Twitter : l’éventuel retour de Trump grâce à Musk fait peur

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Donald Trump est de retour sur Twitter. Pas encore, mais presque. Elon Musk a en effet annoncé qu’il rétablirait le compte de l’ancien président Américain une fois l’OPA terminée, en ajoutant que le bannissement de Donald Trump était, selon ses propres mots : stupide, stupide et moralement condamnable.

Aussitôt, la planète libérale-quand-ça-m-arrange a hurlé au sacrilège et au loup en dénonçant un risque de perte de pluralisme et de dérive idéologique qui déboucherait sur la privation des libertés, dont la sacro-sainte liberté d’expression, intimant à Elon Musk de se justifier.

Pour résumer : quand Twitter bannit Donald Trump, c’est normal, parce que le propriétaire a tout à fait le droit de faire ce qu’il veut chez lui. Mais quand Twitter met fin au bannissement de Donald Trump, ce n’est pas du tout normal, parce qu’un propriétaire ne peut tout de même pas faire tout ce qu’il veut chez lui, il y a des limites et surtout c’est très dangereux.

Imaginez ce qui pourrait se passer si un propriétaire pouvait faire tout ce qu’il veut chez lui, surtout s’il est un ignoble capitaliste, mâle, blanc, riche et de surcroît anciennement sud-africain et soupçonné de libertarianisme !

Une fois encore, le libéralisme a bon dos pour être utilisé comme repoussoir.

Pire ! Le retour de Donald Trump sur Twitter serait même carrément dangereux, si on en croit les argument de l’ONG américaine Media Maters qui estime qu’Elon Musk ne se rendrait pas compte à quel point la communication de l’ancien président sur les réseaux avait développé la désinformation.

Il est clair qu’Elon Musk a besoin de conseils comme ceux promulgués par Media Maters pour comprendre ce genre de choses.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous apprenons que le rachat de Twitter par Musk est momentanément suspendu « dans l’attente de détails étayant le calcul selon lequel les spams/faux comptes représentent effectivement moins de 5 % des utilisateurs ». Affaire à suivre.

 

Trump banni de Twitter : la punition

Revenons au bannissement de Trump.

Cessons tout d’abord de nous voiler la face en nous réfugiant dans des considérations philosophiques. Le bannissement de Donald Trump de Twitter avait été une immense victoire pour le camp progressiste, l’aboutissement de quatre ans de guerre médiatique intense sur le sujet. Toute la gauche et pas seulement américaine, s’était ouvertement félicité d’avoir réussi à humilier l’ennemi politique numéro un.

L’élimination de Donald Trump des réseaux sociaux, son exil virtuel, avait été fêtée comme le point d’orgue d’une chasse aux sorcières destinée à reprendre la Maison Blanche. Dès le début de son mandat, la stratégie de l’opposition avait été de multiplier les attaques ad hominem et de systématiquement blâmer la forme, pas toujours très orthodoxe, et le style, souvent brutal, du successeur de Barack Obama.

La stratégie a été gagnante, aucun doute là-dessus. Il ne reste qu’un soupçon : celui que, comme le dit également Elon Musk, le nouveau président, Joe Biden n’a pas semble-t-il été élu pour son programme, mais avant tout pour faire cesser le drama.

Bannir Donald Trump de Twitter, c’était le coller sur une chaise dans le fond de la classe avec un bonnet d’âne et du scotch sur la bouche après lui avoir donné une bonne fessée déculottée devant la classe entière.

C’est drôle, populaire, efficace, mais cela dit, pas très moral.

Pour faire passer la pilule de la manœuvre politicienne, il a donc fallu arroser d’explications le public et les médias : de Pédagogie avec un grand P majuscule.

Il a fallu expliquer que la fin justifiait les moyens, parce que :

  1. Il est absolument nécessaire de protéger le public de la désinformation (heureusement que nous sommes là !)
  2. Argument ultime, Twitter est bien libre de faire ce qu’il veut chez lui (c’est pas nous, c’est Twitter !)

 

Protéger le public des mauvaises informations

Il n’y a pas qu’aux États-Unis que l’argument protecteur est utilisé par la classe politique et il n’y a pas que la gauche qui en use et en abuse, loin de là.

Quasiment tous les partis se disputent pour vendre leur capacité à étendre et renforcer le parapluie de l’État nounou. Cette promesse vaut d’ailleurs pour quasiment tous les sujets, le débat démocratique se limitant au choix des priorités à donner et des moyens à mettre en œuvre pour protéger telle ou telle catégorie de personnes de tel ou tel danger ou difficulté.

Est-ce que cette protectionite aiguë reflète les attentes de la société ? À en croire les sondages : oui, mais à constater le désintérêt et les critiques de plus en plus virulentes envers l’État et l’action politique, on serait plutôt enclins à conclure que non.

Cette définition du rôle protecteur de l’État est un combat d’arrière-garde. Les États providence sont des fossiles vivants du XIXe et XXe siècle. Ils disparaîtront comme les dinosaures ont disparu.

Mais nous n’en sommes pas encore là. La réalité d’aujourd’hui, c’est que l’État ne s’est toujours pas remis d’avoir perdu le monopole de la bonne parole. Il y a 50 ou 70 ans, il n’existait pas de réseau sociaux et les télés et radios étaient tout bonnement des officines du pouvoir. Seule la presse écrite faisait vivre un semblant de pluralité d’expression et encore, celle-ci était-elle toute relative. L’État a tellement utilisé les médias comme moyen de propagande aux XIXe et XXe siècle qu’il lui est terriblement difficile de lâcher prise. Pour les médias comme pour le reste d’ailleurs.

Cela ne veut absolument pas dire qu’il aura les moyens de contrer le foisonnement technologique qui se met en place : c’est largement en dehors de ses capacités et l’affolement que suscite l’acquisition de Twitter par Elon Musk est tout à fait révélateur de ce constat d’impuissance.

Bien sûr, l’État pourra interdire ici et là, mais en régulant, il sera immédiatement suspecté de partialité. Il ne fait ici que creuser sa propre tombe : les prohibitions ne font que déclencher clandestinité et révoltes.

 

Maître chez soi

Quant à savoir si Twitter aurait le droit, en tant que propriétaire, de bannir telle ou telle personne, c’est aujourd’hui surtout un chemin royal pour déterminer s’il aurait par extension, le droit, en tant que propriétaire, de ne PAS bannir untel ou untel.

L’argument de cette délégation juridique a même été entériné aux États-Unis dans une loi, le CDA, qui après jurisprudence a abouti par donner le droit (et le devoir) aux opérateurs Internet de faire la police, tout en les exonérant des propos tenus par des tiers qui utiliseraient leur plateforme.

Le méli-mélo législatif, et de la langue moderne d’ailleurs, est devenu tellement ambiguë sur certains points que l’on est vite totalement perdu : est-ce que Twitter a ici un droit au sens légal, un droit au sens moral ou un droit qui serait une liberté, une absence de contrainte ?

Pour Elon Musk, la réponse est très claire : l’argument principal pour rétablir le compte de Donald Trump n’est ni légal, ni discrétionnaire : il est avant tout moral et ne serait donc ni une lubie de sa part, ni une recommandation de ses avocats.

Cet angle de décision est suffisamment inhabituel de la part de dirigeants d’entreprises et des hommes d’affaire pour valoir d’être souligné. Trop longtemps les « capitalistes » se sont agenouillés devant les injonctions morales des « anticapitalistes » et ont systématiquement botté en touche pour éviter de s’affronter sur cet argument.

Cette attitude d’Elon Musk de justifier le refus du bannissement de Donald Trump par un devoir moral a d’ailleurs tellement choqué que ce dernier a vite été qualifié partout de libertarien, entendez par là un extra-terrestre ou un anarchiste de droite ayant l’outrecuidance de placer la morale, la loi naturelle au-dessus des lois positives décrétées par la sagesse populaire afin de rendre le monde plus moral. (Sagesse populaire incarnée comme on le sait par ses sages et vénérés représentants élus et opérée par l’État bienveillant qui s’occupe de tout afin que tout se passe bien…)

 

La liberté de diffuser

En l’espèce de liberté d’expression, c’est en fait de liberté de diffuser dans l’espace public dont il est question ici. Et jusqu’à preuve du contraire, l’espace public, c’est tout de même la justification profonde de l’existence de l’État.

Une entreprise privée n’a absolument aucune raison de déterminer quel message est à même de transiter par elle pour être diffusé dans l’espace public puisque cet espace est public et non privé et que la séparation entre les deux est sensée être clairement déterminée.

C’est d’ailleurs ce qui a conduit la Cour suprême américaine à amender plusieurs fois le CDA et qui par extension, a poussé ensuite la chambre américaine, sous l’impulsion démocrate, à multiplier les textes supplémentaires afin d’aboutir à ses fins.

Le principe à la fois légal et moral qui a été retenu est que toute décision d’ordre judiciaire, provenant ou se substituant à une autorité de justice, doit absolument respecter les droits des individus, au tout premier lieu desquels l’habeas corpus : la liberté fondamentale de ne pas être contraint sans jugement, ce qui se traduit par le droit à un débat contradictoire dépassionné et à la présomption d’innocence avant l’application d’une quelconque sanction.

Pour être plus clair : la propriété ne justifie pas l’arbitraire. Il est d’ailleurs hallucinant que ce précepte qui a été l’hymne de la gauche pendant des années pour dénoncer le spectre du capitalisme, ait été totalement perverti par elle pour l’occasion.

 

La liberté, c’est bon pour les affaires

Ce n’est donc pas par libertarianisme ou par choix partisan qu’Elon Musk a décidé de lancer un tel pavé dans la mare. Cette décision relève d’abord d’un très grand pragmatisme. Elon Musk n’a pas racheté Twitter pour le laisser empêtré dans des querelles partisanes.

Elon Musk pense simplement que les entreprises privées, au tout premier rang les siennes, sont faites pour réussir, et non pour faire de la politique, et encore moins pour compenser ou remplacer les incapacités de l’État et faire la police à sa place.

Sa position est très claire : si la loi lui ordonne ou lui interdit de faire quelque chose, il obéira ou il se désengagera s’il pense qu’il lui est impossible de réussir dans ces conditions. Mais ce n’est clairement pas son problème.

La censure et la polémique ne sont pas favorables aux affaires. S’il veut sauver l’oiseau bleu, Elon Musk doit tout de suite regagner la confiance des utilisateurs qui sont en train de s’éparpiller comme des moineaux dans les messageries cryptées et dans les réseaux partisans, comme par exemple Truth Social, le réseau concurrent de Donald Trump. Réseau qui, nonobstant les annonces fracassantes de son naufrage par ceux ayant un peu l’habitude de prendre leurs fantasmes pour des réalités, caracole en tête des téléchargements dans l’Apple Store, devant Twitter.

Le rétablissement du compte de Donald Trump a aussi (surtout ?) comme objectif de couper l’herbe sous le pied à l’entreprise de ce dernier tout en lui faisant un magnifique pied de nez.

Dommage pour ceux qui ont cru voir en Elon Musk le Jeanne d’Arc libertarien. Mais après tout, s’occuper de son jardin en se fichant bien mal des drames ridicules qui agitent en permanence le gros léviathan gluant et la mare aux canards putride… n’est-ce pas cela en définitive être libertarien ?

 

Extrait de: Source et auteur

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Un commentaire

  1. Posté par antoine le

    Il est à espérer que la Liberté sorte grandie de ce marasme !!
    Ne soyons PAS naïfs ! tout est une question de  »GROS SOUS » !!

Et vous, qu'en pensez vous ?

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