Défaire le Parti des Médias : Une Lecture d’Actualité
Dans "Défaire le parti des médias" sorti trop discrètement en 2022, Martial Bild et Philippe Milliau examinent de manière approfondie les dysfonctionnements et les biais des médias traditionnels en France. Ils explorent plusieurs thèmes majeurs qui soulignent la nécessité d'une vigilance accrue face à « l'information » fournie par un paysage médiatique de plus en plus critiqué.
Martial Bild est le directeur général de TVLibertés. Cet homme politique devenu homme de médias, tout comme le président de TVLibertés et entrepreneur Philippe Milliau avec qui il cosigne l’ouvrage, est bien placé pour poser un regard critique sur cet historique contre-pouvoir devenu le reflet servile des puissants.
Pour les auteurs, tout comme pour le philosophe Marcel Gauchet qui a popularisé l’expression, il existe bien « un parti des médias ». C’est celui du progressisme post-marxiste, sociétal et diversitaire, individualiste et mondialiste. Non content de ne pas accorder l’égalité de traitement entre les candidats lors d’élections politiques, il se prononce à chaque instant dans le débat public, si bien que « dans l’écrasante majorité des cas, un candidat indépendant du politiquement correct doit affronter non seulement son adversaire politique mais aussi le journaliste qui anime le débat ». Ainsi, en France, c’est un véritable boulevard qui s’est ouvert pour Emmanuel Macron alors que les autres candidats étaient attaqués de toutes parts. On retrouve plusieurs acteurs à la manœuvre en pleine affaire Fillon et, notamment, les instituts de sondage « dont on sait qu’ils servent essentiellement à réaliser les prophéties de la presse qui sont en réalité ses désirs – tambourinent crescendo la chute de Fillon et l’ascension de Macron. »
Un Pouvoir contre la Démocratie
Comme le mentionnent les auteurs, Honoré de Balzac, lui-même journaliste, avait avec prescience utilisé l’expression « quatrième pouvoir » dès 1840, mettant immédiatement le doigt sur l’absence de responsabilité politique des journalistes : « La presse est en France un quatrième pouvoir dans l’État : elle attaque tout et personne ne l’attaque. Elle blâme à tort et à travers. Elle prétend que les hommes politiques et littéraires lui appartiennent et ne veut pas qu’il y ait réciprocité. »
Mais les citoyens ne sont pas tous dupes. Alors, face à la défiance croissante dont les médias font l’objet, il fallait bien mettre en place un appareil défensif, et quelle meilleure neutralisation que celle immédiate de taxer l’homme à abattre de complotiste ou de populiste ? La seule parole crédible serait celle des journalistes d’investigation, « lanceurs d’alertes – délateurs glorifiés » qui peuvent saccager la vie privée sous couvert de droit à la transparence.
Les chiens de garde de la presse sont sans limite. Interrompre le chef d’État de la première puissance mondiale ? Pas d’objection à cela, le président des États-Unis d’Amérique, élu démocratiquement en 2016, pouvait être censuré par des journalistes ne disposant d’aucune légitimité démocratique n’étant élus par personne. La situation s’est produite lors d’une conférence de presse le 25 septembre, puis le 5 novembre 2020, justifiant de devoir couper Donald Trump en raison de ses « fausses » affirmations relatives à la fraude électorale, car selon eux, leur devoir en tant que médias aurait été d’infirmer ces allégations.
Les médias comme religion
Les auteurs citent William Goldnadel, avocat et essayiste, selon lequel nous avons assisté à la constitution de ce qu’il nomme « l’église cathodique de la mauvaise foi ». L’ouvrage met le doigt sur un point important : « Les journalistes du système voudraient avoir l’autorité du clergé sans en prononcer les vœux ; faire la morale sans sacrifices. Leur collusion avec les bénéficiaires, à des titres parfois fort différents, de la mondialisation est, au contraire, d’une embarrassante ostentation. Et ils ne servent pas une institution qui a érigé un millénaire de culture européenne, mais au rebours celle qui la déconstruit depuis cinquante ans. Ils sont les desservants intéressés d’un culte de substitution, d’une transcendance détournée dont il ne demeure que l’abstraction, d’une religiosité des droits humains dont il ne demeure plus que le dogmatisme et l’irrationalité. »
Pourtant, « journaliste est la profession la plus détestée des Français » écrivait l’hebdomadaire Marianne en 2012. Pas étonnant quand on sait que les écoles de journalisme les plus prisées sont fréquentées par des jeunes issus de familles favorisées et que cet entre-soi ne peut que révolter un lectorat qui n’en veut pas. En parcourant les pages de « Défaire le parti des médias », on mesure le « manque d’épaisseur culturelle des journalistes » et le poids de la « nouvelle apologie du dogme ».
Et quand en plus l’argent public atterrit dans les poches de huit milliardaires pour nous servir une soupe impopulaire, ça finit par faire jaser. Les auteurs prennent l’exemple de Bernard Arnault, à la tête du groupe LVMH, qui en 2019, selon l’Observatoire du journalisme, revenant sur les subventions directes touchées par les médias, avait touché le montant le plus important, soit 13,6 millions d’euros. Alors que Bernard Arnault, 3ème fortune mondiale (197 milliards de dollars en 2021), pourrait tout à fait se passer d’aides. Le système ne ferait-il qu’enrichir les plus riches tout en leur permettant d’influencer l’opinion publique ? Et que dire des « sévices publics de l’audiovisuel » comme les désignent les auteurs ?
Et Après ?
Ces quelques notions posées, on a forcément envie d’aller plus loin et de savoir qui se cache derrière la Société des Amis de Mediapart, ou comment la pyromanie médiatique a attisé la haine de la police en France et même chez nous, sous l’impulsion de Black Lives Matter, ou encore d’en savoir plus sur l’articulation de l’homme invisible : l’autochtone quand il est victime, l’immigré quand il est agresseur.
Mais loin de ne dresser qu’un sombre tableau, le livre a le mérite d’offrir des pistes de réflexion qui ne sont peut-être, pour le moment, que des petits cailloux blancs sur le chemin d’une véritable pluralité médiatique. Il existe un renouveau conservateur, un retour à la Charte de Munich, des modèles alternatifs et ce livre les aborde tout en insufflant l’idée d’un nouveau modèle économique n’affectant pas la liberté, celui de la redevance laissée au libre choix du contribuable.
À l’ère de la farce du fact-checking, un journalisme de vérification qui prétend combattre les fake-news, le mieux à faire pour vous construire votre propre idée du journalisme d’aujourd’hui, alors que le peuple suisse a refusé le dernier paquet d’aide aux médias en 2022 et que la question de réduire la redevance à 200 francs enfle et se posera bientôt, c’est de lire « Défaire le parti des médias ».
Lana Raymond, 26.05.2024
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