Valérie Dittli: «Beaucoup de gens me testent pour voir si je suis solide»

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Ndlr. A propos des graves dangers du loup : quand le réel remplace pour une fois l’idéologie écolo-gauchiste.

 

Attaquée ce printemps sur sa domiciliation fiscale, la conseillère d’Etat vaudoise accepte pour la première fois de revenir sur cette affaire. A quelques jours du premier anniversaire de son entrée en fonction, la cheffe des Finances promet des baisses d’impôts

Très médiatisée dès son arrivée surprise au Conseil d'Etat vaudois, Valérie Dittli a vécu son baptême du feu lors d’un printemps 2023 pour le moins mouvementé. La Zougoise de naissance a été critiquée pour avoir été taxée dans son canton d’origine pendant ses études à l’Université de Lausanne. Blanchie par un rapport d’audit externe à fin mars, la jeune centriste accepte pour la première fois d’évoquer publiquement cette affaire. Un entretien durant lequel la cheffe du Département vaudois des finances et de l’agriculture revient aussi sur les grandes thématiques de son mandat, tire la sonnette d’alarme sur la politique du loup et confirme une future baisse d’impôts.

Dans quelques jours, vous fêterez le premier anniversaire de votre entrée en fonction comme conseillère d’Etat. Quel regard portez-vous sur ces 12 premiers mois?

Cette année fut extrêmement intense, à tous les niveaux. Elle est passée tellement vite, les semaines se sont enchaînées sans que je m’en rende compte.

**Cette première année a surtout été marquée, en mars, par la polémique sur votre domiciliation fiscale. Comme avez-vous traversé cette période?**

Il faut distinguer deux choses: la conseillère d’Etat et la personne qui se trouve derrière. Dans cette affaire, on n’a jamais critiqué mon travail au sein du gouvernement. Ma priorité a d’ailleurs toujours été de pouvoir assurer mon mandat durant ces semaines compliquées. A titre personnel, c’était évidemment dur à vivre, avec beaucoup d’émotions, négatives comme positives. C’était un moment fort.

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**C’était votre baptême du feu?**

Depuis mon entrée en fonction, beaucoup de gens me testent, veulent voir si je suis solide. C’était à prévoir, je suis une politicienne de 30 ans avec un accent prononcé, je peux comprendre leurs questionnements.

![Je n’oublie pas mes origines paysannes. Mon enfance a beaucoup influencé mon parcours, mon engagement et mes valeurs centristes. — © DR](https://letemps-17455.kxcdn.com/photos/a0b96e3a-ba9c-4878-b1dc-e266e2cab233 "Je n’oublie pas mes origines paysannes. Mon enfance a beaucoup influencé mon parcours, mon engagement et mes valeurs centristes. — © DR")

**Votre première communication a été hésitante. N’avez-vous pas tardé à prendre conscience de la charge symbolique de cette affaire qui touchait les impôts de la cheffe des Finances, originaire d’un canton comme Zoug?**

Rétrospectivement, j’aurais sans doute pu faire différemment. Lorsque _Forum_ m’a invitée à venir m’exprimer sur cette situation, j’étais hésitante. Les journalistes pensaient avoir trouvé quelque chose, mais ce n’était pas le cas. Ce qui m’a surprise, c’est la méconnaissance que les gens ont de mon canton d’origine, et beaucoup de stéréotypes y sont attachés. Zoug, ce n'est pas uniquement les impôts des multinationales. Pour moi, c'est des gens, la ferme dans laquelle j’ai grandi, à la campagne. J’ai donc cherché à expliquer la situation avec honnêteté, mais si j’avais bien sûr conscience de la charge symbolique soulevée par les questionnements, j’ai sans doute sous-estimé ces stéréotypes liés à Zoug et sur lesquels les journalistes se sont beaucoup appuyés, ce que je regrette.

**Cette affaire a-t-elle changé votre vision des médias?**

Non, le travail des médias est capital pour la démocratie, et c’est le rôle des journalistes
d’enquêter et de chercher la vérité. Je déplore toutefois qu’il ait pu y avoir une certaine
exagération dans le traitement de ces informations.

**Comprenez-vous que la population vaudoise ait pu se sentir trahie en apprenant que leur ministre des Finances avait payé ses impôts dans un autre canton?**

Je n’en ai jamais fait un secret. Je n’ai jamais essayé de cacher quoi que ce soit. Vous auriez très bien pu me poser la question, n’importe quel jour, et je vous aurais répondu. Durant toute l’affaire, j’ai toujours été 100% transparente. Avec mon accent, je ne peux d’ailleurs pas cacher que je viens d’un autre canton.

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**Tout le monde sait que vous avez grandi à Zoug. La question concernait vos années passées à Lausanne…**

C’était une période où, indépendamment de mon entrée en politique, je me posais beaucoup de questions sur mon avenir professionnel. Je payais très peu d’impôts… Je n’avais pas un haut salaire. Ce n’était pas forcément ma première préoccupation à l’époque. La jurisprudence fixe d’ailleurs à 30 ans l’âge où l’établissement devient vraiment un critère important pour les impôts.

**Vous parlez de jurisprudence. Mais l’impôt est aussi symbolique, l’endroit où on le paie est celui où on contribue à la société…**

Certains l’ont peut-être mal compris, mais ce n’était pas un choix. C’est l’autorité fiscale qui décide où vous êtes taxé. Moi, j’ai rempli les formulaires, suivi les instructions. L’administration lausannoise savait que je vivais ici, mais celle de Zoug a décidé que je serais taxée là-bas. Je ne peux pas changer la vie de jeune femme en formation que j’ai eue parce que, ce 10 avril 2022, j’ai été élue au Conseil d’Etat vaudois. Et j’aimerais souligner qu’on peut très bien payer ses impôts à un endroit, mais en aimer plusieurs.

**Qu’est-ce que cette affaire vous a appris?**

C’était un apprentissage accéléré à tous les niveaux, aussi pour mes équipes. J’ai appris à travailler avec les médias, à gérer une crise, à gérer des émotions. Mes proches en ont souffert. Mais cette crise m’a renforcée. J’ai reçu beaucoup de soutiens, de tous bords politiques, y compris à gauche.

**La gauche n’a pourtant pas été tendre avec vous, les Jeunes socialistes ont même demandé votre démission. Y avez-vous songé?**

Je suis quelqu’un qui se remet toujours en question. Alors, oui, ça m’a touché que les Jeunes socialistes demandent ma démission, surtout parce que j’y ai des amis. Après, chacun est libre de prendre les positions qu’il souhaite. Je n’ai pas pensé à démissionner, mais je suis restée attentive à la critique.

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**Depuis votre élection surprise, avez-vous l’impression, en tant que jeune femme représentant un petit parti, de devoir vous battre davantage pour votre légitimité?**

Oui, et je le comprends. Je n’ai jamais eu de mandat politique auparavant. Les gens ont besoin de savoir qui je suis. Mais cela se passe bien dans mon département. J’ai aussi réussi à établir de bonnes connexions avec les députés, et pas uniquement à droite. On me teste et on va continuer de me tester. C’est un mandat important.

![Nous sommes très proches avec ma sœur. On a grandi ensemble et vécu les choses un peu au même moment. Nous avons une relation privilégiée. — © DR](https://letemps-17455.kxcdn.com/photos/67d063fe-7dbb-4533-8e73-d58a139c9a4a "Nous sommes très proches avec ma sœur. On a grandi ensemble et vécu les choses un peu au même moment. Nous avons une relation privilégiée. — © DR")

**Cette élection n’est-elle pas arrivée trop tôt dans votre carrière?**

Je ne sais pas si un jour on est véritablement armé pour être conseiller d’Etat, indépendamment de la question de l’âge. J’ai dû apprendre beaucoup de choses rapidement, peut-être plus que quelqu’un qui a eu une carrière de syndic avant.

**Vous a-t-il manqué quelque chose, en termes d’expérience?**

Ce qui me manque parfois, ce sont des éléments historiques, afin de bien comprendre d’où viennent les décisions, à l’image de la RIE3, réforme qui a été introduite dans le canton plus tôt que dans le reste de la Suisse. Je lis donc beaucoup. Je suis quelqu’un qui aime comprendre l’histoire derrière les enjeux.

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**Après vingt ans de règne de Pascal Broulis, quelle est la marque Valérie Dittli sur les Finances vaudoises?**

C’est encore un peu tôt pour le dire. Le bilan se fera dans quatre ans ou même plus tard. Pour le moment, nous sommes tributaires du contexte global. Nous n’avons pas fait face à une inflation aussi importante depuis 2008. La différence, c’est qu’à l’époque, la conjoncture était positive… Ce n’est pas le cas aujourd’hui et je dois veiller à ce que les finances vaudoises puissent s’inscrire dans cette nouvelle réalité. C’est un sacré défi!

**Lors de la campagne de 2022, l’alliance de droite a fait la promesse de baisser les impôts. Aujourd’hui, avec la hausse des charges, allez-vous pouvoir tenir votre engagement?**

Il est important de se rendre compte que les équilibres financiers sont menacés depuis trois ans. Maintenant, il faut regarder comment on peut s’en sortir avec des charges qui ne cessent d’augmenter. Le budget 2024 se présente de manière très compliquée. Toutefois, dans une période d’inflation, baisser les impôts permet aussi de redonner du pouvoir d’achat aux gens. C’est extrêmement important de le faire, en raison des attentes fortes de la population, mais aussi parce que le contexte le demande. Pour les milieux économiques, la baisse d’impôts sur les personnes physiques est une priorité, notamment pour attirer de la main-d’œuvre dans le canton. Il y a un immense manque de talents partout. Même l’Etat n’est pas épargné par ça.

**Il y aura donc une baisse d’impôts en 2024?**

On a élaboré un programme de législature et on travaille pour s’y tenir. Ce programme annonçait une baisse de la fiscalité de 67 millions pour 2024. Avoir une fiscalité raisonnable, c’est extrêmement important.

**Vous allez reprendre le plan climat début juillet dans une période où l’économie est extrêmement tendue. Pourrez-vous être à la hauteur des enjeux?**

C’est mon objectif. Le financement du deuxième volet du plan climat a déjà été validé. En revanche, les changements climatiques ont demandé beaucoup de ressources supplémentaires ces dernières années, et je pense qu’il est nécessaire d’acquérir une certaine souplesse en termes de politiques publiques. Il va peut-être falloir accepter de prioriser certains aspects.

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**Ne craignez-vous pas de ne pas trouver le soutien nécessaire dans votre bord politique pour faire avancer ces projets climatiques?**

Je pense que la clé sur les questions environnementales est d’arriver à concilier les gens. Si on n’arrive pas à le faire, on ne pourra pas tous aller dans la même direction. Les défis seront alors encore plus graves que ce qu’ils sont aujourd’hui. Je pense que mon rôle de centriste va être déterminant.

![Un moment fort de ma première année: l’acceptation de mon premier budget. — © Jean-Bernard Sieber (ARC)](https://letemps-17455.kxcdn.com/photos/47de57eb-9c29-4d51-aec7-999505da94c5 "Un moment fort de ma première année: l’acceptation de mon premier budget. — © Jean-Bernard Sieber (ARC)")

**L’autre domaine important de votre département est l’agriculture, un milieu qui ne cesse d’être attaqué en votation. Faut-il s’en inquiéter?**

Je pense qu’il faut donner des perspectives aux jeunes agriculteurs. Là aussi, il y a un travail de conciliation important à faire entre les agriculteurs et leurs détracteurs. Nous devons avancer ensemble et ne pas rester figés sur des positions. La politique agricole est fragile et on doit faire attention à ne pas trop la bousculer. En revanche, nous devons lui donner une direction qui permettra de répondre aux enjeux climatiques.

**Ces derniers temps, les campagnes s’embrasent sur la question du loup. Comment avez-vous pris en main cette problématique très émotionnelle?**

Avec mon collègue Vassilis Venizelos [chargé de l’Environnement], nous avons mis en place un plan d’action «loup» ce printemps en attendant un changement de loi au niveau fédéral l’an prochain. La saison qui vient de débuter dans les alpages promet d’être difficile. C’est devenu quasiment insupportable pour les agriculteurs. Avec mes équipes, nous avons essayé de renforcer au maximum les mesures de protection des troupeaux, mais nous sommes une nouvelle fois arrivés à la conclusion qu’elles ont leurs limites.

**Les saisons se suivent et se ressemblent. Va-t-on pouvoir continuer longtemps à vivre dans ces conditions avec le loup?**

Non, clairement c’est impossible. Depuis les premières montées à l’alpage il y a environ trois semaines, il ne se passe pas un jour sans qu’une attaque se produise. Les scènes que nous avons constatées sont hallucinantes. Un aspect qu’on a tendance à négliger est celui de la souffrance animale. Le loup ne tue pas, il mange vivant. Voir ça, c’est insoutenable.

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**Pour conclure, il y a deux semaines nous avons vécu un #MeToo au Grand Conseil vaudois, comment analysez-vous cette affaire?**

Je constate que malgré le fait que nous avons tous les outils à disposition, nous communiquons de moins en moins. Une blague peut vite être mal comprise car nous n’avons plus l’habitude de parler ensemble et de s’écouter. Le harcèlement est évidemment un problème et nous devons nous montrer fermes.

**Mais, en tant que jeune femme, est-ce que ces accusations de harcèlement sexuel vous choquent?**

De n’être pas respectée sur certains dossiers parce que je suis une femme, ça me dépasse. J’ai déjà subi ce genre de moments – mais je tiens à préciser que ce n’était pas uniquement des personnes de droite – et ce n’est pas agréable. On a besoin d’une société où l’égalité est possible car autant les femmes que les hommes le méritent.

* * *

## Le questionnaire de Proust de Valérie Dittli

**Quelle est votre série du moment?**

Je n’ai pas le temps pour la télé actuellement. La seule chose que j’ai toujours regardée, c’est la série allemande «Tatort».

**Où est-ce que vous vous ressourcez?**

Dans la nature, principalement dans les bois du Jorat.

**L’héroïne de votre enfance?**

Emilie Kempin-Spyri, la première femme qui a voulu devenir avocate mais qui n’a jamais pu.

**Votre plus gros défaut?**

Je n’ai pas beaucoup de patience.

**Le repas que vous partagez en famille?**

Quelque chose de simple qui vient de la ferme. Par exemple, des patates avec un peu de fromage.

**Votre loisir préféré?**

Faire du vélo, j’en fais depuis longtemps même si je n’ai pas beaucoup de temps pour me dépenser.

**Ce qui vous énerve le plus actuellement?**

Des gens qui ne sont pas fidèles à leurs valeurs.

* * *

### Profil

**1992** Naissance le 7 octobre à Oberägeri, dans le canton de Zoug.

**2016** Master en droit à l’Université de Lucerne.

**2017** Assistante à la Faculté de droit de l’Université de Lausanne.

**2020** Présidente du Centre Vaud.

**2022** Election au Conseil d'Etat vaudois.

Extrait de: Source et auteur

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Un commentaire

  1. Posté par Roland Favre/ Géo le

    Toutes mes félicitations et tout mon soutien pour cette jeune femme courageuse…

Et vous, qu'en pensez vous ?

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