Ukraine. Le Conseil fédéral veut nous imposer la neutralité différenciée

neutralité

Nous savons depuis le début des années 90 (voir les positions de l’ancien conseiller fédéral Kaspar Villiger) que les pro-européens de Suisse veulent nous imposer la «neutralité différenciée», une neutralité qui reviendrait à conserver la neutralité seulement vis-à-vis des conflits intra-européens ou extra-européens mais à l’abandonner lorsqu’un conflit place tous les états européens face à un ennemi commun ; la Suisse devant alors se montrer solidaire avec l’Europe, en réalité l’UE, en contribuant à sa défense commune.

Si les conseillers fédéraux PLR et PDC et la gauche prennent donc actuellement parti pour l’Ukraine ce n’est ainsi pas un hasard, c’est un nouvel épisode qui s’ajoute à leur manière si détestable de faire de la politique par le «fait accompli» autrement dit par la force et hors de tout débat démocratique.

On pousse un peu la porte, une fois, deux fois, et puis on met le pied dans l'entrebâillement et ensuite on fait croire au peuple que de toute façon c’est déjà comme ça, en l’espèce que nous sommes déjà avec l’UE en ce qui concerne l’Ukraine. Et une fois que c’est fait, c’est à ceux qui ne sont pas d’accord de déployer des efforts incommensurables pour essayer de revenir en arrière, pour autant que ce soit possible. C’est exactement ce que l’on entend par politique du fait accompli.

C’est intelligent, ça consiste à déplacer le rôle de celui qui doit faire l’effort pour changer les choses. Alors que les pro-européens devraient entamer devant le peuple un débat démocratique sur la neutralité différenciée, ils l’appliquent et l’imposent dans les faits, et alors c’est à ceux qui sont contre de batailler pour revenir en arrière.

Une telle manière de faire comporte des caractéristiques qui sont tout sauf celles d’une démocratie. Cette manière de faire est devenue habituelle dans notre pays. Le Conseil fédéral, et en général les exécutifs, imposent des directions sans même consulter le peuple ou en se moquant désormais de sa volonté.

La question de savoir si le conflit russo-ukrainien met en prise deux états européens, un état européen face à un état non européen, un état non européen face à l’Europe entière, un Etat non-UE face à une politique expansive-agressive de l’UE et de l’Otan, est une bonne question. Qui va la résoudre ? Qui en a la légitimité ? Le Conseil fédéral ?

Il n’échappe à personne que le conflit russo-ukrainien a de multiples aspects, une composante fratricide pour commencer, à laquelle s’ajoute un conflit de valeur qui met en prise deux blocs aux conceptions politiques différentes et stratégiquement opposés. Les enjeux de ce conflit sont si nombreux que quelques-uns sont même curieusement oubliés, comme celui de la réforme agraire concernant les terres agricoles du tchernoziom qui, comme chacun le sait, sont parmi les plus convoitées du monde et vont le devenir plus encore (voir infra Guerre du Tchernoziom). Dans une perspective plus sociologique peut-être même qu’un jour on nous montrera que le conflit russo-ukrainien avait aussi de manière sous-jacente toutes les caractéristiques d’une première guerre civile européenne contre le wokisme. Qui le sait ? Personne n’ignore plus qu’à l’origine de la révolution de Maidan on trouve tout le cortège des manipulations de la jeunesse à qui l’Union européenne sait si bien vendre ses libertés de plus en plus factices et trompeuses, comme ces libertés de changer de sexe qu’elle vend à l’intérieur de paquets cadeaux en même temps que ses sous-enchères salariales et ses loyers abusifs qui empêchent désormais aussi bien qu’en Chine d’avoir des familles nombreuses. Liberté, Libertad, Freedom, on ne sait plus en combien de langues l’UE sait encore conjuguer ça. Ce que l’on sait par contre c’est que déjà bien avant la guerre la Russie était désignée comme l’axe du mal, qualifiée par les experts assermentés de ce nouveau mot qu’ils ont inventé d’illibéral, un système du mal par excellence, sauf soi-dit en passant que les aides à la famille et aux enfants y sont plus nombreuses qu’en Suisse et que la liberté d’entreprise y est aujourd’hui aussi assurée.

Et dans tout cela, dans ma nature de citoyen helvétique, il y a quelque chose qui me gêne profondément, c’est ce système de pensée unique qui voudrait aujourd’hui régner en maitre absolu sur notre débat politique, qui voudrait tout dominer par son emprise manichéenne et dictatoriale de plus en plus simpliste, et qui aujourd’hui prétend qu’il peut à lui seul nous désigner qui est notre «ennemi».

Bien sûr que la Russie a violé le droit international en recourant à la force, mais dans une considération de justice on ne peut s’arrêter à cette violation sans entendre et examiner ce que la Russie pourrait aussi avoir à dire. Il n’est pas possible d’examiner une violation de ce type sans examiner s’il y a eu ou non des éléments de légitime défense. Et ça, seule une Cour internationale et surtout indépendante pourrait en juger après avoir examiné tous les faits et entendu tous les arguments de l’Ukraine (et) de la Russie.

Pourquoi dire tout cela ? Et bien parce que je refuse que le Conseil fédéral me désigne quels sont les bons et les mauvais pays. Je refuse qu’il pense à ma place et me prive de mon libre arbitre. Je refuse qu’il me désigne quel est «l’ennemi commun». Je refuse sa «neutralité différenciée» qui cherche à m’enrôler de force et à me faire marcher derrière la politique de l’Union européenne.

Je suis un Suisse, je n’appartiens à aucun camp, et je possède la liberté de me déterminer moi-même.

Est-ce donc si difficile à comprendre ?

Je suis un Suisse, je suis neutre et je n’obéis ni aux uns ni aux autres.

Je suis Suisse et je ne suis, ni les uns, ni les autres.

Si les pro-européens veulent changer la neutralité alors qu’ils en passent par les urnes.

Ceux qui veulent nous imposer une neutralité différenciée et nous faire croire à un «ennemi commun» sont des va-t-en-guerre. Déjà ils nous ont fait désigner comme un «pays hostile» par une moitié du monde.

De quel droit ? De quel droit Mr Pfister, président du PDC-LeCentre ? Mme Amherd ? De quel droit Messieurs et Mesdames Ignazio Cassis et Keller-Sutter ? Oui, de quel droit pouvez-vous me désigner un ennemi commun et me faire passer pour hostile aux yeux de la moitié du monde ? Je vous le demande, de quel droit ?

Tous les Suisses ne sont pas à vous et ne vous appartiennent pas !

Et autant vous le dire très haut et tout de suite, ce que vous attaquez aujourd’hui c’est rien moins que notre Contrat social.

Et une fois de plus, hélas, faut-il encore ajouter.

Michel Piccand

SUR LA LEGITIME DEFENSE DE LA RUSSIE

La Russie justifie son intervention en Ukraine par la légitime défense et en se référant à l’article 51 de la Charte des Nations Unies. Poutine l’a expressément rappelé dans son entretien avec le Secrétaire général de l’ONU le 26 avril 2022, en expliquant que si l’Ukraine ne reconnaissait pas les référendums d’indépendance des Républiques de Donetsk et de Lougansk alors ces dernières étaient fondées à demander l’aide militaire de la Russie, ce qu’elles ont fait. [1]

En rappelant que du point de vue du droit international la déclaration d’indépendance de ces républiques n’avait pas besoin de l’accord du pays originaire, ici l’Ukraine, comme cela est désormais admis par principe par la Cour internationale de Justice depuis le précédent du Kosovo et son avis consultatif No 2010/25 du 22 juillet 2010. Un principe de droit international qui reconnait donc désormais à toute entité le droit à l’indépendance sans accord du pays originaire, et qui, s’il n’est pas admis par tous les pays du monde, est admis par la Suisse et par tous les pays de l’UE, sauf l’Espagne dont chacun sait pourquoi avec la question de l’indépendance de la Catalogne.

Et ici il convient alors de rappeler le rôle que le Conseil fédéral de l’époque, avec Micheline Calmy-Rey et sa «neutralité active », a joué dans l’affaire du Kosovo en lui reconnaissant d’emblée l’indépendance et alors que notre ambassadeur à l’ONU Peter Maurer était l’un des premiers à la défendre devant l’Assemblée générale à New-York. (Nous disons Conseil fédéral et non la Suisse et son peuple puisque ces derniers ne se sont jamais prononcés sur cette question).

On voit ainsi tout le problème de neutralité qui se pose désormais à la Suisse – et surtout à son peuple que l’on ne consulte jamais sur ces questions et qui n’a pas voix au chapitre – où dans une situation semblable le Conseil fédéral reconnait avant tous les autres l’indépendance d’un pays (Kosovo) mais ne la reconnait pas ensuite dans le cas actuel (Républiques de Donetsk et Lougansk). Il y a ici deux poids deux mesures, une conception à géométrie totalement variable, soit l’exact inverse de la neutralité.

Cette différence de traitement est un exemple frappant qui montre que nous devons avoir la plus grande méfiance pour les politologues et autres départements des affaires étrangères qui veulent supprimer notre neutralité ou la transformer pour soi-disant la faire évoluer. Ces gens croient tout savoir, mais en réalité ils nous conduisent en irresponsables vers des problèmes et des difficultés qui vont devenir de plus en plus insurmontables pour notre pays. Il y a là une conception irréfléchie de notre politique étrangère qui se voit désormais confisquée par quelques politiciens imbus d’idéologie et aidés par des technocrates de l’administration fédérale. Ce n’est pas acceptable.

On rappelle également que celui qui prétend défendre les valeurs fondamentales de l’Etat de droit et de la neutralité ne saurait désigner un coupable avant qu’une Cour internationale indépendante ne se soit prononcée. La majorité actuelle du Conseil fédéral, par ses positions précipitées et irréfléchies, ne défend donc dans la guerre en Ukraine ni les valeurs de l’Etat de droit ni de la neutralité.

[1]

Entretien entre le président de la Fédération de Russie et le Secrétaire général de l’ONU du 26 avril 2022.

(min. 17’38 dans la vidéo mise en lien).

https://www.youtube.com/watch?v=3Do6H7BEzac

L’UKRAINE N’EST PAS UNE DEMOCRATIE. DE QUEL DROIT NOUS RANGE-T-ON DERRIERE ELLE ?

On nous présente aujourd’hui le régime ukrainien comme celui de la paix, de la démocratie et du progrès. Le président de la Confédération Ignazio Cassis s’affiche par visio-conférence sur la place fédérale avec le président Zelenski en voulant nous faire croire que nous devons le suivre comme un phare du monde libre et démocratique. Mais l’Ukraine pro-occidentale depuis Maidan c’est tout sauf une démocratie.

La démocratie c’est avant tout un contrat social – une notion que beaucoup dans le monde actuel ne semblent plus vraiment respecter, y compris dans notre pays. Le premier devoir politique d’un gouvernement et d’un parlement qui se veulent démocratiques c’est de respecter le contrat social qui a cours dans leur société et de le consolider. Exactement ce que n’ont pas fait les pro-européens qui ont pris le pouvoir à Maidan et qui sont toujours aux commandes aujourd’hui.

On pourrait gloser à l’infini sur qui a commis les premiers actes de guerre mais personne ne peut contester que le conflit ukrainien commence par une guerre civile, par un conflit interne entre ukrainiens de langue ukrainienne et ukrainiens de langue russe qui représentent environ 30 % des citoyens de ce pays. Et l’on dit bien des citoyens.

Depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991 le conflit linguistique est au cœur de toute la question politique ukrainienne. Pour résumer, l’Ukraine doit-elle être bilingue, ou plurilingue comme la Suisse, ou au contraire l’ukrainien doit-il être la seule langue étatique de ce pays ?

La question de la langue n’a rien d’anodin et les Suisses en savent quelque chose. Que diraient les Romands si tout à coup le parlement décidait que l’allemand est la seule langue officielle de la Suisse, la seule langue utilisée dans les lois et dans les tribunaux, dans les processus politiques et dans les votations. Chacun sait qu’en Suisse personne ne l’accepterait.

Dans la langue parlée tous les jours en Ukraine la séparation entre l’ukrainien et le russe n’est pas si drastique, il y a un bilinguisme oral de fait. Pour donner un exemple lorsque l’équipe de football d’Ukraine est interrogée par un journaliste qui a l’obligation de faire les interviews en ukrainien, les joueurs répondent presque tous en russe, et tout le monde se comprend. Mais c’est une autre affaire lorsque les textes de lois et les documents politiques ou électoraux ne sont publiés qu’en ukrainien. C’est toute une partie de la population (russophone et la plupart du temps pro-russe) qui n’a plus accès à toute l’information.

Un universitaire, et l’on dit bien un universitaire, de langue maternelle russe, ne comprend qu’environ 50 % des mots et de la syntaxe dans un texte de loi ukrainien, il ne peut pas en comprendre la totalité sans une traduction. Pour un article dans un journal économique c’est environ 30 % des mots qui lui échappent.

Si l’on ajoute cette autre question brûlante de la société ukrainienne qui porte sur la réforme agraire visant à libéraliser la vente des terres agricoles les plus riches du monde et dont près de 65 % des Ukrainiens ne veulent pas (voir plus loin Guerre du Tchernoziom), alors on a une idée un peu plus large de tout ce qui se joue dans ce conflit.

Voici donc, parce que ce sont des faits établis que chacun peut vérifier, les lois linguistiques promulguées par le très «démocratique» régime politique pro-occidental de l’Ukraine depuis la prise de pouvoir de Maidan :

- Le 23 février 2014, soit deux jours à peine après la nomination d’un gouvernement provisoire suite aux émeutes de Maidan, les pro-européens au parlement demandent l’abrogation de la loi sur le bilinguisme de 2012 qui permettait dans les régions pro-russes de mettre les deux langues presque à égalité et aux russophones d’accéder aux tribunaux dans leur langue maternelle.

Certains observateurs estiment que cette demande d’abrogation a été l’étincelle qui a mis le feu au poudre, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, qui a rendu irréversibles les réactions négatives en Crimée et dans les régions du sud et de l'est suite à la révolte de Maidan. De fait, les évènements de Simferopol, capitale de la République autonome de Crimée, qui sont considérés comme les déclencheurs de la guerre civile commencent bien deux jours après, soit le 26 février.

L’abrogation de cette loi sur le bilinguisme de 2012 ne sera pour des raisons de procédure jamais réalisée au parlement, mais la Cour Constitutionnelle, réputée pour suivre les pouvoirs en place, saisie par les mêmes députés, va la déclarer nulle et non avenue en 2018. La politique d’ukrainisation, par laquelle il faut entendre la mise en place de la langue ukrainienne comme seule langue officielle de l’Ukraine, est imposée à tous les Ukrainiens.

En tout état de cause, peu importe de quel bord l’on regarde, il n’y a ici de la part du parlement ukrainien pro-occidental aucune volonté de préserver ou de consolider le contrat social en prenant en compte les besoins des Ukrainiens de langue maternelle russe, soit de près de 30 % de la population. Ces gens parlent de démocratie autant dire qu’ils en sont de parfaits étrangers.

- Après l’annulation de la loi de 2012 sur le bilinguisme vont s’ensuivre entre 2015 et 2019 diverses lois d’ukrainisation du même tonneau. En 2015 une loi dite de décommunisation qui interdit la propagande et les symboles communistes et nationaux-socialistes en profite au passage pour dérussifier toute la toponymie ukrainienne, rues, places, etc., par exemple l'ancien district Dnipropetrovsk devient Dnipro et Kirovohrad devient Kropyvnytskyi. Le 16 juin 2016 le parlement impose des quotas linguistiques pour la radio ; 35 % des chansons et 60 % des programmes d’informations devront désormais être en Ukrainien. En 2017 la loi impose un quota de 75 % de langue ukrainienne pour toutes les chaînes de télévision opérant en Ukraine. En 2017 l’ukrainien devient la seule langue obligatoire dans l’enseignement public après le degré primaire.

Toutes ces lois parlent d’elles-mêmes. Elles montrent une volonté de remplacer une langue maternelle, le russe, au profit de l’ukrainien. S’il n’y avait que quelques pourcents de locuteurs de langue maternelle russe en Ukraine on pourrait comprendre, mais il s’agit ici de 30 % des citoyens. Du point de vue linguistique de telles manières de faire violent clairement les droits humains et le droit naturel et inaliénable pour un autochtone de pouvoir vivre et avoir accès aux actes des autorités dans sa propre langue. Et la loi qui est mise en place en 2019 va pousser encore plus loin la mise à l’écart du russe et des russophones.

- Le 25 avril 2019 le parlement Ukrainien pro-UE promulgue une loi dite de « Soutien de l’ukrainien en tant que langue d’état » et dont aucune personne dotée d’un minimum d’honnêteté ne peut douter qu’il s’agit d’une loi totalitaire.

Outre que cette loi étend encore l’obligation de l’ukrainien dans tous les domaines de la société, dans les publications en ligne et sur papier, étend à 90 % l’obligation d’ukrainien dans les contenus audio-visuels, l’impose à tous les événements culturels et artistiques, ce sont ses articles 13 et suivants sur la langue de travail des autorités qui en montre toute la nature dictatoriale.

Cette ukrainisation, en réalité une dérussification, repose en Ukraine sur une politique linguistique digne de l’apartheid. C’est une politique de ségrégation linguistique qui fait dépendre du statut linguistique de l’individu sa possibilité de comprendre les textes juridiques et de participer entièrement à la vie politique du pays. Un citoyen de langue maternelle russe qui ne parle et ne comprend l’ukrainien que moyennement se voit de fait interdire l’accès aux textes juridiques et politiques de son pays. Et là on a presque déjà tout dit. La langue est ici utilisée comme un instrument de ségrégation d’une partie de la population par l’autre.

Ce n’est donc pas un hasard si la Commission de Venise (Commission européenne pour la démocratie par le droit) qui analyse en 2019 les nouveaux article 13 à 16 sur langue de travail des autorités publiques, qui exclut donc toute autre langue que l’ukrainien, se voit obligée de mettre en garde (mollement) l’Ukraine en citant des jurisprudences antérieures sur la ségrégation par la langue en Namibie… (Opinion No. 960 / 2019. Opinion on the law on supporting the functioning of the Ukrainian language as the state language. Consid. 13).

Sous le couvert d’une oppression passée de la langue ukrainienne au profit du russe durant l’ère soviétique, l’ukrainisation actuelle, c’est-à-dire l’imposition de l’ukrainien comme seule langue officielle de l’état, cache mal la volonté politique des Ukrainiens pro-UE d’affaiblir le poids politique des Ukrainiens russophones et politiquement pro-russes.

Les Ukrainiens pro-UE se présentent en défenseurs de la démocratie et des droits humains mais leur ambition a toujours reposé sur une volonté de ségrégation politique par la langue d’une partie de leur communauté, celle de langue maternelle russe.

Et l’article 18, cette fois, de la nouvelle loi de 2019 confirme exactement ce caractère totalitaire puisqu’il pose désormais qu’en matière électorale et dans les scrutins que tout ce qui concerne les informations de vote, les bulletins, le matériel de campagne, les débats télévisés, que tout doit être en ukrainien. La loi dit « tout matériel de campagne électorale "diffusé à la télévision, à la radio, placé dans la publicité extérieure, médias, distribués sous forme de tracts et de journaux, ou affichés sur Internet" doit être exclusivement en ukrainien, les autorités locales « pouvant » en faire des traductions. » (Traduction par la Commission de Venise, consid. 64).

Une telle pratique, immédiatement mise en vigueur, revient de fait à exclure du processus politique tout russophone pro-russe ne maitrisant que de manière imparfaite l’ukrainien. On vous laisse imaginer, dans un pays déjà en faillite avant la guerre, ce qui peut se passer dans des circonscriptions rurales ayant peu de moyens à consacrer aux traductions. De telles manières de faire relèvent d’une politique d’apartheid linguistique, cela n’a pas d’autre nom.

Et les Ignazio Cassis, Karin Keller-Sutter, le président du PDC-LeCentre Gerhard Pfister, viennent nous expliquer que nous devons tous être unis derrière le régime actuel de l’Ukraine. Mais qu’est-ce que ces gens nous racontent ? C’est un régime totalitaire. Je ne suis pas derrière un tel régime et je ne le serai jamais. Je ne suis pas derrière l’UE et tous ceux qui en coulisse appuient, manipulent et veulent tirer profit de la situation en soutenant ce régime.

Il y a les crimes de guerre ? Dont personne actuellement n’est en mesure de désigner preuve à l’appui les coupables devant un tribunal indépendant. Alors oui parlons-en.

Les crimes de guerre ce sont d’abord les Ukrainiens entre eux qui les ont commis, et de tous les bords. Le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations-Unies (UN OHCHR) a recensé plus de 2'300 cas de détentions illégales, de mauvais traitements et de tortures, ayant eu lieu principalement durant la phase initiale du conflit dans la période 2014-2015. Et de chaque côté.

Le premier devoir d’un état dans de telles circonstance c’est d’assurer la sécurité des citoyens, de tous les citoyens. Le premier devoir des soi-disant responsables politiques c’est de calmer la situation et de préserver à tout prix l’état de droit, si l’on veut éviter que le contrat social ne vole définitivement en éclat. Et qu’a fait le si démocratique régime ukrainien pro-UE ? Il a fait exactement le contraire.

Le 13 avril 2014 le président de l’Ukraine, sur décision du Conseil de sécurité nationale et de défense de l'Ukraine, que soi dit en passant le président nomme seul (ce qui en dit déjà long, art. 107 Cst. ukrainienne) décrète des « mesures urgentes pour surmonter la menace terroriste et préserver l'intégrité territoriale de l'Ukraine » (Décret 405/214). Et si l’on peut comprendre et à la limite que dans une telle situation le gouvernement s’arroge les pleins pouvoirs, en réalité ici dans les mains d’un seul homme, autre chose est le fait de désigner tous les séparatistes comme des terroristes.

Ça, ce ne sont pas les actes d’un gouvernement qui cherche à préserver un minimum le contrat social et la paix entre les citoyens, ça, ce sont les actes de quelqu’un qui alimente et veut la guerre. Et la réalité des mesures appliquées sur le terrain va confirmer très exactement cette volonté. Il suffit ici de lire ce qu’en dit le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations-Unies. On cite :

«Le rôle de premier plan joué par le SBU (Ndlr. services secrets ukrainiens) dans les décisions arbitraires liées au conflit dans la détention, la torture et les mauvais traitements, pourrait être attribué au fait qu'il a coordonné l'ATO (Anti-Terrorist Operation), a enquêté sur les crimes en vertu de l'article 258 (acte de terrorisme) du Code pénal tel qu'assigné par la loi, et que manquait le contrôle du ministère public. »

(ARBITRARY DETENTION, TORTURE AND ILL-TREATMENT IN THE CONTEXT OF ARMED CONFLICT IN EASTERN UKRAINE 2014 – 2021. Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, UN OHCHR. Consid. 51).

« Manquait du contrôle du ministère public » ! Dit en d’autres termes, les services secrets ukrainiens ont reçus carte blanche pour faire tout ce qu’il voulaient hors de tout contrôle judiciaire, pour incarcérer des gens sans aucun contrôle procédural, pour ouvrir des lieux de détention secrets, comme le dit le bureau de l’ONU, comme dans celui de l’aéroport de Marioupol, pour y torturer des gens.

Voulez-vous Mr Cassis, Mr Pfister, Mme Keller-Sutter, que l’on vous montre les photos de mains brulées au chalumeau par les services secrets ukrainiens ? Voulez-vous des chaises pour vous asseoir comme des juges et nous dire en tenant ces photos entre vos mains qui sont les responsables de la guerre, ou nous dire comme Mme Keller-Sutter qu’après avoir vu à la télévision des corps allongés sur le sol à Boutcha que elle, elle sait, qui a commis des crimes de guerre ? Ou de Mr Pfister qui veut maintenant nous enrôler derrière le régime ukrainien et lui livrer des munitions de guerre ?

Ces gens devraient réfléchir un tout petit peu. Et la photo des mains on vous la met tout à la fin pour être sûr que vous puissiez lire jusqu’au bout et des fois que vous croiriez que tout cela ne sont que des abstractions.

Vous voulez nous faire marcher derrière un régime démocratique injustement agressé ? Mais lequel Mr Pfister, de quel régime démocratique parlez-vous ?

Les pro-UE et les pro-Otan ukrainiens ont voulu cette guerre, à tout le moins l’ont assidûment alimentée. Et vous voulez nous ranger derrière eux ?

Les preuves présentées ici que les Ukrainiens pro-UE ont aussi cherché la guerre ne vous suffisent pas ? Alors on vous conseille de bien écouter cette interview d’Alexey Arestovich, conseiller militaire du gouvernement ukrainien, et tenue en février 2019, deux mois avant les élections présidentielles qui vont mener Zelensky au pouvoir. [1]

Alors que la journaliste lui demande comment on pourrait mettre fin à la guerre dans le Donbass, il répond clairement que la fin de la guerre n’est pas dans leurs options. Qu’au contraire ils veulent sa radicalisation et son escalade pour forcer l’Otan à intervenir, voire même, si c’est possible, pour faire tomber ensuite le pouvoir en place à Moscou. On relève que l’homme est par ailleurs porte-parole de la délégation ukrainienne au Groupe de contact tripartite pour le règlement pacifique de la situation dans l'est de l'Ukraine ! Ça ne s’invente pas.

Le monde politique ukrainien est totalement illisible, il n’a aucune crédibilité, avec des politiciens qui disent à la fois tout et son contraire, tel le président Zelensky, anti-russe puis pro-russe puis à nouveau anti-russe. La classe politique de l’Ukraine ment comme elle respire, à chaque fois que l’on trace le parcours politique d’un politicien on trouve juste après l’oligarque de service qui l’a financé.

L’avantage de la lecture de la vie politique par les lois promulguées c’est que les lois, elles, ne mentent pas, elles sont inscrites et figées sur le papier. Le président Zelensky n’a cessé d’affirmer qu’il était pour la paix, pour la démocratie et pour un dialogue avec les Russes, alors voici encore deux lois passées sous son mandat.

Pour bien cerner la situation il faut ici avoir à l’esprit que la guerre du Donbass, la proclamation d’indépendance des Républiques de Lougansk et Donetsk et de Crimée, ont profondément modifié le paysage électoral de l’Ukraine, ces dernières républiques autoproclamées ne participant plus aux scrutins de l’Ukraine. Ce qui soit dit en passant a considérablement favorisé l’entrée au parlement des pro-UE en éliminant des élections les circonscriptions pro-russes. Les pro-UE et pro-Occidentaux sont de ce point de vue les grands gagnants de cette guerre civile, aussi paradoxal que cela puisse paraître (mais peut-être pas tant que ça, voir plus loin).

Voici donc deux modifications de loi que Zelensky a pu mettre en place puisqu’une grande partie des pro-russes n’ont plus eu voix au chapitre dans les choix politiques ukrainiens.

L'Ukraine possède les terres agricoles parmi les plus fertiles du monde (voir infra Guerre du Tchernoziom). Depuis 2001 un moratoire interdisait toutes ventes de terres agricoles et aucun gouvernement depuis lors n’avait réussi à faire abroger cette interdiction, près de 65 % des citoyens s’opposant à la libéralisation des terres. Mais en mars 2020, les pro-UE désormais à la tête du pays vont enfin pouvoir mettre fin à ce moratoire, puisque les pro-russes des républiques séparées ne sont plus représentés au parlement.

Dans cette guerre, il ne semble donc pas que tout le monde y ait perdu. La loi de modification 552-IX va désormais permettre d'acheter jusqu'à 100 hectares de terres, puis jusqu'à 10 000 hectares à compter du 1er janvier 2024. Ce sont les oligarques qui apprécient, et c’est le peuple qui en majorité s’opposait à la fin du moratoire qui a perdu.

La seconde modification foncière prise par le gouvernement Zelensky qui cherche la paix avec la Russie est tout aussi pacifiste et démocratique puisque, pour peu que les terres agricoles des républiques séparées reviennent un jour en Ukraine, les citoyens desdites républiques seront de toute manière exclus du marché foncier pour avoir participé à la guerre civile et être devenus des terroristes selon le pouvoir central de Kiev.

Le parlement ukrainien pro-UE a en effet modifié l’article 130 sur l’acquisition de la propriété des terres agricoles de manière à interdire leur achat à toutes « personnes appartenant ou ayant appartenu à des organisations terroristes » ou ayant acquis la double-nationalité russe, ce qui a souvent été le cas dans ces territoires [2]. En résumé, avec cette loi, si l’Ukraine récupère un jour les territoires séparés, alors tous les Ukrainiens pro-russes se verront avec le temps exclus du marché foncier et à terme exclus de la propriété de la terre, de cette terre parmi les plus convoitées de la planète. C’est beau la démocratie.

L’absence du vote des républiques de Donetsk et de Lougansk et de la Crimée depuis l’élection parlementaire de 2014, environ 3.75 millions de voix ou 16 % des électeurs potentiels, a eu de multiples effets, dont les deux principaux ont été l’abaissement de 450 à 423 sièges au parlement, soit 27 sièges perdus par les régions pro-russes, mais surtout l’abaissement du quorum qui a permis à des formation pro-UE d’entrer au parlement. C’est par exemple en raison de cette diminution du nombre d’électeurs en 2014 que le parti pro-UE Batkivshchina de Yuliya Tymoshenko a notamment pu y entrer, sans cette baisse du nombre de votants son parti n’aurait cette année-là jamais atteint le quorum de 5 %. Certains commentateurs pensent que cette modification du calcul électoral en faveur des Ukrainiens pro-UE est une des raisons qui les ont ensuite amenés à refuser l’application des accords de Minsk puisque ceux-ci prévoient la réintégration dans l’Ukraine des républiques séparées pro-russes, et donc leur retour sur la scène électorale et au parlement.

Et alors il faut aussi savoir que cette question de l’exclusion électorale des pro-russes qui a donc été, de fait, réalisée par la guerre du Donbass et les évènements de Crimée n’est pas une simple conséquence qu’aucun politicien n’avait jamais envisagée ou qui serait tout à coup sortie de nulle part.

L’idée de cette exclusion électorale des pro-russes de l’Ukraine était déjà dans l’air au moins depuis 2010 lorsque le professeur de science politique américain, d’origine ukrainienne, Alexander Motyl, avançait l’hypothèse d’une stratégie «d’expulsion» en expliquant que « les arguments en faveur d'une réduction de la taille peuvent être particulièrement convaincants pour l'Ukraine qui, toutes choses étant égales par ailleurs, serait bien mieux lotie sans deux de ses provinces orientales, Lougansk et Donetsk. Leurs populations étant majoritairement russes ou russifiées. » (Motyl, “Reifying Boundaries,” 215–16.)

Ou encore les positions du ministre de l'Éducation sous Ianoukovitch, Dmytro Tabachnyk, qui lorsqu'il était député en 2009, envisageait une politique visant à expulser cette fois la Galicie (ancienne région aujourd’hui partagée entre l’Ukraine et la Pologne) comme une valeur aberrante qui empêche l'unité ukrainienne. (Colton, “Thinking the Unthinkable,” 19–23.)

Ou encore quand le premier président de l’Ukraine indépendante, Leonid Kravtchouk, un ancien communiste affilié aux soviétiques qui a rapidement tourné sa veste à la chute du mur, et qui en août 2015 déclarait «Aujourd'hui, sous l'influence de la Russie, une tumeur cancéreuse s'est formée sur ce territoire. Cette tumeur ne peut être éliminée que par extraction chirurgicale et rien d'autre. Malheureusement, les analyses sociologiques et les sondages montrent qu'une partie importante de la population, vivant dans les territoires occupés, est encore aujourd'hui orientée vers la Russie. » (D’Anieri, Gerrymandering Ukraine? Electoral Consequences of Occupation, n.42).

Voilà donc des politiciens ukrainiens pro-UE qui doivent être contents. «L’extraction chirurgicale » a eu lieu, et n’est pas terminée, avec pour prix plus de 14'000 morts de leurs propres concitoyens !

Ces gens ne sont pas des démocrates, ce sont de parfaits étrangers à la démocratie. La vérité, la paix et le contrat social ne les intéressent pas, le pouvoir et l’argent, l’aveuglement idéologique, en ont fait des gens sans aucuns scrupules et d’un cynisme sans limites.

Et cette distinction pourrait bien devenir fondamentale dans ce monde mondialisé que l’on veut nous imposer, et dans lequel l’on veut nous faire croire que nous serions tous semblables, que nous partagerions tous les mêmes valeurs et les mêmes conceptions de la démocratie. La réalité ukrainienne nous montre que c’est là une pure illusion.

Le président Zelensky et son appareil politique pro-UE et pro-occidental nous affirment qu’ils ne veulent que la paix et le dialogue avec les Russes, autant dire que je ne les crois pas une seule seconde et ne leur accorde aucun crédit.

Et Mr Pfister du PDC-LeCentre veut que nous abandonnions notre neutralité pour pouvoir alimenter ce régime si démocratique en munitions ! Autant dire qu’il veut nous faire entrer dans la guerre.

Je ne sais si à Berne nous n’avons plus aucun service de renseignements digne de ce nom, ou si les chefs de partis et le Conseil fédéral n’y ont aucun accès. Mais lorsque l’on se fourvoie à ce point il y a de vraies questions à se poser.

Les lois qui sont présentées ici sont explicites, elles se succèdent dans le temps et vont toutes dans la même direction pour exclure de la vie politique les citoyens russophones. Ce ne sont pas des lois de politiciens qui cherchent à préserver la démocratie et le contrat social, à mettre le bien commun et l’unité du pays au-dessus de tout, ce sont les lois de gens qui veulent la guerre.

Et alors je vous demande de quel droit vous me rangez derrière eux ? Il y a déjà eu plus de 14'000 morts !

Mr Cassis, Mme Keller-Sutter, Mr Pfister, Mme Amherd ? Et toute la gauche ? De quel droit vous me rangez derrière l’Ukraine et l’UE et tous ceux qui la manipulent et veulent en tirer profit ?

L’Ukraine n’est pas une démocratie. Ces gens sont tout sauf des démocrates.

Et notre neutralité ne vous appartient pas.

Vous êtes un déshonneur pour notre Démocratie et nos millions de citoyens-soldats du passé, du présent et du futur. Vous n’avez rien compris à notre nation. Vous n’avez rien compris à ce qui fait la substance de notre pays.

[1]

Ukrainian war in 2019 - Alexey Arestovich

https://www.youtube.com/watch?v=1xNHmHpERH8

[2]

Article 130 al. 1 ch. 2 et 3.

(Vidomosti Verkhovnoi Rady Ukrainy (VVR), 2020, № 20, p.142)

https://zakon.rada.gov.ua/laws/show/552-20#Text

LA GUERRE DU TCHERNOZIOM

Ne cherchez à nulle part « Guerre du Tchernoziom », c’est une hypothèse que l’on pose ici et que personne pour ce que j’en sais n’a vraiment interrogée jusque-là. Mais elle comporte des éléments qui font passablement réfléchir.

Si l’on expose ici cette hypothèse c’est simplement pour montrer qu’un esprit sage et avisé ferait bien de rester prudent avant de prendre parti et de désigner le responsable de la guerre russo-ukrainienne. Principe de prudence qui va de pair avec le principe de neutralité.

Dans toute guerre il y a des intérêts économiques cachés souvent multiples et presque toujours impossibles à entièrement démêler. Nous n’avons jamais vu de guerre où il n’y avait rien à gagner. Personne n’a jamais fait la guerre pour des frontières où il n’y avait rien, tandis que les grandes zones de conflit se sont toujours déroulées là où se trouvait au moins une ressource essentielle. Des mines d’argent du Laurion dans la guerre du Péloponnèse à l’importance du blé dans la conquête de l’Egypte par Rome, en passant par les gisements européens de fer et de charbon durant la deuxième guerre mondiale, pour finir par le pétrole dont chacun connait l’histoire, il y a toujours au milieu d’une guerre une ressource essentielle, le tchernoziom en est une.

Le tchernoziom, un mot dérivé du russe tchernaïa zemlia qui signifie « terre noire », ce sont les terres les plus fertiles du monde, et les meilleures d’entre elles se trouvent en Ukraine. Depuis l’Antiquité l’Ukraine fut un grenier à blé pour l’Europe, à l'époque de la Grèce antique Athènes déjà dépendait de la Crimée actuelle pour sa sécurité alimentaire. Le tchernoziom c’est une terre d’une richesse incomparable, la quantité de potasse, phosphore et oligo-éléments qu’elle contient naturellement ne nécessite quasiment l’ajout d’aucun engrais, sa composition extrêmement riche en humus et argile lui permet mieux qu’aucune terre de retenir l’eau. L’épaisseur de cette terre est en général d’1 mètre, elle est de 6 mètres en Ukraine ! Ajoutez-y la dimension du réchauffement climatique et de ses périodes de sécheresse qui inquiètent déjà les agriculteurs et alors vous comprendrez toute l’importance cruciale et la valeur que vont encore prendre ces terres qui retiennent l’humidité mieux qu’aucune autre. Ce qu’il y a dans le sol de l’Ukraine c’est de l’or noir. Une ressource déjà disputée et terriblement convoitée.

Cela établi on peut alors interroger la dimension politique qui précisément devrait inciter à rester prudent avant de désigner les responsables du conflit. Parce qu’au milieu de cette guerre il y a bien évidemment la question du partage de ces terres et de leur éventuel accaparement.

Le contexte n’est pas celui d’un pays de l’Ouest, la transition qui a succédé à la chute du communisme est loin d’être terminée. Dans les anciens pays soviétiques il n’y avait pas de propriété privée et à la chute du mur de nombreux biens étatiques ont été transférés à la population sous forme de bons de participations, dont elle ne savait la plupart du temps que faire et revendait pour des bouchées de pain. C’est ainsi que se sont constituées les grandes fortunes de ceux que l’on nomme les oligarques et qui ont pu racheter massivement à vil prix les anciens biens collectifs avec des fonds venant souvent de l’étranger et avec tous les risques d’accaparement que cela suppose.

Entre 1917 et 1992 la propriété privée de la terre en Ukraine n’était pas permise, dès la déclaration d’indépendance en 1991 le gouvernement, sous pression d’organisations internationales comme le FMI, mit en place une privatisation des terres qui sans surprise conduisit à une concentration entre les mains de ceux qui disposaient du plus de moyens, et c’est pourquoi en 2001 fut introduit une loi moratoire interdisant la vente et l’échange des terres agricoles.

La question de l’accaparement de ces terres est au cœur de la politique ukrainienne depuis plus de trente ans et à première vue l’on pourrait penser que les lois foncières de l’Ukraine qui interdisent l’achat des terres par des étrangers ou des sociétés étrangères, ou au-dessus d’un certain nombre d’hectares, est parfaitement adaptée, or c’est exactement l’inverse qui est vrai, car toutes les restrictions d’achat-vente de terrains agricoles ont mené à une pratique extrêmement extensive du bail foncier sous la forme de l’emphytéose, dont le nom très significatif provient du grec implantation.

La particularité de ce type de bail est que si le locataire n’est pas le propriétaire ses droits sur le terrain peuvent être si étendus qu’ils font de lui un quasi-propriétaire, et qu’il peut très bien tenir le couteau par le manche et devenir celui qui contrôle en fait toute la politique agricole. Selon certaines sources, à la chute du mur et en raison du grand nombre de parcelles disponibles entre les mains de millions de petits propriétaires, souvent ne pouvant exploiter eux-mêmes les terres, les prix de locations fixés furent insignifiants. Pour comparaison le coût annuel moyen de location d'un hectare de terres agricoles en Ukraine en 2017 était encore d'environ 40 €, contre 160 € en Hongrie, 240 € en Bulgarie et 847 € aux Pays-Bas. On vous laisse imaginer la rente de situation.

La particularité du contrat d’emphytéose est que la plupart du temps il permet au locataire de louer à un prix modique et de faire tous les aménagements qu’il veut sur le terrain dans une durée qui en Ukraine est de 49 ans mais qui est souvent munie d’un droit préférentiel d’achat (droit de préemption). En réalité cette situation de location est une sorte d’illusion qui masque qui est le véritable possesseur économique de la terre. Et les grandes multinationales de l’agriculture ne s’y sont pas trompées.

Toujours selon certaines données ont trouvait en 2020 parmi les plus grands acteurs de ce marché le groupe Kernel, détenu par un citoyen ukrainien enregistré au Luxembourg, avec environ 570 500 hectares, venait ensuite UkrLandFarming (570 000 hectares), la société de capital-investissement américaine NCH Capital (430 000 hectares), MHP (370 000 hectares) et Astarta (250 000 hectares), le conglomérat saoudien Continental Farmers Group avec 195 000 hectares et la société agricole française AgroGeneration avec 120 000 hectares.

Ceci posé on comprend ainsi toutes les convoitises qu’attirent ces terres et toute l’importance pour certains acteurs économiques de voir le marché se libéraliser sans limites de même à l’inverse que les craintes avérées pour les petits et moyens agriculteurs et pour les citoyens de se voir évincés.

Sur un plan plus géopolitique il semblait donc évident que pour éviter une guerre avec ces terres si riches au milieu, dans un pays à la charnière entre l’Est et l’Ouest, que seul un statut de neutralité était en mesure de garantir un minimum de stabilité, que la «neutralité» devenait une condition essentielle et sine qua non de la paix. Et alors il faut se demander qui n’en a pas voulu ?

L’accession au pouvoir d’une majorité pro-UE suite aux événements de Maidan, l’évincement du parlement ukrainien d’une partie des pro-russes des provinces séparées, a permis de lever le moratoire qui interdisait le commerce des terres agricoles et auquel s’opposaient près de 65 % des citoyens avant la guerre civile. On peut donc douter que ce soit là une dimension négligeable du conflit.

Le 7 févier 2019 ces même pro-UE au pouvoir feront basculer l’Ukraine dans le camp occidental au mépris de toute considération sur la neutralité. Ayant la majorité au parlement ils vont inscrire dans la Constitution de l’Ukraine ses nouvelles orientations stratégiques qui visent l’attachement de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’Otan. [1]

Coût de l’opération, plus de 14'000 morts, des millions de vies détruites, des milliards de bâtiments et d’infrastructures détruits, l’intervention militaire de la Fédération de Russie, le monde au bord du chaos et d’un conflit mondial et généralisé.

[1]

Décret 2680-VIII du 7 février 2019.

https://zakon.rada.gov.ua/laws/show/2680-19#n6

 

A lire en parallèle avec cet article : https://lesobservateurs.ch/2022/05/24/petition-pour-linterdiction-des-drapeaux-etrangers-sur-nos-batiments-publics/

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