Javier Meili : « Un président économiste ultralibéral d’extrême droite » en Argentine

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Un article de la Nouvelle Lettre

On l’a qualifié de tous les noms, en général pour le disqualifier d’avance : Javier Meili pourrait être élu président.

Avec 30 % des suffrages, il est le mieux placé à l’issue des primaires ouvertes et obligatoires qui se sont déroulées en Argentine dimanche dernier.

À tout prendre, c’est le quotidien Libération qui a proposé le portrait le plus complet du candidat : il s’agit d’un « économiste libéral d’extrême droite ».

Mais la presse française a pu aller plus loin : « ultralibéral » bien sûr, et « l’extrémisme de marché ». De plus, le candidat se déclare lui-même « anarcho-capitaliste » et «libertarien » (c’est le nom de son petit parti), et il ose enfin citer Bolsonaro et Trump : trop c’est trop, on ajoutera qu’il est hargneux, vulgaire, sans épouse ni enfant, et catholique à sa manière, un peu illuminée, mais décidé à se convertir au judaïsme.

Pour que les choses soient claires, je dois d’abord rectifier une erreur commise par certains commentateurs qui ont assimilé les élections de dimanche dernier à nos fameuses « primaires » de partis (tellement ridicules chez nous). Voter est obligatoire pour les Argentins, mais ils peuvent ne pas se prononcer (seul le vote de 70 % des inscrits a été enregistré). À l’issue de ces « primaires » ouvertes, simultanées et obligatoires (PASO) les deux autres candidats restants en lice pour les élections du 22 octobre sont, d’une part Patricia Ullrich, de la droite traditionnelle, arrivée en deuxième position avec 10 % de voix en moins, et Sergio Massa, ministre de l’Économie du gouvernement socialiste en place actuellement. La victoire de Meili est donc très probable.

Bien évidemment, cette perspective révolte la quasi-totalité des commentateurs, d’après ce que j’ai lu ou entendu.

La conjonction de l’ultralibéralisme et de l’extrême droite permet d’assimiler Meili et Le Pen, de rapprocher le libéralisme du fascisme. Il se trouve aussi que Meili est à certains égards conservateur, et un libéral conservateur est sans doute encore pire qu’un libertarien. Bref, il est de bon ton de trouver tous les travers à quelqu’un qui serait non seulement libéral, mais ultralibéral et conservateur. Il est vrai que Meili se réfère à Trump, mais sa politique économique est dans le sens de l’ouverture des frontières, alors que Trump a été protectionniste et souverainiste. Il s’est référé à Bolsonaro, que les officiels et le peuple français ont rejeté pour saluer la réélection de Lula, un communiste brésilien emprisonné pour corruption – mais à la différence de Bolsonaro, il estime que le mariage peut être pour tous.

Toutes ces considérations empêchent peut-être d’aller à l’essentiel, qui se rapporte non seulement au sort actuel des Argentins, mais aussi à la place que le libéralisme peut retrouver dans les pays qui veulent acquérir ou conserver la liberté.

 

Candidat de l’anti-système

Les électeurs argentins ont émis un vote de colère et d’espoir, colère contre la classe politique qui s’est succédé au pouvoir depuis les années 1930.

L’Argentine a été dominée par le péronisme, dictature populiste inspirée par Mussolini et Franco. L’Argentine s’est trouvée coupée du reste du monde, alors qu’au début du XXe siècle, elle avait tiré sa richesse de son commerce avec l’Europe.

Les coups d’État vont se succéder, les parenthèses démocratiques vont se raccourcir, sur fond de crimes politiques et de corruptions (comme les dix ans de présidence de Carlos Menem).

Enfin, on ne peut minimiser le fait que la lutte des classes est animée depuis les années 1960 par la théologie de la révolution professée par l’Église latino-américaine. Ces désordres politiques, sociaux, militaires (comme la guerre des Malouines contre l’Angleterre) ont progressivement bloqué la croissance et appauvri le peuple.

La situation actuelle est dramatique : l’inflation est actuellement de 115 %, la dette publique en dollar est de quatre fois le montant du PIB, et le FMI n’accepte plus l’argument des dirigeants argentins : on ne remboursera pas (comme le disent tant d’experts et de politiciens français).  

« On est face à la fin du modèle de la caste […] Nous sommes ceux qui incarnent un véritable changement », dit le candidat.

L’espoir vient du soutien de la jeunesse, de la rhétorique directe mais vulgaire de ce député encore inconnu à l’étranger il y a quelques mois, alors qu’il a participé à de multiples rencontres internationales, dont Davos. C’est une offre politique nouvelle : les électeurs suivent ce leader apparemment sans soutien financier, sans compromission.

 

Programme économique

Comme les libéraux du monde entier, je me fais un devoir de juger le programme économique de Javier Meili. Il peut paraître utopique à la quasi-totalité des Français, et c’est normal, puisque notre peuple n’a jamais compris ni connu le libéralisme économique.

Je m’en tiens aux points essentiels :

Le principe de l’État minimum

C’est le premier critère d’un programme libéral. Meili va même jusqu’à suggérer que les missions régaliennes que conserve un État minimum peuvent être assumées partiellement avec des entreprises privées.

La privatisation des services publics non régaliens

Le marché fait toujours mieux que la bureaucratie, la responsabilité transforme et améliore le comportement des fonctionnaires.

La suppression du SMIC

Elle est indispensable pour réduire le chômage et réhabiliter le contrat de travail sans l’hypothèque syndicale.

La suppression de la Banque centrale

Elle est un impératif pour tous les économistes libéraux. Les banques centrales financent aujourd’hui les déficits budgétaires et fabriquent l’inflation, qui diminue le pouvoir d’achat mais surtout réduit la croissance. Meili préconise la « dollarisation », le peso n’a plus d’avenir.

Disparition des restrictions au commerce extérieur et aux investissements étrangers

Il ne doit plus y avoir de frontière économique. Cela est en effet au contraire de la politique Trump, et la réglementation commerciale et financière est surdéveloppée en Argentine.

 

Le programme sociétal

Javier Meili est présenté à juste titre comme un conservateur.

Cela ne veut pas dire qu’il soit opposé à tout changement, mais qu’il demande que des institutions, fruits de l’ordre spontané, soient de nature à faciliter les relations entre personnes. Il est vrai que certains « libertariens » ont tendance à considérer toute règle sociale comme liberticide.

1° L’institution libérale par excellence est le droit de propriété privée, le libéralisme exclut tout collectivisme

2° C’est au nom de la propriété de l’embryon sur son propre corps que l’IVG devrait être interdite

3° Par contraste, ce qui concerne la vie privée n’a pas à être soumis aux décisions de l’État. Ainsi en est-il du « mariage pour tous », et des relatons entre genres (ce qui était au contraire exclu du programme de Bolsonaro)

4° Le réchauffement climatique « est un mensonge socialiste », dit Meili. Ce climatoscepticisme radical est partagé par de nombreux libéraux qui dénoncent l’écologisme radical fondé sur la transition énergétique, la décarbonation, et la décroissance.

 

Un bon air libéral

Je reconnais avoir proposé une lecture partielle et partiale du programme du candidat Javier Meili.

Ma lecture est partielle, parce que je n’ai pas toutes les informations nécessaires sur l’Argentine actuelle.

J’ai été invité à Buenos Aires au début de l’ère Menem, au moment où l’on a cru que le libéralisme allait rompre avec la tradition péroniste, travailliste, socialiste, dictatoriale. J’en sais assez pour avoir admiré ce pays qui, des chutes d’Iguazù jusqu’à la Patagonie, de Mar de Plata à la petite Suisse des Andes, révèle une nature de toute beauté. J’ai connu assez Buenos Aires pour aimer cette belle ville qui alterne immeubles haussmanniens bourgeois et place de Boca où se danse le tango de Carlos Gardel.

En revanche, les informations de toutes sortes sur l’Argentine nous parviennent actuellement déformées par le prisme antilibéral de la pluipart des médias européens et américains, et j’aurais besoin d’en savoir davantage, et mieux, sur ce qui se passe dans le pays actuellement.

Ma lecture est partiale, parce que j’imagine ce qui pourrait se produire en France si l’utopie libérale venait animer le débat politique. Pour l’instant, l’air de Paris est très chargé de nuages socialistes et de réchauffements écologiques. Il me semble que le climat est meilleur pour la liberté en Argentine : nous pouvons percevoir ce qui souffle pour l’instant à Buenos Aires : un bon air libéral.

 

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