« Elles parlaient comme des collégiennes », « elles étaient un peu chiantes »… Et pour cause : à 12 et 14 ans, les deux adolescentes se prostituaient dans un hôtel, mais ce n’était pas le « problème » de leurs proxénètes, condamnés mercredi jusqu’à quatre ans de prison par le tribunal correctionnel de Meaux. Exemple d’un proxénétisme « banalisé » en procès.
Clémence* et Jessica* (prénoms modifiés) sont de « toutes jeunes filles ». La première vient d’une bonne famille, père ingénieur, mère infirmière sur le front du Covid, un chien, des vacances en Grèce. La seconde, petite et frêle, est issue d’un milieu populaire, placée en foyer, elle a un doudou et suce encore son pouce. Pour des raisons différentes et traumatiques – l’une a subi un viol – elles sont devenues fugueuses, jusqu’à se retrouver en novembre dans un hôtel bas de gamme de banlieue parisienne, en Seine-et-Marne.
Je ne voulais pas la faire tapiner, c’est elle qui a voulu
« Remarquons que ça sent la pizza froide et le sexe », écrivent les policiers en pénétrant dans le bouge, où ils trouvent les adolescentes, deux hommes, des préservatifs, du lubrifiant, « des sous-vêtements parlants » et 700 euros en liquide. Au centre de l’affaire, Jessica désigne en audition, « le mac » : 21 ans, sans emploi, en situation irrégulière, ce jeune homme de nationalité ivoirienne, surnommé « le D », n’a pas de logement fixe.
Il rencontre Clémence, fugueuse multirécidiviste – 54 fois en un an – « dans un grec ». « Je ne voulais pas la faire tapiner, c’est elle qui a voulu », explique-t-il, lâchant juste qu’il la croyait plus âgée. Elle devient sa petite amie et la prostitution commence, puis Jessica rejoint Clémence, les deux adolescentes se connaissant déjà. Le souteneur, déjà condamné pour trafic de stupéfiants, refuse de dire à l’audience qu’il est proxénète, livrant un aperçu banalisé de son quotidien.
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La prostitution ? « C’était pas mon problème », évacue-t-il d’un ton laconique. Un de ses amis, âgé de 20 ans, est soupçonné d’avoir aidé à gérer les annonces des filles sur un site spécialisé. Il a nié les faits à l’audience. Le principal prévenu a été condamné à 4 ans de prison ferme et 8 ans d’interdiction de territoire français, et son ami à trois ans ferme. « Il n’a pas organisé quoique ce soit, son rôle était d’être présent », a plaidé son avocat, Me Adrien Namigohar, parlant d’un « proxénétisme passif ».
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