Une nouvelle version du « Guide de la laïcité » de France Universités, association des dirigeants des universités et établissements de l’enseignement supérieur et de recherche, vient de paraître. Il a pour vocation « d’apporter des réponses simples et actualisées face à la multitude de situations et de questions » problématiques que les responsables d’établissement peuvent avoir à traiter concernant la laïcité. En particulier, il est préconisé d’« éviter les questions polémiques ». Le collectif Vigilance Universités dénonce cette interprétation de la laïcité.
Malheureusement, ce texte, utile dans son principe et riche en informations légales et réglementaires, véhicule une interprétation inacceptable de la laïcité et de sa défense au sein des établissements concernés ; interprétation que tout vrai défenseur de la laïcité, de la liberté académique et d’une éducation de qualité pour tous ne peut que condamner. Un des principaux problèmes, qui à lui seul donne le ton de l’ouvrage, se trouve dans un paragraphe intitulé « Le cas particulier des enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs ». Après avoir précisé que les « universitaires bénéficient d’un régime plus libéral en raison de leur liberté académique » relativement aux enseignants du secondaire, il est écrit :
« Mais celle-ci [la liberté académique] ne permet pas tout : les universitaires doivent s’exprimer dans le respect des “principes de tolérance et d’objectivité” (C. éduc., art. L. 952-2) et s’abstenir de toute marque d’adhésion à un culte. Il convient donc d’éviter de poser toute question trop polémique, et de prendre en considération tant les opinions potentiellement divergentes des autres enseignantes et enseignants que celles des étudiantes et étudiants, à la fois pendant le cours ou lors de l’examen de fin d’année. »
Cette clarification des principes de tolérance et d’objectivité du Code de l’Education est soit vide de contenu, soit contraire aux principes généraux qu’elle est censée défendre et faire respecter : laïcité et liberté académique.
Le vague et l’ambiguïté des expressions utilisées – « éviter les questions polémiques », « prendre en considération les opinions potentiellement divergentes » – laisse la place à l’interprétation. Dans la vie quotidienne, éviter les questions polémiques veut dire éviter les sujets de discorde. Si c’est en ce sens qu’il faut l’entendre, autant interdire d’emblée certains enseignements, par exemple ceux portant sur la théorie de l’évolution darwinienne ou encore la philosophie morale où il semble impensable d’éviter les questions litigieuses, puisqu’elles le sont toutes peu ou prou. Et si l’expression ne doit pas être prise dans ce sens, elle est alors à géométrie variable, ce qui ne peut qu’accroître les situations problématiques.
Si les responsables d’établissement chanceux recevront rarement, voire jamais, des réclamations estudiantines pour propos ou questions polémiques, les autres devront y faire face sans ligne directrice claire. Chacun devra en son âme et conscience juger si le degré de polémicité justifie ou non une intervention, et si oui, laquelle. […]
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