ÉDITORIAL. L'affaire des mandats que l'ancienne conseillère d'Etat Fabienne Fischer a octroyé à des associations proches de son mari révèle le réflexe pavlovien d'une certaine gauche: recourir à l'Etat pour financer ses convictions
Quand on fait de la vertu un argument politique, mieux vaut s'y tenir à la lettre dans l'exercice de ses fonctions. C'est peut-être la leçon que l'ancienne conseillère d'Etat Verte Fabienne Fischer doit tirer de l'affaire qu'on révèle aujourd'hui. Selon notre enquête, l'écologiste élue en 2021 et écartée deux ans plus tard par le souverain, a signé des mandats, contre l'avis de fonctionnaires de son département, servant à financer des projets de son compagnon. Même si ce dernier avait quitté les instances dirigeantes des associations qui ont reçu de l'argent public, il n'en restait pas moins très investi dans ces causes. La question du conflit d'intérêt n'est donc pas écartée.
Mais cette affaire révèle aussi autre chose: l'aveuglement qui frappe certains élus trop habités par une doctrine. A ce stade, on n'accuse pas Fabienne Fischer d'avoir sciemment voulu financer sa famille idéologique, ni ourdi une stratégie de l'ombre pour passer en force. Sans doute est-ce plus simple, et plus consternant encore: la démonstration d'un réflexe pavlovien d'une certaine gauche, qui trouve normal de nourrir avec les deniers de l'Etat ses convictions, portées par des élus et par un réseau associatif de haute vertu.
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Depuis longtemps, et à juste titre, on pointe les combines du «filz» de la droite économique, ce mélange entre mandat politique et défense d’intérêts particuliers. Voici la version gauche caviar de ce fameux «filz», admirablement représenté par les protagonistes de cette histoire. D'un côté, une magistrate qui évolue dans l'entre-soi bisounours des bien pensants réformateurs; de l'autre, des associations auxquelles il ne viendrait même pas à l'esprit d'utiliser une autre méthode que celle, éprouvée, de se servir de l'Etat pour promouvoir ses objectifs. Alors que l'Etat est bel et bien alimenté par l'économie dure. Tout ceci donne l'impression d'une valse en vase clos, où le dogme d'économie circulaire s'est traduit dans la réalité, sur le dos du contribuable.
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En s'entourant d'une garde rapprochée convaincue elle aussi de l'impératif de changer le monde, Fabienne Fischer a sans doute perdu la lucidité qu'on attend d'une ministre de l'économie. Sans compter que dépenser de l'argent en rapports et analyses est aussi inutile que peu révolutionnaire. A la différence de la droite, qui lorsqu'elle magouille sait à quel instinct elle obéit, cette gauche, elle, est convaincue de dépenser des sous au nom du Bien. Mais à gouverner avec une morale, elle n'en fait pas moins une politique où l'on se régale entre amis.
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