont pas liés au climat! Mais les médias n’ont pas manqué d’associer l’éboulement de Blatten au réchauffement, affirmant totalement gratuitement que ce type de catastrophe allait être encore plus fréquente et plus terrible à l’avenir! Encore et toujours la doxa…
Enfin d’excellentes nouvelles concernant le climat !
Cela fait des années qui je suis la carrière de Mme J. Curry !
C’est une femme de caractère et il faudrait que les ”climatologues du dimanche” la prennent comme référence.
Il est clair comme de l’eau de roche que manipulations politiques il y a eus et que de très nombreuses personnalités politiques se sont précipités pour récolter des voix auprès d’un électorat naïf. Le problème est grave, toute la politique des verts de gris, verts pastèques (communistes) n’a consisté qu’à faire PEUR et à engranger des milliards $$$ !!
La Planète bleue mérite qu’on la préserve et qu’on y prenne bien soin.
L’être humain consomme de l’énergie et ce n’est pas fini. Tout doit passer par une éducation depuis les petites classes et se poursuivre tout au long de l’apprentissage de la vie.
Tout cela bien sûr SANS l’idéologie obscurantisme et déviationniste des verts !
Nous nous trouvons avec un énergie très chère, en concurrence avec des continents qui ne se préoccupent pas trop des moyens de productions.
Notre économie européenne est en très mauvaise posture, car non concurrentielle !
Courage, demain sera fait de nombreux challenges à relever !!