Tous les jours en mer, j'ai appris quelque chose. Tous les jours, un élément neuf est venu conforter ma connaissance, l'enrichir, la compléter.
Dans ces Quelques propos maritimes, Olivier de Kersauson livre son expérience de la mer, où tous les sens sont convoqués. Par exemple, les oreilles, ce sont les yeux dans la nuit...
Aujourd'hui la technique donne une mesure, rien de plus. Elle ne réfléchit pas à notre place: L'intelligence maritime sert à comprendre les éléments qui vous entourent mais, surtout, à en faire la synthèse.
Il précise le propos: Nous sommes bien ignorants d'un certain nombre de phénomènes météo. On n'en a pas l'analyse, l'analyse technique. Et il définit ce qu'est un grand marin: C'est un type qui est capable d'anticiper et de se servir de phénomènes météorologiques.
Qui est Olivier de Kersauson? Un nomade, pour qui la mer est indispensable. Il n'est pas antisocial, mais se dit social, avec toutefois une capacité d'indifférence très, très supérieure à la moyenne: Je dois avoir la capacité émotionnelle d'un bigorneau, c'est tout !
Qu'aime-t-il dans la vie ? Décider, ne pas laisser les événements décider à [sa] place. Aussi n'a-t-il pas peur de prendre des risques, à la différence de la plupart de ses contemporains: Aller au risque, c'est toujours emprunter la voie la plus dure, mais elle emmène quelque part.
Ce que les autres pensent de lui, qui a le sens de la formule, l'indiffère. Aussi peut-il tenir des propos libres, pas seulement maritimes, qui ne plairont certes pas à d'aucuns, mais qui seront rafraîchissants à lire par d'autres.
Exemples:
- Personne d'autre n'impose de volonté à bord: il y a le patron qui est le patron, ça ne se discute pas, ce n'est pas négociable.
- Je parle peu avec les hommes d'équipage, un bateau de course, ce n'est pas une Maison des jeunes!
- On est toujours en danger avec les imbéciles!
- Les gens qui me disent se sentir intégrés dans un pays qui n'est pas le leur me font peur, ils me glacent, m'effraient. Quelle bêtise!
- C'est parce qu'il y a risque physique qu'il y a aventure, sans quoi elle est vaine, non avenue.
- Dès que je fais une erreur, j'ai une addition, et elle est plus ou moins épaisse en fonction de la taille de l'erreur. Et en mer, je la paie comptant et tout de suite. C'est la différence avec les politiques, c'est immédiat...
- En France, le mieux est l'ennemi du bien, et quand on fait bien, il y a toujours des gens pour râler parce qu'on aurait pu faire mieux.
- On est dans un monde où l'"en même temps" prôné par le président de la République est une jolie fabrique de bouillie. Comment avoir des attitudes claires si les idées ne le sont pas?
- Si je considère qu'être vivant est une chance, je me murmure: je vais me servir de cette chance au mieux, de cette manne; si je considère que c'est un dû, je vais toujours attendre d'avoir plus de chance, donc je ne vais pas faire grand chose...
- L'égalité, c'est une belle idée politique, sur le papier, mais ça n'existe pas dans le réel, c'est une fiction. [...] Le seul moment où on est égaux, c'est devant nos ignorances. [...] Il n'y a que les paresseux qui rêvent d'égalité, d'arriver au niveau supérieur sans rien faire.
- La prudence, c'est l'habit propre de la lâcheté. Il y a un moment où il faut tout miser.
- On se choisit des devoirs si on choisit des engagements qui vont nous permettre de nous construire une vie cohérente. C'est pour ça qu'il faut faire les choses à fond.
- Le groupe, c'est suspect. Il y a l'effet de meute. Il faut regarder la foule et la manière que possiblement elle a de se conduire: sûrs de ne pas être reconnus, cachés de tous, ils deviennent immondes.
Pour conclure ces propos, voici une citation qui n'aurait pas déplu à Blaise Pascal:
L'intelligence est rationnelle, mais elle ne suffit pas. Ce n'est qu'une part du chemin. Il faut l'intuition, l'instinct pour compléter cette intelligence - mon intuition fut cardinale en mer.
Francis Richard
Avant que la mémoire s'efface, Olivier de Kersauson, 216 pages, Le Cherche Midi
Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard
Et vous, qu'en pensez vous ?