Dans son livre «Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire?» Aude Denizot, dresse un bilan catastrophique du niveau des étudiants français. L’enseignante a imposé des cours d’orthographe à l’université. Après plus de 20 ans passés à corriger des copies au lycée et à l’université, Aude Denizot, professeur de droit à l’Université du Mans, a pu observer le déclin du niveau de ses étudiants en orthographe. Dans Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire? (Enrick B éditions), l’enseignante passe en revue les causes de la baisse du niveau et identifie un coupable majeur: la photocopie. Elle démontre ainsi comment son usage abusif au détriment de la copie manuscrite réduit considérablement les progrès des jeunes Français. Entretien pour le Figaro étudiant.
LE FIGARO ETUDIANT.— Le déclin des étudiants en orthographe est-il vraiment alarmant?
Aude DENIZOT. — J’ai commencé à enseigner à l’université en 2000. Et depuis cette époque, j’observe le niveau baisser via les 400 à 500 copies que je corrige chaque année. Je vois aujourd’hui des fautes sur des points de grammaire élémentaires que je n’aurais jamais vues au début de ma carrière. Une règle aussi basique que celle du à/a est de moins en moins maîtrisée. De même, j’observe chaque année davantage de phrases incompréhensibles ou illisibles. Nombre d’élèves n’ont plus les bases. Ces dernières années nous avons imposé des cours d’orthographe à nos étudiants de licence. Nous avons été forcés de constater que malgré un travail régulier et une très bonne volonté, une partie significative ne faisait aucun progrès notable entre la première et la dernière dictée de l’année. Autrefois les élèves qui faisaient des fautes étaient souvent des élèves médiocres. Aujourd’hui on trouve des fautes élémentaires dans les copies de nos meilleurs élèves.
Un élève qui copie intégralement son exercice de grammaire écrit 50 mots là où celui qui remplit un texte à trous sur une photocopie n’en écrit que 12.
Aude Denizot
— Vous mettez en cause l’usage des exercices photocopiés et des fichiers à l’école primaire. Pourquoi est-ce contreproductif?
— Les chiffres parlent d’eux-mêmes, un élève qui copie intégralement son exercice de grammaire écrit 50 mots là où celui qui remplit un texte à trous sur une photocopie n’en écrit que 12. La photocopie donne une illusion de rapidité. En réalité, l’élève ne développe pas sa capacité à écrire vite et bien. De même, la photocopie donne une illusion de propreté. L’enseignant sera toujours moins heurté par 12 mots mal calligraphiés au milieu d’une fiche que face à un paragraphe manuscrit entièrement sale. L’usage des photocopies n’est pas seulement néfaste dans les exercices de grammaire. Employé dans bien des matières pour gagner du temps, il réduit considérablement le travail passé à copier des leçons. Or ce travail de copie est fondamental pour développer des automatismes et apprendre à construire des phrases correctes.
L’élève qui ne perd aucun point pour son orthographe dans d’autres matières ne développe pas d’automatismes
Aude Denizot
— Quelles sont les autres causes du déclin du niveau en français des étudiants?
— On a souvent renoncé à l’exigence et aux exercices difficiles par peur d’ennuyer les enfants. Or c’est en étant exigeant qu’on stimule leurs cerveaux et qu’on les fait grandir. Il est ainsi dommage que les enfants ne soient sanctionnés en orthographe qu’à l’occasion des dictées, et des cours de grammaire. L’élève qui ne perd aucun point pour son orthographe dans les autres matières et ne développe pas d’automatismes et peinera toujours davantage à écrire sans faute. Par ailleurs, nous ne pouvons qu’être inquiets devant la baisse du nombre d’heures accordées à la grammaire au primaire et dans le secondaire. L’omniprésence des écrans est une cause de la baisse générale du niveau des élèves et les correcteurs orthographiques n’incitent pas à la vigilance. Cependant les écrans n’entrent pas avant le collège dans le monde scolaire. Ils ne peuvent être rendus responsables lorsque les élèves ne maîtrisent pas les règles de base apprises en primaire.
Il faut revenir à une prise de notes manuscrite
Aude Denizot
— Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui souhaite surmonter ses difficultés en orthographe?
— La première chose à faire est de revenir à une prise de notes manuscrite. Je conseille aussi de faire des exercices types Bled dans lesquels on recopie des phrases complètes et pas uniquement des mots-clés. Ces exercices peuvent être effectués en auto-correction mais il est bon de s’appuyer sur une grand-mère qui dispose d’une bonne orthographe pour les reprendre. La dictée reste un excellent exercice à pratiquer sans relâche pour bien progresser. Il est également nécessaire de relire systématiquement tout ce que l’on est amené à écrire. Il faut que cela devienne une hygiène de vie d’aller traquer les fautes
dans ses copies mais aussi dans ses courriels et jusque dans les moindres SMS. Je crois que c’est justement en s’obligeant à reprendre ses erreurs au quotidien qu’on acquiert le réflexe de les corriger dans ses copies.Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire?
par Aude Denizot
publié aux éditions Enrick
le 17 mai 2022
ISBN-13 : 978-2356449825
Extrait de: Source et auteur
Le titre du livre porte l’expression de “NOS étudiants”. Ne serait-il pas plus adéquat d’intituler cet ouvrage avec l’expression “LES étudiants-es” ? Étant donné que les écoles supérieures sont désormais très internationales.