Les entraves au projet britannique de transfert des clandestins au Rwanda et la folle politique d’asile des pays occidentaux
Commentaire de Markus Somm, journaliste et historien suisse, rédacteur en chef du journal Nebelspalter
Source : Nebelspalter, 17 novembre 2023
Après que la Cour suprême britannique a déclaré illégal le projet gouvernemental d’expulser une partie des clandestins vers le Rwanda pour y poursuivre leur procédure de demande d’asile, un témoignage paru dans le Telegraph révèle que les juges et les fonctionnaires font obstacle à une politique migratoire rationnelle.
Le problème est commun à tous les pays occidentaux, qui font face à une immigration débridée, légale ou non : les efforts politiques pour restreindre l’immigration échouent parfois au Parlement, mais souvent au niveau des tribunaux et, ce qu’on sait moins, très souvent au niveau des ministères et de leur personnel.
Le 15 novembre 2023, le quotidien britannique Telegraph a publié le témoignage édifiant d’un ancien fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Titre de l’article : « Pourquoi mes collègues du service public fêtent l’arrêt de la Cour suprême sur le projet Rwanda »
Extraits choisis :
« Parmi mes collègues du ministère de l’Intérieur, nombreux sont ceux qui estiment faire partie de la ‘résistance’ contre un gouvernement d’extrême-droite cherchant à punir en toute illégalité d’innocents migrants ».
« Ils pensent que la migration ne peut ni ne doit être contrôlée, et ils passent outre aux directives de leur ministre, bafouant ainsi la démocratie ».
« Les fonctionnaires ont le devoir moral et juridique de faire leur possible pour mettre en œuvre la politique migratoire du gouvernement, et l’impartialité politique est un principe central du code des fonctionnaires. Mais ceux-ci sont en réalité en roue libre, comme l’a montré en 2021 un enregistrement de Matthew Rycroft, le secrétaire permanent du ministère de l’Intérieur, où il disait à des collègues qu’il n’était pas obligatoire de suivre ‘servilement’ la politique gouvernementale».
« Les tentatives les plus modestes de faire quoi que ce soit au sujet de l’immigration sont considérées, à l’interne, comme déraisonnables ou légalement impossibles ; on coupe court à toute discussion en invoquant les ‘lois internationales’. »
« Au lieu de traiter les problèmes auxquels est confronté le pays, les fonctionnaires perdent un temps fou à participer à des événements sur ‘Black History Month’, le ‘scandale Windrush’ ou les ‘micro-agressions’ envers les minorités.
« Durant les réunions où nous sommes censés travailler sur la politique gouvernementale, nous devons écouter des responsables des ressources humaines parler de diversité et décerner des prix d’inclusivité. »
Le gouvernement conservateur de Rishi Sunak voulait envoyer vers le Rwanda une partie des demandeurs d’asile arrivés illégalement. En effet, jusqu’à présent un très grand nombre d’entre eux restent en Grande-Bretagne même lorsque leur demande d’asile a été refusée. Des abus auxquels la Suisse est confrontée elle aussi, comme tous les riches pays occidentaux. Ceux-ci ont une politique d’asile totalement absurde : une procédure d’asile longue et onéreuse visant à vérifier si quelqu’un a un droit d’asile, pour finir par ne pas appliquer la loi !
Bien évidemment, les habitants de tous les continents de la planète se sont passé le mot : réussir à toucher le sol d’un pays occidental, que l’on soit persécuté dans son pays d’origine ou non, c’est avoir l’assurance de ne jamais avoir à repartir.
La Cour suprême britannique motive sa décision par le fait qu’on ne peut pas faire confiance au Rwanda pour respecter les traités internationaux et que le gouvernement britannique ne peut donc pas garantir à 100% qu’un demandeur d’asile ne sera pas renvoyé dans son pays d’origine où il risquerait d’être torturé.
Le Rwanda était prêt à accepter la mission, pour 120 millions de livres sterling auxquels s’ajoutaient 20 000 à 30 000 £ pour chaque demandeur.
Au-delà du fait que les juges vivent sans doute dans des quartiers préservés des conséquences de leurs propres décisions, du point de vue juridique ils ne pouvaient pas faire autrement : les Etats sont désormais entravés par une multitude de traités consacrant la protection absolue des réfugiés. Traités signés par la Grande-Bretagne (et par la Suisse) à une époque où personne ne pouvait imaginer la pompe aspirante à laquelle ils allaient donner lieu.
La Cour suprême britannique s’est appuyée sur le principe de non-refoulement, en vertu duquel un réfugié ne doit en aucun cas être expulsé vers son pays d’origine s’il y risque la torture ou la mort. Un principe noble et compréhensible, inscrit en 1951 dans la Convention relative au statut des réfugiés (convention de Genève) au lendemain de l’holocauste, puisque plusieurs pays – dont la Suisse – avaient refoulé de nombreux réfugiés juifs vers l’Allemagne et le sort que l’on sait.
Mais aujourd’hui, ce principe est interprété comme obligeant le gouvernement britannique à apporter à toute personne atteignant son sol une protection absolue contre tout malheur qui pourrait lui arriver dans son pays d’origine, et ce dans le monde entier.
Or, aucune gouvernement ne peut garantir une telle protection.
Et un gouvernement élu démocratiquement n’a-t-il pas d’obligations plus urgentes, comme la protection de ses propres citoyens, qui d’ailleurs paient des impôts pour cela ?
Dernière remarque : le projet aurait obligé au maximum 200 demandeurs d’asile à suivre leur procédure au Rwanda. Vous avez dit « proportionnalité » ?
Traduction-résumé : Caroline
Nombre de demandes d’asile en Suisse, 2012-2023 (état à fin décembre de chaque année, fin août pour 2023) :
Et vous, qu'en pensez vous ?